Le FC Nordsjaelland est connu pour sa formation de jeunes footballeurs. Tenez, le mois dernier, le club a battu le record domestique du onze le plus jeune avec une moyenne d’âge de 20 ans et 20 jours. Et ça marche, sur la rencontre en question – remportée 2-0 – comme sur le long terme. Peu sont les académies à ne rien avoir à apprendre du FCN.

L’école des Danes

Le FC Nordsjaelland n’a peut-être gagné aucun match européen, mais ne vous en faites pas, les gros d’Europe connaissent très bien son académie. Pour ce qui est de la formation de jeunes joueurs, sa réputation le précède. Il est d’ailleurs un club prépondérant de notre Chasse aux pépites avec déjà quatre lauréats.

Pourtant, il y a une quinzaine d’année, le FC Nordsjaelland n’avait même pas de centre de formation. Ce n’est qu’en 2006, avec les arrivées de Jan Laursen et de Flemming Pedersen, respectivement aux postes de directeur du football et directeur du centre de formation, que le club décide d’investir sérieusement dans de nouvelles infrastructures et de développer un nouveau modèle. Les deux instigateurs du projet, aujourd’hui toujours au club en tant que président et manager, n’ont pas fait les choses à moitié.

À force de compétence et de fluidité maximale entre les équipes de jeunes et l’équipe première, le modèle du FCN porte très vite ses fruits avec un premier titre surprise de champion du Danemark en 2012. Très vite, le pactole accompagnant la récompense nationale et la qualification directe en Ligue des Champions est réinvesti dans le centre de formation. De quoi lancer pour de bon un cercle vertueux qui perdure encore une décennie plus tard.

En décembre 2015, cet élan convainc la Right To Dream Academy, pilotée par Tom Vernon, un ancien scout de Manchester United, de racheter le club pour la bagatelle de 13,5 millions d’euros. Lui qui possède déjà un réseau d’académies reconnues au Ghana, en Égypte et aux États-Unis voit en Nordsjaelland une porte vers l’Europe pour ses meilleurs talents ghanéens.

De l’autre côté du deal, les Danois se réjouissent d’un soutien financier plus conséquent et plus solide sur le long terme ainsi que de la possibilité d’intégrer leur structure de formation et leur réseau régional à une interface plus mondiale. Effectivement, comme Right To Dream est une organisation à but non lucratif, aucun dividende ni intérêts ne viennent se dresser entre les profits et leur réinjection directe dans le club, c’est-à-dire dans la formation, sur les plans footballistique et humain, de jeunes gens ayant le potentiel de faire carrière dans le football. D’après Vernon, les dépenses annuelles de Nordsjaelland pour leur centre de formation s’élèvent justement à 6,5 millions d’euros.

Une partie de la Right To Dream Academy ghanéenne. (Crédits : FCN)

Frise d’adolescence

Et effectivement, ça marche. Les résultats sont satisfaisants et les chiffres qui rendent compte de la précocité de cette équipe sont édifiants. Selon l’Observatoire du Football du CIES, l’effectif actuel du FC Nordsjaelland est le plus jeune des trente premières ligues européennes avec une moyenne d’âge de 21 ans et 8 mois. La confiance accordée à ses jeunes formés au club ne trouve pas d’équivoque. Le FCN monte là aussi sur la plus haute marche en allouant près de 50% du temps de jeu en championnat à ses jeunes pousses. De plus, sur les 50 records des feuilles de match les plus jeunes alignées en Superliga, pas moins de 48 appartiennent à Nordsjaelland !

Le club de Seeland du nord (Nord-Sjaelland correspond à la partie nord de l’île danoise abritant Copenhague) peut aussi se targuer d’un système de formation si vertueux que ses mercatos ne dépassent presque jamais le million d’euros dépensés. Si le FCN vend ses meilleurs éléments chaque été, il ne fait pas pour autant ses emplètes ailleurs pour compenser les départs. Et à chaque fois, contre toute attente, le club demeure l’un des plus stables du Danemark au classement. Il en truste la première partie de tableau depuis 10 ans, à l’exception d’un petit accroc.

Naturellement, ces performances, chaque fois rendues possibles par la génération suivante, attirent l’attention de plus gros clubs. Rien que sur les joueurs traqués par notre Chasse aux pépites, Andreas Skov Olsen a depuis rejoint Bologne pour 6 millions d’euros. Mohammed Kudus, la belle histoire ghanéenne, est parti à l’Ajax pour 9 millions et Kamaldeen Sulemana serait sur les tablettes du champion néerlandais et de Manchester United pour 14 millions. Sans oublier Alex Runarsson à Arsenal, Mikkel Damsgaard à la Sampdoria, ainsi que Emiliano Marcondes et Mathias Jensen à Brentford. Et s’il n’a pas su confirmer au plus haut niveau, Emre Mor reste la plus grosse vente du FCN pour 12 millions et probablement la « pépite » la plus connue.

