De Rivaldo Vitor Borba Ferreira, jeune brésilien vivant dans une extrême précarité, à Rivaldo, esthète au profil atypique, des années se sont écoulées mais une chose est restée : son amour pour le football. Encore aujourd’hui, après plusieurs retraites, il ne cesse de s’exprimer sur le monde actuel du ballon rond. Une chose est sûre, il n’aurait pas pu jouer au sein de ce football moderne. Très doué, soliste, presque égoïste, mal-aimé et marginalisé, Rivaldo est l’une des figures du football à cheval entre le XXème et le XXIème siècle. Certains ont oublié le talent qu’avait ce génie. Un génie qui aimait d’ailleurs se faire oublier sur le terrain pour mieux punir ses adversaires et ses détracteurs. 

Avant de devenir champion du monde, Ballon d’Or ou encore vainqueur de la Ligue des Champions, Rivaldo a eu une enfance très difficile. Il naît dans la misère sociale de la favela de Beberibe, où « il est difficile de rêver », selon ses propres dires. Pourtant, il grandit avec le rêve de devenir footballeur. Mais les obligations vitales lui rappellent vite que jongler dans les ruelles sales de Recife n’est pas la priorité de sa jeune vie. La malnutrition lui fait perdre quelques dents en même temps que ses espoirs professionnels. En effet, il n’arrive pas à intégrer de centre de formation et perd son père dans un accident de la route à 17 ans. Un paternel qui était d’ailleurs son principal soutien dans cette quête de football professionnel.

Une grande force de caractère

C’est notamment à cause de son physique atypique que Rivaldo n’accède pas aux centres de formations. Il est jugé trop maigre et avec une démarche incompatible avec le football de haut niveau. Ses jambes arquées donnent, en effet, une impression de déséquilibre constant qui pourrait s’accroître sur le terrain. Il continue tout de même à s’entraîner, en plus de sécher les cours pour ramener de l’argent au domicile familial. Sa force de caractère lui permet, l’année de la mort de son père, d’intégrer le groupe des jeunes du Santa Cruz FC. Rivaldo obtient alors son premier contrat, synonyme d’argent pour sa famille. Se dégage alors de son esprit un problème principal et le football peut, enfin, devenir son unique rêve.

Mogi Mirim, SC Corinthians et Palmeiras ont ensuite la chance de voir la jeune pépite porter leur maillot. Dans les deux derniers clubs cités, il sera élu meilleur joueur du championnat à son poste. Malgré cela et son titre de champion du Brésil en 1994, il ne sera pas du voyage aux États-Unis avec une Seleçao future championne du monde. C’est en 1996, lors des Jeux Olympiques, que sa carrière avec l’équipe nationale brésilienne décolle. Lors de la demi-finale, face au Nigéria, il entre en jeu alors que le Brésil mène trois buts à un. Moins de trente minutes plus tard, les Auriverdes ont encaissé trois buts et Rivaldo est accusé d’avoir loupé une contre-attaque. En regardant mieux, il est loin d’être le fautif du loupé. Mais il est déjà trop tard.

Le public brésilien aime trouver un bouc-émissaire pour chaque échec – la société brésilienne également – et Rivaldo est celui celui des JO 1996. Il est même traité de vendeur de pop-corn, métier qu’il a occupé lors de son enfance miséreuse. Suite à la pression locale, il s’envole vers l’Europe et s’engage avec le Deportivo La Corogne pour remplacer son compatriote Bebeto. C’est toujours grâce à sa force de caractère qu’il s’impose en Espagne avec une vingtaine de buts et une troisième place en Liga à la clé. Malgré une très bonne première saison, il quitte La Corogne une heure avant la fin du mercato estival. C’est un FC Barcelone inquiet des départs de Ronaldo et Figo qui enrôle celui qui va devenir une idole du Camp Nou.

Histoire d’amour entre Rivaldo et le Barça

De 1997 à 2002, Rivaldo va enchanter le stade catalan grâce à des gestes de grande classe. Ballons piqués, coup-francs, frappes imparables à ras de terre et même bon de la tête, il sait tout faire. Il ne le fait pas avec la plus grande des élégances mais chacune de ses célébrations, maillot rayé sur la tête, rappelle à quel point lui laisser le ballon est dangereux. Cela permet également aux Blaugranas de remporter quatre trophées dont deux championnats. C’est lors de la saison 1998/99 que Rivaldo s’expose aux yeux du grand public européen avec notamment le match où il marque un doublé face à Manchester United (3-3). Des performances qu’il accumule chaque week-end en Liga jusqu’à disputer la Copa America 1999 dans la peau d’un titulaire indiscutable.

