Il y a un an, Didier Deschamps offrait à la France sa deuxième Coupe du monde. Alors que ce sacre pourrait sembler légitimer la direction sportive de la fédération française, il n’en est évidemment rien. Les lacunes des entraîneurs français demeurent sans surprise un an plus tard.
Des entraîneurs français et onze individualités
Outre une nouvelle saison en club morose, le meilleur exemple récent de ces lacunes reste les compétitions estivales. Les hommes de Sylvain Ripoll se sont particulièrement « illustrés » dans cette pauvreté collective propre à chaque sélection bleuette. S’ils avaient été d’abord chanceux, du point de vue du contenu du match, de l’emporter face aux Anglais, les Espagnols leur ont bien rappelé les effets d’une rigueur tactique. Surclassés, les Bleuets ont vainement utilisé leurs circuits de passes stéréotypés. La Rojita, quant à elle, perforait les lignes françaises tout en triangularité et en spontanéité. 4-1 score final, et parfaitement logique. Mais le plus alarmant reste l’analyse.
« C’est un match facile à analyser. Il y a deux paramètres, a-t-il estimé sur beIN Sports. Le premier, c’est que l’on est tombé sur une équipe d’Espagne bien meilleure que nous, plus mature techniquement, plus juste. Le deuxième paramètre est physique. Avec deux jours de repos en moins, on a senti que l’on n’était plus en mesure de faire les efforts pour les contrer. » (via RMC Sport)
Comme souvent en France, on nous parle d’envie, d’intensité, de physique, d’expérience, bref, d’individuel. Mais comment ne peut-il pas voir le surclassement collectif qu’a subi son équipe ? À partir de là, comment imaginer que ces points sont travaillés à l’entraînement ?
Y a-t-il un pilote dans l’avion ?
L’Équipe de France féminine n’est pas en reste non plus. Si de bonnes intentions collectives notamment dans le jeu à une touche, au sol et vers l’avant avaient pu être observées face à des sélections plus faibles, les joueuses de Corinne Diacre se sont montrées particulièrement stériles balle au pied face au Brésil et aux États-Unis. C’est un problème de construction offensive qui traîne depuis deux ans. On en viendrait même, comme Christophe Kuchly, à se demander si la différence de centimètres colossale de Wendy Renard sur ses homologues ne serait pas la force offensive la plus efficace. Et là encore, un degrés d’analyse qui côtoie le niveau zéro lorsque la sélectionneuse préfère incriminer plutôt une de ses (meilleures) joueuses. Et ce alors qu’elle avoue l’avoir alignée même si elle n’était « qu’à 80% » et pas à son poste.
Une pauvreté collective chronique par ci. Un problème de construction offensive vieux de deux ans par-là. Au fond, perdre contre cette Espagne Espoirs et perdre contre les championnes du monde en titre n’est pas grave. Le problème est bien cette impression de stagnation depuis des années, dans toutes les Équipes de France sauf celle de Didier Deschamps. D’une année à l’autre, ces sections ne montrent aucune progression. D’un match à l’autre, on ne peut pas dire ce qui a été travaillé.
Le totem
Au-delà de tous ces problèmes se rajoute celui du corporatisme. Mêlé de copinage et de chauvinisme, il consiste ici à protéger ces entraîneurs compatriotes et se caractérise par les « analyses » des coachs et journalistes sur les uns et les autres. Mais il ne faut pas confondre considération et adulation. Si Deschamps a remporté notre estime en ramenant la Coupe l’été dernier, cela ne doit en aucun cas censurer toute future critique qui serait justifiée sur son groupe ou son coaching.
Mais si seulement cela ne concernait que le sélectionneur champion du monde… Quand lui fait partie du groupe restreint des entraîneurs français s’étant illustrés par des victoires non sans mérite tactique, le bilan du reste des entraîneurs français reste très médiocre. Pourtant, nombre d’entre eux sont encensés, surprotégés et sont donc bercés dans une illusion qui empêche l’autocritique.
Ainsi, on nous présente comme « surcotés » les joueurs de Ripoll ou d’autres entraîneurs hors FFF comme Genesio, on nous vend la « victoire du cœur des Français » plutôt que la victoire finale à la Coupe du monde féminine pour le groupe de Diacre, quand on ne minimise pas simplement l’échec et le manque de jeu. En revanche, le traitement des étrangers est tout autre. On se permet par exemple de douter des capacités de Sylvinho et Juninho. De « les attendre au bazooka ». On ment même sur leur implication et connaissance de la Ligue 1. Étrange, mais ce n’est pas une première. Unai Emery, Leonardo Jardim ont entre autres été moqués pour leur accent.
Une sentence non irrévocable
Les plus fatalistes diront que le sacre de Didier Deschamps en Russie aura l’effet secondaire pervers d’accorder une décennie d’immunité à cette philosophie de la Direction Technique Nationale. Les entraîneurs français ne seraient alors pas près de progresser. Et cela vaudrait autant pour ceux qui composent déjà le vivier actuel que pour ceux qui seront formés dans les années à venir. Alors, la complaisance régnerait, on brandirait ce doux été russe à la moindre désillusion en équipe nationale. Les anciens joueurs en reconversion plus ou moins hasardeuses auraient toujours l’avantage sur les talentueux jeunes entraîneurs qui montent l’échelle footballistique. La France devrait donc passer dans un creux de performance en équipe nationale et rester tout aussi médiocre sur le plan des clubs. Jusqu’à la prochaine remise en question.
Mais ne soyons pas fatalistes. Faisons en sorte que la révision s’opère avant qu’un écrou manquant ne fasse écraser l’avion. Pour les Bleues, analysons correctement les lacunes tactiques de cette équipe, passée l’euphorie du combat médiatique – et il était important – gagné. Passée la satisfaction de cette qualification aux Jeux Olympiques 2020, faisons de ces jeunes Espoirs une équipe rodée. Enfin, sensibilisons le public aux différences de traitements entre entraîneurs français et étrangers. Car tout est une question d’offre et de demande. Et de la même manière que l’herbe n’est pas forcément plus verte ailleurs, elle n’est pas pour autant plus verte chez nous.