Ce sont deux équipes au bord de l’histoire qui s’affrontent ce soir en demi-finale retour de Ligue des Champions à l’Etihad Stadium. Manchester City et le Paris Saint-Germain se disputeront la place de favori de la finale au cours du match le plus important de leur saison (jusqu’au prochain). Arcanes, enjeux et plans de bataille d’une confrontation on ne peut plus attendue.

Le Cashico

L’angle narratif est aussi facile à trouver qu’il est dramatique pour l’oligarchie qui espérait régner éternellement sur le football européen. Le fait que le Paris Saint-Germain et Manchester City se retrouvent en demi-finale de Ligue des Champions est signe de l’ascension des nouveaux riches dans la hiérarchie. Certes, elle fut – est encore ? – plus rude que prévue, et les milliards engloutis en plus d’une décennie s’accompagnent de déceptions. Mais désormais, en 2020 et 2021, les nouveaux riches entrevoient enfin le Graal. Bien que le Real Madrid veille encore au grain, le rapport de force n’est plus le même. C’est enfin l’occasion d’aller chercher la coupe aux grandes oreilles.

Le PSG tentera donc d’aller accrocher une deuxième finale consécutive de Ligue des Champions. Sans dénigrer l’édition 2020, cette première dans un format « normal » aurait encore plus de valeur. Non seulement le tournoi n’est pas hors sol de la saison routinière, mais la qualité des adversaires éliminés, le tout en manches aller-retour, pèserait dans la légende. Mais nous n’y sommes pas encore. Loin de là. Chaque chose en son temps, Pochettino n’a pas pu préparer le match retour aussi sereinement que Guardiola : Mbappé, Di Maria et Verratti n’ont certes peu ou pas joué dans la victoire face à Lens, mais les autres cadres étaient de service pour rivaliser dans un championnat proche d’échapper au PSG. Car paradoxalement, c’est peut-être dans sa pire campagne de Ligue 1 de l’ère QSI, marquée par un changement d’entraîneur, que Paris tiendra ses plus belles performances en Europe.

De son côté, Manchester City est impérial. Les Citizens abordent la rencontre en enchaînant, en une semaine, le triomphe final en EFL Cup, le succès 1-2 au Parc des Princes et une nouvelle victoire sans huit de leurs titulaires qui les rapproche inexorablement du titre de Premier League. Si l’on ajoute l’avantage évident de recevoir au match retour avec l’avantage au score, ils sont indéniablement les grands favoris à la qualification, et peut-être à un triplé pour ce qui serait la plus grande saison de leur histoire.

Un pressing pour laver l’affront

En dépit du 2-1 à rattraper, le match aller était prometteur pour le PSG. Si une baisse dans l’intensité physique et les ajustements de Guardiola à la mi-temps ont cassé l’ambiance, les Parisiens peuvent se reposer sur une première période référence où sorties de balle et récupérations hautes s’enchaînaient. C’est en effet surtout par le jeu sans ballon que Manchester City a trouvé son salut, grâce à un pressing gagnant en intensité doublé d’un rehaussement du bloc qui condamnait les Parisiens à l’exploit s’ils voulaient sortir de leur camp.

Pour la première fois lors de cette campagne européenne, le PSG courra donc au score. De quoi tomber dans l’écueil de la conservation de balle des Citizens face à des Parisiens peu adeptes du pressing et, à l’inverse, de la gêne qu’inflige City à un PSG qui aime repartir de sa défense pour construire depuis des positions reculées. Comment marquer au moins deux buts dans ces conditions ? D’abord en retrouvant un réalisme offensif qui passe forcément par une connexion Neymar – Mbappé plus fluide, alors que ce dernier, totalement neutralisé par les Citizens à l’aller, n’a pas su exploiter les intervalles comme à l’accoutumée. Puis en rehaussant le niveau technique, par contrainte, avec l’absence forcée d’Idrissa Gueye qui devrait permettre l’alignement de Di Maria et Draxler sur les ailes. Ces deux-là sauront probablement mieux profiter de la faible attention qui leur sera allouée tant Verratti, Neymar et Mbappé occupent les esprits des Sky Blues.

