Le football et le golf touchent donc des parties de la population relativement différentes. De ce fait, il est intéressant de comprendre comment les inégalités sont perçues dans chacun des deux sports. Entamons ensemble la troisième partie de notre enquête, les blocages sociétaux. Pour avancer, partons à la rencontre du racisme. Car celui-ci est bien présent.

Des blocages sociétaux nocifs de part et d’autre

Un racisme latent

Un marché gangréné

Un racisme latent peut s’exercer dans les deux activités. Il y a tout d’abord dans le football des attentes autour de joueurs en fonction de leurs origines. L’origine d’un joueur définit inconsciemment un profil recherché auprès des recruteurs. Ce biais pour le recrutement des jeunes talents s’exerce sans pour autant que les acteurs au sein du milieu aient conscience des critères sélectifs qui peuvent se mettre en place.

C’est ce que confirme le sujet C. : pour lui, le marché des transferts est gangréné par des stéréotypes et par un racisme latent.

« C’est-à-dire que, bon, mettons que tu as trois ou quatre blacks dans l’équipe, et bah eux-mêmes ils vont plus facilement insister sur leur puissance physique parce que c’est sur ça qu’on va les juger. Y a un racisme latent dans le football, il ne faut pas se voiler la face. Je suis persuadé que certains joueurs dans certains pays peuvent… Enfin bon. Mais quand tu vois certains critères, tu restes songeur. Je connais assez bien le milieu, et c’est plus facile de négocier un gros transfert pour un blanc. Attention, je ne dis pas que ce n’est pas le cas partout, mais… Enfin. Je veux accuser personne, mais certains clubs. On a souvent dit que le Real avait laissé partir Makélélé parce qu’il ne vendait pas assez de maillots, pas assez vendeur. Y a peut-être des autres raisons, pas forcément conscientes. »

Une analyse statistique

Cela semble se confirmer à l’analyse des performances des joueurs de couleur dans le championnat anglais de football, la Premier League. En effet, les résultats statistiques de ces joueurs – ratio de buts par minutes joués, de passes décisives, d’actions clefs, de passes réussies, de tacles bien effectués et toutes sortes d’indicateur allant dans le sens le plus objectif possible – confirment la même chose : pour le même prix d’achat, un joueur de couleur va avoir des performances beaucoup plus importantes que celles d’un joueur blanc.

Le joueur blanc va se voir également offrir plus de temps de jeu pour des performances similaires, ce qui, logiquement, va affecter très fortement son explosion au plus haut niveau : il est beaucoup plus simple de réaliser de bonnes performances lorsque l’on joue ! (Kuper & Szymanski, 2014) On notera par exemple que seuls deux des dix plus gros transferts de l’histoire du football concernent des joueurs « noirs » (les français Ousmane Dembélé et Paul Pogba).

Cependant, il semble fort peu probable que ces politiques soient mises en place de manière visible. En effet, aucune organisation ne va mettre en avant son caractère raciste, que ce soit dans le monde du football ou dans les milieux professionnels ! (Gaignard, 2006) Néanmoins, certains pratiques sont de plus en plus mises au grand jour. Elles ne concernent que rarement les grands joueurs de football, mais plutôt soit les jeunes rentrant dans les centres de formation, soit les entraîneurs. L’affaire Marc Westerloppe montre bien qu’un « fichage ethnique » existe dans certains clubs de football professionnel au niveau de la formation et de la préformation (Dufy & Hermant, 2018). Cependant, au vu des réactions des parties concernées, il semble que ces pratiques soient davantage individuelles et spontanées – une sorte de racisme de la part du ou des recruteurs – que des pratiques organisées à grande échelle et dans de nombreux clubs.

Les sorciers blancs

En revanche, ce qui choque beaucoup plus, c’est l’absence d’entraîneur noir au plus haut niveau du football. En effet, lors de la Coupe du Monde de football 2018 disputée en Russie, par exemple, un seul entraîneur noir était présent, Aliou Cissé (Sénégal), malgré la présence de plusieurs sélections africaines, comme par exemple le Nigéria. On notera en outre que de nombreux entraineurs blancs (les « sorciers blancs ») peuplent le football africain ; un phénomène qui n’est pas du tout réciproque (Lazri, 2018).

Le football semble donc, en plus d’une espèce de barrière sociale, en proie à un racisme latent, pas forcément assumé de la part des institutions mais pourtant bien présent. Rares sont les supporters de football à ouvertement assurer que leur club pratique une politique raciste – même si on retrouve un certain racisme chez les supporters.

Et le golf ?

Le golf, pour sa part, est lui aussi en proie à un certain racisme. Mais, assez étrangement, il est beaucoup plus assumé. Les joueurs de golf ne se cachent pas des stéréotypes liés à leur sport. B. en témoigne tout à fait ouvertement.

« Au niveau des origines des personnes qui pratiquent, oui. C’est un peu bête de dire ça comme ça mais je n’ai personnellement jamais croisé personne d’origine africaine ou d’origine arabe sur un parcours. »

B. est même très catégorique sur son sport : le golf n’est pas du tout ouvert socialement, et les couleurs de peau blanches sont surreprésentées.

« Il y a deux choses. Déjà, du côté des gens qui n’ont pas l’habitude de pratiquer le golf, ils n’osent pas venir pratiquer car ils se disent que ce n’est pas pour eux, que ça coûte trop cher, etc… Et de celui des gens qui font du golf, peut-être – pas partout – qu’ils freinent l’arrivée de ces nouvelles personnes parce qu’ils voudraient rester entre eux. On peut un peu comparer ça avec les lycées privés en France avec les directions qui peuvent freiner ce processus et des familles qui n’osent pas y mettre leurs enfants ».

Globalement, un peu à l’image du football mais de façon beaucoup plus assumée, le golf est en proie à un racisme assez virulent, qui peut empêcher très largement sa démocratisation vers les milieux populaires. Cependant, il ne faut pas voir le golf comme un sport intégralement raciste : le joueur le plus célèbre de l’histoire de ce sport n’est-il pas Tiger Woods ?

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