Fin octobre, le constat est amer. Avec trois victoires sur les dix-huit rencontres disputées, les représentants de la Ligue 1 réalisent le pire début de campagne européenne depuis 46 ans. L’occasion pour certains de remettre en cause la place de notre championnat dans le Big Five européen. 

Le relativisme est de mise

Éteignons assez rapidement l’incendie de la culture de l’instant : le niveau d’un championnat ne peut pas se juger exclusivement par le biais des performances européennes de ses clubs. Et encore moins sur le quart d’une seule saison.  Ce serait premièrement exclure le fait que ces clubs pourraient se rattraper en phase retour. Ce serait aussi occulter tous les clubs non-européens. Une partie du tableau sur laquelle la France peut faire une différence par rapport à ses concurrents inférieurs.

Prenons la Russie ou le Portugal qui nous talonnent au classement UEFA. Si les performances européennes de leurs clubs n’ont (malheureusement) parfois pas grand chose à envier à celles des nôtres, leurs moyens et petits clubs sont d’une faiblesse qui nous tenterait plutôt de les comparer à des clubs de Ligue 2. Autant dire que pour les championnats ukrainiens, belges ou néerlandais, la question ne se pose pas, puisque leurs clubs ne suivent même pas les nôtres en Europe.

La Ligue 1 n’est bien sûr pas exempte de toute critique, loin de là. Mais, contrairement à ce que voudraient nous faire croire ses détracteurs (souvent français, ironiquement), elle est loin d’être rattrapée. En revanche, est-elle encore plus loin de rattraper son retard sur les quatre de devant ?

La Premier League survendue ?

Plus médiatisée, mieux réalisée, la Premier League est pour beaucoup le championnat le plus relevé du monde. Est-ce pour autant la réalité ? Dans les faits, la Liga est pourtant largement devant, puisque les clubs espagnols ont raflé quatorze des quinze (!) trophées européens sur la période 2014-2018.  En outre, la Liga n’est pas en reste sur le fameux aspect du suspens qui caractérise tant la Premier League. Il est en effet toujours difficile de désigner le vainqueur du duel Real-Barça. L’Atlético espère chaque année jouer le titre. Enfin, les deux clubs de Séville, Valence ainsi que Villarreal sont capables de jouer les trouble-fêtes.

Il en va de même sur le terrain. Le bas de tableau espagnol peut manquer de compétitivité, ses clubs ne refusent pourtant pas le jeu. Ils sont en effet rares à bétonner face aux gros, même si l’addition peut, par conséquent, être salée. La plupart des entraîneurs ont un projet de jeu en tête, que l’on peut voir en regardant les matchs. Ce qui n’est pas forcément le cas en Premier League où, si les têtes d’affiche demeurent d’un excellent niveau, des clubs comme West Ham ou Crystal Palace peuvent s’avérer particulièrement inintéressants.

Le club des 5

Sur cette même période 2014-2018, les clubs français ont aussi mis à mal la Premier League. Le PSG gagne à deux reprises face à Chelsea. L’OL bat deux fois Everton et va gagner à l’Etihad. Monaco défait les Spurs, les Gunners et les Citizens. Il n’est évidemment pas question ici de considérer la Ligue 1 supérieure à la Premier League. Cependant, le bilan reste respectable. De plus, on retrouve également en Ligue 1 des coachs aux idées de jeu attrayantes. Regardez le Dijon de Dall’Oglio, l’Amiens de Pélissier, ou auparavant le Nice de Favre, le Nantes de Conceição. Cette saison, le Racing et Nîmes produisent aussi de belles choses.

En se tirant des balles dans le pied comme en ce début de saison, la Ligue 1 mérite bien sa cinquième place, certes, mais pas moins. L’Angleterre (69,034 au coefficient UEFA) est d’ailleurs plus loin de l’Espagne (91,283) que la France (52,665) n’est éloignée de l’Allemagne (64,070), de l’Italie (68,725) ou de l’Angleterre elle-même.

Récemment, la France s’est même accordée quelques espoirs de rattraper ses voisins d’outre-Rhin. Monaco atteignait le dernier carré de C1 il y a deux ans, Lyon celui de C3 il y a un an et Marseille la finale de C3 il y a quelques mois. Le PSG a les difficultés que l’on connaît, mais nul doute que le potentiel est là pour s’installer durablement dans les huit voire quatre dernières équipes en lice en Ligue des Champions. En 2017-2018, les clubs français comptabilisent même un meilleur total que les clubs allemands. Si l’ambition est d’aller chercher leur quatrième place, il faudra alors vite se ressaisir dès cette saison. Sachez néanmoins, qu’aussi terrible soit le début de saison des clubs français, la Russie, le Portugal et la Belgique ne font pas mieux en Europe.

Car une autre idée reçue prétend que les cinq grands championnats ne sont qu’une auto persuasion française et qu’aucun autre pays ne nous inclue dans le même sac que les quatre autres. Rectifions directement le tir. La référence anglaise en statistiques Opta ou encore le CIES basent bien leurs données sur les cinq grands championnats. Et une brève recherche avec pour mots clés « Top 5 European leagues » vont prouveront bien assez tôt que non, ce n’est pas du chauvinisme entre mangeurs de grenouilles.

Quelles solutions pour la Ligue 1 ?

Alors que manque-t-il au championnat des champions du monde pour aller titiller la Bundesliga ? Plus d’ambitions dans le recrutement des entraîneurs, peut-être. Ce qui ne signifie pas forcément recruter des gros noms, mais aller chercher des pépites comme Favre, Jardim, Dall’Oglio ou encore Conceição est un bon début. La politique nantaise à ce niveau est d’ailleurs très intéressante, même si leur classement actuel pourrait en décourager plus d’un. On pense aussi à des entraîneurs comme Genesio qui ne devrait jamais assurer plus qu’un intérimaire dans un club comme l’OL. Ce rehaussement du niveau tactique est nécessaire. Même s’il ne permettra pas de concurrencer le PSG, il devrait néanmoins rendre les petites affiches plus attrayantes.

Aussi, des clubs comme Bordeaux, Rennes ou Nice doivent montrer plus d’engagement en Europa League. Et ce malgré les limites de leurs effectifs à concourir sur plusieurs tableaux. Plus facile à dire qu’à faire. Mais il faut que le paradoxe « laisser tomber l’Europe et jouer le tout pour le tout en championnat pour accrocher… l’Europe » cesse.

En dehors du rectangle vert, on pourrait également attendre une culture stade plus importante. Aujourd’hui inégale, elle n’attend que la – supposée – bienveillance des autorités pour s’étendre. Bien que l’ambiance soit, comme le soulignait Alexandre Lacazette, déjà plus bruyante qu’en Premier League, où « il y a plus de spectateurs que de supporters ».

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"Le joueur de football est l'interprète privilégié des rêves et sentiments de milliers de personnes." César Luis Menotti.