Trente minutes. Une demi-heure. Un temps très court, très succinct, quand il s’agit de vivre. Mais un temps abominablement long quand il est une attente. Interminable. Trente minutes. Juste le temps de réapprendre à compter, pas le temps de terminer ce que l’on a commencé. Une demi-heure. Pour convaincre que l’on peut être le nouveau joueur à la mode, le nouveau prodige.

Underground

Trente minutes. Un tiers du match, sauf s’il y a des prolongations. C’est très peu et énormément à la fois. Imaginez gagner un tiers de million d’euros. C’est énorme, mais vous auriez aimé en avoir plus. Il faut savoir faire bon usage de la ressource qui nous est généreusement allouée. Eh bien, c’est un petit peu la sensation que l’on a lorsque l’on rentre pour les trente dernières minutes de la rencontre. Bien sûr, c’est une marque de confiance, un signe que l’on croit en le joueur que l’on peut devenir. Mais c’est aussi le signe d’une méfiance certaine. Tu n’es pas encore prêt pour avoir plus. Il faut que tu prouves que tu mérites plus.

Trente minutes pour convaincre. Trente minutes pour faire les bons choix. Mais en même temps, une demi-heure pour montrer que l’on est plus que quelqu’un qui ne fait pas d’erreurs, mais aussi quelqu’un qui crée des différences. Faire des choix est sans doute l’élément qui distingue le joueur lambda du bon joueur. Savoir prendre, en un dixième de seconde, la décision fatale à l’adversaire. Voilà ce qu’un joueur doit savoir faire pour être au top.

Lorsqu’il ne reste que trente minutes à jouer, il faut savoir agir sans ratures. Ne pas se disperser, savoir construire. Ne pas se cacher les yeux pour oublier que l’on nous voit. Il faut réussir à marquer son entrée, pour que le public n’aie plus besoin que l’on nous présente. Pas le temps pour une remise en question, il faut se murmurer à soi-même les bonnes idées, les bons choix, et agir. Laisser sortir les démons. Laisser entre les anges.

Plaisir

Le temps défile encore plus vite quand on ne l’a pas. Les dernières heures d’un condamné à mort sont les plus courtes de l’histoire. Les heures de cours d’un enfant turbulent semblent durer des années. Trente minutes, cela passe en une seule moitié d’heure. C’est un temps minable, ridicule, enfantin, mais la vie se fige au coup de sifflet final. Il n’y aura pas de temps additionnel, ou alors rien, pas le temps de faire grand chose. Il faut réussir à prendre et à donner du plaisir, et c’est ça le plus compliqué. Pour réussir, il faut savoir ce que l’on fait, et surtout, savoir ce que l’on doit faire. Car lorsque l’on n’a qu’une moitié d’heure pour convaincre, il faut avant tout répéter ce que l’on nous a enseigné. Pour être sûr de plaire et de ne pas être une cible de critiques faciles, il faut être le meilleur.

Il faut. Il faut. Toujours une répétition sans fin de missions. En remontant à la surface, on se rend compte qu’il n’y a plus d’autres règles que celles que l’on pense exister. Aller à fond, c’est le plus important. Tout faire comme si c’était la dernière fois qu’on le faisait. Et d’ailleurs, c’est peut-être la dernière fois qu’on le fait. Combien n’ont eu qu’une seule chance et n’ont pas su la prendre à fond ?

En fait, le point crucial, c’est de ne pas avoir de regret. Il est essentiel de savoir que ce que l’on a fait pendant une demi-heure, c’est la quintessence de notre art, de notre niveau. Rien ne doit paraître suspect dans les instants que l’on dispute. Ce n’est plus le temps qui compte, mais la manière de s’en sortir quand on joue trente minutes sur un terrain de football.

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« Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde, on le peut reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui ». (Jonathan Swift, 1667-1745)