Pour les Mancuniens, il s’agira surtout de ne pas laisser au PSG autant d’air que durant la première mi-temps de mercredi dernier. Car si elle se reproduit avec plus d’efficacité, la nuit pourrait tourner au cauchemar. Après tout, City a certes fait déjouer le PSG dans la bataille territoriale (avec une production parisienne réduite à néant en seconde période), il ne s’est pas pour autant montré très dangereux. Les deux buts sont en effet issus de phases non contrôlables : un coup franc et un coup de chance. Une faiblesse dans la surface adverse qui s’illustre par un faible total d’expected goals (0.90 pour les Citizens¸ 1.01 pour les Parisiens) mais qui s’explique aussi peut-être par l’absence de numéro neuf. Quoi qu’il en soit, cela reste un défi pour les hommes de Guardiola, car on imagine mal les Mancuniens venir défendre leur avantage d’un but et demi sans essayer d’enfoncer le clou, bien qu’ils soient la meilleure défense de Premier League et de Ligue des Champions.

Miracle, mon beau miracle

Outre les considérations tactiques, les différents ajustements que feront ou non Guardiola et Pochettino et le rapport de force que les modèles statistiques jugent à la grande défaveur du club de la capitale, il y a des raisons d’y croire pour les Parisiens.

Tout d’abord, ils sont tout simplement plus performants à l’extérieur cette saison. Avec cinq défaites à domicile contre trois hors de leurs bases en Ligue 1 et des matchs de Ligue des Champions qui se sont mieux profilés au Camp Nou et à l’Allianz Arena, le Parc des Princes, lestés de ses supporters, n’est pas un fort imprenable. Autre raison d’y croire : Pochettino a déjà réalisé cet exploit. Le coach argentin a effectivement emmené Tottenham en finale de Ligue des Champions, en 2019, après une demi-finale aller perdue 0-1 face à l’Ajax Amsterdam et rattrapée par un match retour miracle en terres amstellodamoises. Durant cette campagne, il éliminait d’ailleurs le City de Guardiola en quart de finale… Enfin, la troisième raison relève plus de la symbolique : Kylian Mbappé a de bons souvenirs de l’Etihad Stadium. Pour sa première titularisation européenne sous les couleurs monégasques en 2017, il inscrivait son premier but lors d’une victoire 3-5.

Derby du Golfe

Mais, loin du terrain, une autre rivalité se trame, en coulisses, du côté des propriétaires. Si le contenu footballistique fut et sera sans doute réjouissant, le résultat final aura de toute façon une saveur politique. Entre vraies guerres indirectes et fausses guerres directes, les tensions entre les pays du Golfe et en particulier entre les Émirats Arabes Unis et le Qatar ne cessent d’animer le contexte géopolitique mondial.

En effet, quand ce n’est pas par ingérence dans des conflits étrangers comme au Yémen, les monarques de ces pays se la donnent sur d’autres enjeux de soft power en apparence plus triviaux mais qui mêlent politique et business à la perfection. Le sport, évidemment, n’y coupe pas et s’avère très efficace pour améliorer l’image et l’avenir de pays dont la richesse repose sur une ressource épuisable. Demandez le programme : Grands Prix de Formule 1, tournois de tennis, Coupe du monde de football, droits télévisuels et… clubs de football, dont nous voyons ici les fleurons.

Ce duel entre le Paris Saint-Germain et Manchester City, rivalité de primes abords européo-européenne, prend de fait totalement la mesure de ce contexte : Doha d’un côté, Abu Dhabi de l’autre. Et quand on envisage ces deux clubs de manière plus cynique (et pourtant tout aussi réaliste), ce sont donc deux joujoux de monarques du Golfe qui s’affrontent ce soir en prime time, un peu comme les cartes à collectionner ou les toupies de notre enfance à la récréation. On peut aisément imaginer la joie de l’un et la stupeur de l’autre si le PSG remporte la plus prestigieuse des compétitions, que diffuse déjà Al Jazeera.

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"Le joueur de football est l'interprète privilégié des rêves et sentiments de milliers de personnes." César Luis Menotti.