Pas foncièrement mauvaise mais en dessous de ses standards, la dynamique de Paul Pogba à Manchester United interroge. Quelque chose cloche pour lui cette saison. Bonne nouvelle cependant, le point de non-retour n’a pas été atteint.

Panne

Paul Pogba n’est ni vraiment en méforme ni sur le point de devenir indésirable mais, deux ans après son excellente Coupe du monde et alors qu’il est dans la meilleure tranche d’âge de la carrière d’un joueur, la machine ralentit, toussote et semble manquer d’huile. Il faut dire que les batteries ont tout d’abord été littéralement vidées. En effet, le relayeur mancunien a contracté le coronavirus en début de saison et en a ressenti les conséquences. Diminué physiquement, il est aligné à son retour face à Tottenham lors de la débâcle 1-6 des Red Devils, rencontre durant laquelle il concède un penalty. S’en est suivie une longue panne avec seulement une titularisation en Première League jusqu’à hier et son match plein ponctué d’un but au London Stadium de West Ham.

« Même à l’entraînement, je ne me sentais plus le même. Je me fatiguais très vite. Le premier match [après le covid], je ne pouvais pas courir. […] J’étais vite essoufflé et ça m’a pris beaucoup de temps avant de retrouver ma forme physique » – Pogba à MUTV.

Cependant, le reste de sa saison demeure insuffisant. L’ancien Havrais pèse beaucoup moins dans le jeu qu’à son habitude. Un déclin bien visible dans ses statistiques qui, ramenées à 90 minutes, sont en berne. Touches de balles, passes (tentées, réussies, dans le camp adverse), tirs : Pogba est en baisse cette saison dans tous ces exercices. Dans le même temps, ses ballons perdus caracolent. L’exemple le plus frappant est son score à la création d’occasion en 90 minutes. S’il avoisinait les 2,7 en moyenne sur ses autres saisons à Manchester United, il n’est plus qu’à 0,5 en 2020-2021.  Ces statistiques sont censées être le reflet même de ses principales qualités, mais force est de constater que Paul Pogba n’est plus que le fantôme de lui-même à Old Trafford cette saison.

Réparation

Tout n’est pas perdu pour autant. Outre le match d’hier, un autre élément rassurant vis-à-vis du point de non-retour susmentionné est son humeur et son niveau en sélection. Ses déclarations sur l’ambiance et le plaisir pris en Équipe de France sont d’ailleurs éloquentes. Pogba y est plus à l’aise, met plus de percussion, réussit plus de passes clefs, commet moins d’erreurs. Il semble revigoré. Sous le maillot bleu, on retrouve le véritable Paul Pogba. Celui qui dynamite le jeu verticalement aussi bien par la passe longue que par les courses bien senties grâce à une vision de jeu hors normes, le tout en représentant une menace constante à la frappe.

Une fois qu’on le sait capable de ça, même en relative méforme, il reste deux cartes dans les mains d’Ole Gunnar Solskjær pour relancer la machine. Soit une reconfiguration tactique fonctionne – pourquoi ne pas le décharger des corvées défensives et le positionner en 10 par exemple – soit un transfert devient nécessaire pour les deux parties.

Changement de garage

Le fait que Pogba retrouve son niveau et son plaisir en sélection prouve en effet qu’il y a bien un mal-être en club et qu’il pourrait retrouver des couleurs autre part. Il pourrait donc certainement être candidat au départ cet été. À moins qu’il ne souhaite se dégager l’embarras du choix en devenant agent libre en 2022, à l’aube de ses 29 ans ?

De son côté, Manchester United sera certes peu enclin à perdre Paul Pogba pour la deuxième fois, surtout sans contrepartie. Ceci étant, l’horloge tourne et sa valeur est en déclin. De plus, le covid mine les physiques mais aussi les comptes en banque. Et alors que les Mancuniens en réclamaient 170 millions d’euros avant la crise, on voit aujourd’hui mal comment une offre autour de la centaine de millions pourrait être refusée. Les négociations devraient même commencer à peine au-dessus de la cinquantaine. Cela permettrait à United d’économiser cet argent – Pogba est le deuxième plus gros salaire du club – pour des joueurs qui se sentent bien dans le nord-ouest de l’Angleterre et de laisser une place à Danny van de Beek, débarqué de l’Ajax cet été pour 40 millions d’euros.

Peu d’écuries

Se pose alors tout naturellement la question de la destination. Sur ce point, Mino Raiola navigue en eaux troubles. La dimension d’un tel transfert réduit déjà drastiquement la liste des prétendants et la crise n’arrange rien. Le Bayern Munich pourrait bien se le payer, mais son effectif est complet et Thomas Müller indiscutable. Le PSG jongle avec une masse salariale serrée entre les salaires de Neymar, Mbappé et la rumeur Messi. Restent la Juventus, Barcelone et le Real Madrid – dont Pogba n’a jamais caché l’admiration – mais les finances n’y sont pas au beau fixe.

Footballistiquement, le milieu champion du monde cherche un club capable de lui offrir les clefs du jeu à gauche d’un milieu à trois. En ce sens, la Juventus est d’ores et déjà « Pogba-compatible » avec son 4-3-3 ou plus rarement 3-5-2. La perspective des retrouvailles avec Andrea Pirlo et le club en général est en plus loin d’être inintéressante.

Au Real, il se plongerait là aussi dans une tradition du 4-3-3 et pourrait être le milieu tant attendu pour succéder à l’ère Toni Kroos – Luka Modrić (30 et 35 ans) qui font pâle figure aujourd’hui. À noter également l’hypothèse d’une french connection avec Karim Benzema, Raphaël Varane et Zinédine Zidane et un intérêt commercial certain pour la Maison Blanche, en peine de figure forte depuis le départ de Cristiano Ronaldo.

Enfin, la capitale catalane propose elle aussi un dispositif et une philosophie qui s’adapteraient sans mal à Pogba, avec en prime une très alléchante association à Frenkie de Jong. Néanmoins, la situation financière est telle qu’on a du mal à envisager le Barça s’agiter à ce point dans le sens des arrivées, d’autant qu’il reste à développer Pedri et Riqui Puig et à faire une (vraie) place à Miralem Pjanić.

Évidemment, le transfert de Pogba est un gros coup qui demandera à l’acheteur de faire de la place aussi bien dans l’effectif que dans les comptes. Sur le premier point, le Real Madrid, le Barça et la Juve tirent leur épingle du jeu. Mais c’est sur le plan financier que ça coince pour ces derniers, entre masses salariales colossales et bilans comptables inquiétants. Et si la perspective du départ libre paraît séduisante, il ne se ferait pas que des amis à Manchester et ne pourra de toute façon pas attendre deux années – cruciales au niveau international – en l’état. Le relancement de la machine Pogba passerait-il par un regain chez les Reds ? Voilà un nouveau défi de taille pour Solskjær alors que son équipe tourne bien.

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