La Coupe du Monde 1930, première de l’histoire, n’est pas restée dans les mémoires de beaucoup de supporters de l’équipe de France. Mais le périple qui a conduit à la participation de l’équipe de France au mondial, lui, vaut la peine d’être connu.

Le hasard fait bien les choses

Nous sommes au début de l’année 1930. Les contours de la Coupe du Monde à venir, qui se déroulera le 13 juillet en Uruguay, commencent à se dessiner. Ce mondial, le premier d’une longue liste, n’offre de pas de qualifications. En effet, toutes les équipes enregistrées auprès de la fédération internationale, la FIFA, sont invitées à participer au tournoi, dans la limite de seize équipes cependant. Bien sûr, tous les pays ne disposent alors pas de moyens financiers permettant un déplacement en Uruguay. Ce qui occasionne le retrait de nombreuses nations. Il n’empêche cependant que la FIFA fixe une date limite pour les inscriptions au 28 février 1930. Cette date limite sera cependant vite repoussée, devant le peu d’engouement, notamment en Europe.

L’équipe de France ne fait pas partie des plus ardents partisans de ce mondial. Et ce malgré la présence d’un français, Jules Rimet, à la tête de la FIFA. En cause, principalement les résultats désastreux lors des matchs amicaux. La France s’inscrit cependant de mauvais cœur dans un premier temps, avant de se rétracter quelques semaines plus tard. Finalement, à la toute dernière minute, face notamment au forcing de Jules Rimet, la FFF décide de présenter une sélection au mondial. Nous sommes déjà le 19 mai quand la France confirme définitivement sa participation. Soit moins d’un mois avant le début de la compétition ! Impensable aujourd’hui quand on sait les contraintes matérielles inhérentes à une telle compétition. Mais Henri Delaunay, le secrétaire général de la fédération, n’a pas froid aux yeux. Il organise une véritable équipe de choc pour cette aventure en Uruguay.

Congés exceptionnels

Arrive le moment fatidique de la sélection de l’équipe nationale. La mauvaise structure du football en France – pas de championnat national, absence de professionnalisme – empêche bien évidemment le sélectionneur d’observer les meilleurs joueurs s’affronter d’une semaine sur l’autre. Les listes sont très tournantes, et finalement rares sont les vieux briscards à être sélectionnés en équipe de France.

On y retrouve quand même quelques beaux noms, dont Alexandre Villaplane, qui, avant d’être fusillé pour fait de collaboration à la fin de la seconde guerre mondiale, sera capitaine de la sélection française au cours de ce mondial 1930. A ses côtés, Alexis Thépot, gardien de but titulaire en sélection depuis près de trois saisons, et Marcel Langiller, qui côtoie la sélection depuis déjà pas mal d’années, malgré des absences récurrentes. Thépot et Villaplane sont cependant les deux seuls à compter plus de dix « capes » avec la France. Deux novices, André Tassin et Numa Andoire, sont même appelés.

Mais avant d’emmener cette sélection en Uruguay, il reste du chemin à parcourir. Amateurisme oblige, il faut en effet notamment convaincre les employeurs des seize joueurs sélectionnés de les libérer pour le mondial. Et la chose n’est pas facile. C’est par exemple le Quai d’Orsay qui permet la libération pour le mondial de Marcel Pinel. Soldat de son état, celui qui est le meilleur buteur parmi tout l’effectif (deux buts en trois matchs) est en effet délégué spécialement « auprès du consul de France à Montevideo ». Nombreux sont les joueurs qui doivent négocier âprement. L’expérimenté Alexis Thépot doit sa participation à la Coupe du Monde à un congé exceptionnel accordé par l’administration des douanes. Comble de l’histoire, le manager de la sélection, Gaston Barreau, ne peut lui-même pas accompagner ses joueurs. Il est en effet retenu à l’Académie de Musique par ses obligations professionnelles !

Sur le pont

L’équipe de France finit par embarquer pour l’Uruguay quelques semaines avant le début de la compétition, le 21 juin 1930. A Villefranche-sur-Mer, les français montent sur le pont du SS Conte Verde, un bateau de 170 mètres parti de Gênes quelques jours plus tôt… avec à son bord la sélection roumaine. La Belgique rejoindra la France et la Roumanie le lendemain lors d’une escale à Barcelone. En plus de tout ce beau monde, on retrouve Jules Rimet, sa fille et le trophée de la Coupe du Monde.

Quelques arbitres sont également présents, dont Henry Christophe et Thomas Balvay. Et surtout, le futur arbitre de la finale, le fabuleux John Langenus. Après avoir traversé l’Atlantique, le navire s’arrête à Rio de Janeiro, et reçoit la sélection brésilienne à son bord. Quatre sélections débarquent donc à Montevideo, après deux semaines de traversée, au soir du 4 juillet. La préparation physique n’est pas idéale, mais les joueurs sympathisent bien entre eux.

Quand ils arrivent enfin à Montevideo, les français prennent leurs quartiers au Rowing de Montevideo. Avec une chambre pour trois, les conditions sont sensiblement plus spartiates qu’aujourd’hui, mais ne manquent pas de confort. En outre, les infrastructures du lieu sont bien mieux dotées que d’autres : il y a en effet un terrain de football et une salle de gymnastique à disposition des athlètes. L’équipe de France est fin prête pour disputer la compétition dans laquelle elle excellera plusieurs dizaines d’années plus tard. La France sortira de la compétition la tête haute, avec une troisième place dans son groupe (une victoire, deux défaites, quatre buts marqués et trois encaissés).

Mais l’important est ailleurs : l’équipe de France a disputé le premier mondial de l’histoire. Et cela restera gravé à tout jamais. Soixante-huit et quatre-vingt-huit ans plus tard, la bande à Didier Deschamps, capitaine puis sélectionneur, a en quelque sorte perpétuée la mémoire de leurs aînés.

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