Sous-traitant

Vendre tôt ses jeunes pousses, tel est le modèle économique du club. Mais que ce soit après le titre, après la participation en Ligue des Champions ou après un virement d’un gros club européen, l’originalité du club réside dans l’allocation de cet argent. Entre réinvestir dans l’académie, prolonger les meilleurs éléments restants ou acheter des joueurs confirmés, Pedersen et Laursen choisissent évidemment la première option.

De fait, hormis Johan Djourou, défenseur passé par Arsenal et âgé de 34 ans, il n’y a pas un seul joueur expérimenté dans l’équipe première. Il faut dire que devant l’incapacité financière du club à signer les meilleurs joueurs dans la tranche 25-30 ans et l’incapacité pratique à retenir les jeunes plus longtemps (il faut faire de la place à la génération suivante à qui on a promis une place en équipe première très tôt, et instaurer des statuts serait contre-productif sur l’état d’esprit des jeunes), il est d’autant plus rentable de compter sur le potentiel de la jeunesse, et tant pis pour les points perdus par une certaine naïveté passagère.

Pour autant, même si l’équilibre est plus difficile qu’il n’y parait, les dirigeants l’assurent : ce n’est pas un choix entre le développement de jeunes et le gain de trophées. La philosophie du club est précisément d’essayer de remporter des trophées de cette manière-là. Et si Copenhague, Midtjylland et Bröndby seront compliqués à déloger, le FCN n’attend qu’un parfait équilibrage ou une génération dorée pour un jour (re)monter sur le trône. En attendant, donner un sens à la formation et à l’éducation est une composante à part entière du projet, comme une coupe ou un championnat.

Mohammed Kudus est la success story de la collaboration entre Right To Dream et le FC Nordsjaelland.
Mohammed Kudus est la success story de la collaboration entre Right To Dream et le FC Nordsjaelland.

Livre saint

Alors, quelle est la clef du succès ? Et surtout, celle du renouvellement qui semble perpétuel ? Car intégrer des rookies dans une équipe déjà pleine de jeunes est encore plus complexe que de les intégrer au milieu d’une armée de vétérans. Pour ce faire, le mot d’ordre est l’homogénéité. Dans une formation spéciale qui commence à l’âge de 11 ans, tous les joueurs du FC Nordsjaelland suivent et se soudent autour d’un curriculum moderne. Des analyses tactiques et de la théorie tactique sont au programme dès les U13, en plus des aspects plus classiques de la formation et de l’entraînement. De fait, tous les joueurs de toutes les équipes du FC Nordsjaelland suivent les mêmes principes de jeu qui sont écrits… dans un livre. Comme à l’école.

Ce livre saint, qui est ainsi la référence commune de tous les joueurs et éducateurs, permet de garder ses repères quand le niveau de jeu monte d’un cran. On y trouve huit parties pour huit phases de jeu : quatre défensives et quatre offensives, sans oublier les transitions entre celles-ci. À l’aide de modèles dérivés de l’observation et l’analyse de données des matchs au plus haut niveau européen, il se concentre sur un jeu tourné vers le but, protagoniste, proactif et construit.

Du reste, la méthodologie pratique reste somme toute classique. Elle suit la périodisation tactique de Vitor Frade, au nom bien technique et assez méconnu mais en fait très utilisé globalement depuis Mourinho et Guardiola. Elle réside en un entraînement fractionné en gammes qui correspondent à des phases de jeu précises que le joueur rencontrera en match. Par conséquent, il sait exactement quoi faire dans telle situation. Le puzzle de toutes ces gammes constitue ainsi le projet de jeu dans son ensemble et la prise de décision du joueur s’en trouve aiguisée.

La recette du FC Nordsjaelland n’a donc rien d’un miracle. Ce savant mélange d’enseignement du jeu et de la compréhension du football agit comme un incubateur de jeunes joueurs et de jeunes équipes à haut niveau et surtout à haut potentiel très tôt dans leur carrière. Si ses débuts ne datent que de 2006, l’académie est indéniablement en avance sur son temps quant à la formation au football et ne néglige par ailleurs pas l’éducation morale et intellectuelle de ses filles et garçons. Un exemple pour bien des clubs.

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"Le joueur de football est l'interprète privilégié des rêves et sentiments de milliers de personnes." César Luis Menotti.