Si certains joueurs par leur aura donnent au football ses lettres de noblesse, d’autres ternissent l’image du jeu. Alexandre Villaplane fait partie de la seconde catégorie citée. Retour sur la carrière d’un footballeur qui fut aussi un escroc notoire et un nazi convaincu.

Tout avait bien commencé…

Comme souvent, tout avait bien commencé. Alexandre Villaplane voit le jour à Alger, en Algérie française, le 12 septembre 1905. Ses parents sont des commerçants du sud de la France, qui n’y habitent pas depuis très longtemps. Mais avec la naissance de leur fils, ils décident de s’y installer pour quelques années de plus. Alexandre alterne de son côté entre les cours et sa passion, le football. Âgé de douze ans, il prend sa première licence, pour le Gallia Sport d’Alger. Dans le championnat jeune algérien, il se noue d’amitié avec le futur milieu de terrain du Stade Français et de l’équipe de France Henri Pavillard qu’il rencontre à chaque match contre l’AS Saint-Eugène.

Mais cette belle amitié va être brisée lorsqu’à l’âge de quatorze ans, il déménage avec ses parents pour Sète. La fin d’une amitié, certes, mais pas la fin d’une carrière. Car le jeune Alexandre Villaplane va continuer à pratiquer le football, sous le maillot du FC Sète. Ou plus exactement le FC Cette, puisque jusqu’en 1928, les dauphins verts et blancs sont ainsi orthographiés. Ses qualités n’échappent pas aux entraîneurs de l’équipe première, qui, trois ans plus tard, à dix-sept ans, lui offrent ses premières minutes avec l’équipe première. On est donc en 1922. Il lui faudra quelques saisons pour s’imposer. Le temps entre autre d’un interlude sous le maillot du Vergèze, puis du régiment militaire de Montpellier pendant son service.

Militaire français

Son service militaire, justement, lui offre ses premières heures internationales. La sélection du Bataillon National lui offre de porter le maillot bleu, ce que cet infatigable ailier gauche fait notamment contre l’armée anglaise puis l’armée belge. Dans le même temps, il continue de porter le maillot du club de la ville de Georges Brassens. Et ses prestations avec l’équipe de France militaire lui ouvrent grand les portes de l’équipe de France… B ! Lors d’un amical à Sète, cela tombe bien, Alexandre Villaplane, réalise une partie de grande classe contre la sélection d’Afrique du Nord. Alors en 1926, la FFF inclut le jeune Alexandre Villaplane dans sa liste pour les matchs contre la Belgique, puis le Portugal, la Suisse, l’Autriche, la Yougoslavie et la Belgique.

Seulement, sa carrière ne prend pas l’essor que l’on pouvait attendre. La faute notamment à des blessures. Alors pour se relancer, à l’été 1927, il s’engage avec le SC Nîmois. Une très belle saison plus tard, conclue par une montée au premier échelon du Sud-Est de la France, Alexandre Villaplane retrouve la sélection française pour les Jeux Olympiques 1928. Si ces olympiades ne sont pas mémorables, il en profite cependant pour signer au Racing Paris, et s’assure une place pour le mondial uruguayen de 1930. Il y porte la brassard de capitaine de l’équipe de France.

Et, homme de premières, Villaplane, deux ans plus tard, va disputer le premier championnat professionnel de France de football de l’histoire. Sous le maillot d’Antibes, en l’occurrence. Mais les premiers ennuis commencent : le club est disqualifié pour avoir corrompu le club de Fives en finale du championnat pour s’assurer la victoire. Et sa carrière en prend un sérieux coup : la saison suivante, sous le maillot niçois, sera très mauvaise. Et, tentant le tout pour le tout, il n’arrivera pas à rebondir sous le maillot de l’Hispano-Bastidienne de Bordeaux, en deuxième division. D’autant que des ennuis extra-sportifs arrivent.

Turf

Car Alexandre Villaplane n’est pas qu’un simple footballeur. C’est aussi un grand amateur de turf, de courses de chevaux, de paris sportifs en tout genre. Et dans les paris hippiques, il tente de faire des gros billets. Et son club d’Antibes semble lui avoir donné des idées. En effet, au début de l’année 1934, il tente de truquer des courses hippiques afin de s’assurer des gains substantiels. Seulement, il ne va pas avoir un destin bien meilleur que sa précédente écurie – c’est le cas de le dire. Car son escroquerie est très vite démarquée, et Alexandre Villaplane est condamné à six mois de prison. Dans les geôles françaises, Villaplane va méditer sur son avenir, sur sa carrière de footballeur qui semble s’envoler aussi. Et il va en arriver à la conclusion que les bas-côtés sont remplis de billets.

Et ça tombe bien pour lui, la guerre éclate en 1939, et en 1940, la France commence sa collaboration avec l’occupant. Alexandre Villaplane comprend bien le parti qu’il peut tirer de cette période sombre qui s’amorce. Plutôt que d’entrer dans la résistance comme l’auront fait d’autres joueurs, il va rejoindre l’occupant. D’abord d’une manière très détournée. Il profite en effet de la confusion pour, dans les faubourgs de Paris, s’adonner au marché noir. Puis, petit à petit, prenant confiance et montant ses réseaux, il se lance dans une activité encore moins honorable : il commence le racket des juifs, tentant de leur faire croire une exfiltration pour s’accaparer leurs biens. Alexandre Villaplane prend quand même deux mois de prison pour recel. Il s’engage dans la bande d’Henri Lafont et Pierre Bony, la Carlingue, future branche française de la Gestapo, et se spécialise dans le racket des vendeurs d’or.

Assassin

Et comme les juifs ne lui suffisent pas, il tente au début d’année 1942 de s’en prendre aux allemands. Seulement, cela ne marche pas vraiment, et il est obligé de fuir. Sur la route de Toulouse, il rencontre Louis Cazal, ancien milieu de terrain d’Antibes et de Sète, international français comme lui. Grâce à Cazal, il se procure des papiers à un autre nom, et retourne à Paris. Il monte l’année suivante une escroquerie aux pierres précieuses, mais se fait pincer par les SS. Interné dans le camp de Compiègne, son ami tortionnaire Henri Lafont parvient à le faire libérer. Et grâce aux réseaux des collaborateurs français, Alexandre Villaplane revient dans les bonnes grâces des occupants. Car, en 1943, Lafont est naturalisé allemand et devient capitaine dans la SS.

Et cela donne des idées à Villaplane. En février 1944, alors que la brigade nord-africaine vient d’être créée, Alexandre Villaplane fait valoir sa bonne connaissance de l’Algérie pour y être intégré. Il est même nommé responsable d’une des cinq sous-sections, en tant qu’Untersturmführer. Il part ensuite vers la Dordogne, dans la lutte contre la résistance. Là, Alexandre Villaplane se distingue par ses nombreux pillages et massacres, dont celui de Mussidan. Cinquante-deux innocents sont fusillés par son groupe armé le 11 juin 1944. Villaplane est bien loin du capitaine de l’équipe de France qu’il était dix ans plus tôt : il en tue dix de ses propres mains, dont un enfant de 13 ans.  Dans la foulée, il est naturalisé allemand. La veille, la division Das Reich perpètre le massacre d’Oradour-sur-Glane.

Mais le vent tourne aussi pour les assassins. Le 24 août 1944, Alexandre Villaplane est arrêté à Paris, et est condamné à la peine de mort le 1er décembre. Le 26 à dix heures du matin, il est fusillé au fort de Montrouge, en compagnie d’Henri Lafont et de Pierre Bony. Louis Cazal connaîtra le même sort quelques jours plus tard.

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