Se lancer. La chose la plus difficile, sans doute, dans la vie. Pour un footballeur, évidemment aussi. Car se lancer, commencer son œuvre, entamer sa sentence, est une épreuve énorme. Il faut avoir le cran d’oser. Et il faut savoir comment procéder. Oser se lancer, le défi d’un footballeur.

Comme en amour

Le football ressemble incroyablement à l’amour et à ses vicissitudes en presque tous ses points. En arrivant à l’apogée, on se sent intouchable, mais la dégringolade est violente et rapide, ou bien peut ne jamais arriver. Tous les hommes et toutes les femmes sur terre savent combien il est difficile de commencer en amour. Oser se lancer, oser faire le premier pas est d’une difficulté énorme. Que dire ? Que faire ? Qui parle le premier. Ainsi est le joueur face au jeu. Faire la passe, frapper, qui donc peut prendre cette décision ? Il est bien sûr plus facile de faire la passe. Mais seule la frappe déclenchera peut-être l’objectif. Oser faire le geste peut-être mauvais, oser prendre la mauvaise décision ou bien la bonne.

C’est impossible de savoir quand commencer sa caresse tant qu’on ne l’a pas essayé. Tant que la main ne touche pas la peau frissonnante, tant que les lèvres ne s’entrechoquent pas, rien ni personne ne peut prédire l’issue de la situation. Avant que la balle ne s’envole du pied, que la frappe vienne faire vaciller les filets, tout le monde est dans l’incertitude. But. Pas but. Amour. Dégoût. Le temps semble se dérouler comme au ralenti, comme quand un petit morceau de papier vole dans la moiteur de l’air estival. Jusqu’au moment où il rentre en contact avec le sol, personne ne peut prédire son destin, où exactement il va venir faire sa vie, sa mort. Tout est incertitude, et c’est justement de là que naît toute la beauté du hasard.

L’erreur est humaine

Bien sûr, l’erreur est humaine. On peut toujours frapper à côté en passant être sur le point de marquer. On peut toujours oser se lancer, mais rater sa course d’élan. Et on peut toujours se méprendre sur les intentions de sa partenaire. Va-t-elle penser de nous la même chose que ce que nous pensons d’elle ? Et notre partenaire, va-t-il nous faire une passe décisive, va-t-il nous laisser frapper au but dans cette position si ouverte ? Ou bien pense-t-il, lui aussi, qu’il peut oser ? Nul ne le sait jusqu’au moment suprême. Jusqu’à ce que la hache du bourreau vienne frotter le bois du billot, le destin peut changer de sens. La corde du pendu peut céder avant que celui-ci n’ait rendu son dernier souffle. Un homme passant derrière peut changer le destin de notre amour. Le gardien peut arrêter la balle avant qu’elle n’entre dans le but.

Oser se lancer, c’est oser prendre son destin entre ses mains. C’est oser laisser le hasard faire son œuvre. Oser se lancer, c’est donner aux autres la possibilité d’influencer sur notre destin, la possibilité de ne pas nous laisser seuls maîtres de notre bateau. Mais c’est aussi une bouée qui peut nous sauver plus tard. Une vie sans amour, une vie sans action, une vie sans prise de risque, tout cela perdrait de sa beauté. Rien n’est plus beau que l’incertitude. Si les joueurs n’osaient jamais prendre leur chance, si les entraîneurs n’incitaient jamais à la frappe, si même les pénaltys étaient des passes en retrait, alors le footballeur serait ennuyeux. S’il n’y avait jamais un sourire pour répondre à un clin d’œil, s’il n’y avait jamais un petit mouvement anodin du pied déclencheur d’un regard, la vie serait tout aussi fade. Dans le football comme dans la vie, il faut oser se lancer.

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« Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde, on le peut reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui ». (Jonathan Swift, 1667-1745)