Simple remplaçant aux Jeux Olympiques de 1996, il prouve, deux ans plus tard, qu’il faudra compter sur lui pour défendre les couleurs brésiliennes. Après avoir rayonné lors du mondial français perdu en finale et deux titres espagnols consécutifs, Rivaldo s’envole vers le Paraguay pour montrer une nouvelle fois son talent. Trois buts lors de la Coupe du Monde 1998, cinq l’année suivante. Cette fois-ci, Ronaldo ne lui vole pas la vedette puisque c’est le soliste qui est élu meilleur joueur de la compétition avant de voir France Football lui décerner le Ballon d’Or. Trois ans après Brésil-Nigéria, le peuple Auriverde l’adule. Dix ans après son premier contrat, il atteint son rêve.

Rivaldo reste au Barça et continue de porter le club catalan malgré ses désaccords avec Van Gaal. Le technicien batave voulait le voir évoluer sur l’aile à l’instar de Riquelme en 2002. Le Brésilien est la seule éclaircie du marasme barcelonais. Il continue à empiler les buts en témoigne son triplé face à Valence en 2001 ponctué d’une retournée acrobatique qualifiant son club pour la phase de groupe de Ligue des Champions. Année où Rivaldo et Kluivert emmènent Barcelone en demi-finale européenne. Dernier coup d’éclat pour le Brésilien sous la tunique azulgrana, car il signe à l’AC Milan après la Coupe du Monde 2002.

Trop atypique

Le Brésil de Rivaldo et Ronaldo remporte ce mondial. Et malgré les performances majuscules du premier, c’est le second qui reçoit l’intégralité des louanges. À Milan, il n’est pas la priorité de Carlo Ancelotti qui n’axe pas son « sapin de noël » autour de lui. Il ajoute toutefois à son imposant palmarès une Ligue des Champions qu’il n’aura pas éclaboussée de son talent. Du talent, Rivaldo en avait à revendre – même s’il n’aime pas vraiment partager sur un terrain. C’est pourtant en Grèce, en Ouzbékistan, en Angola et au Brésil qu’il passe une dizaine d’années pour clôturer sa carrière. Même s’il semblait en retrait dans une Serie A rustre, rien ne prédestinait à une telle fin dans l’anonymat le plus complet jusqu’à ses 42 ans.

Quand Beckham était le symbole du foot-business, Rivaldo refusait le marketing. Ronaldo ou Roberto Carlos sont prophètes en leur pays, le soliste est renfermé et n’étend pas son influence en dehors des terrains. Pas de contrat mirobolant le liant à des marques, il prenait même soin de rayer celle de ses crampons à chaque match. Son visage ne fait pas vendre non plus, loin des standards de beauté et ne souriant pas. Il est loin des nouvelles attentes de ce sport. Il n’aimait que jouer. C’est d’ailleurs pour cela qu’il a voyagé à travers le monde en quête d’un rêve disparu en Europe.

Il n’y a pas que son image en dehors des terrains qui interpelle. Celle sur le pré également : sa haute silhouette, ses jambes arquées par sa difficile jeunesse, le visage marquée par celle-ci et une désinvolture faisant cauchemarder Louis Van Gaal… Il semblait se faire oublier des défenseurs mais avait juste décidé de commencer son match avec trente minutes de retard. Pas un soucis en soi, puisque l’heure restante laissait place au festival. Un festival qu’il menait le plus souvent seul. Ses frappes finissaient en général dans le petit filet opposé, mais malgré cette information connue d’avance, aucun gardien ne pouvait les stopper. Il avait une raideur naturelle. Il a su la transformer en acrobatie. Il a su rendre la raideur belle.

 

Rivaldo était un joueur d’un autre temps. Comme Garrincha avec Pelé, il fut souvent dans l’ombre de ses compatriotes. Ronaldo, comme Pelé, savait gérer son image en dehors du terrain. Rivaldo et Garrincha, eux, ne se souciaient que de cette partie. L’aîné était cependant aimé du peuple brésilien. Celui aux jambes raides ne l’était pas à ses débuts et malgré ses performances ne l’a jamais vraiment été. Pris en tenaille entre le Barça de Cruyff et celui de Guardiola, il n’a pas non plus été dans la plus grande période du club catalan. Il l’a tout de même marqué de son empreinte. Une empreinte raide mais tellement efficace.

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"Le football est un jeu qui se pratique avec le cerveau.Ce n'est pas le joueur qui doit courir, c'est le ballon" Johan Cruyff.