Qui n’a jamais entendu parler de Mané Garrincha ? Je pense que tout le monde sait que O Alegria do Povo fut le plus grand joueur de l’histoire du football brésilien. Et ce loin devant un certain Pelé. Plus que raconter la carrière de ce fantasque dribbleur, je voudrais dans ces quelques lignes écrire une déclaration d’amour pour ce joueur. Pour Garrincha, le roi du Brésil, le roi du football.
« Garrincha ? Il m’a fait danser »
Ces mots sont ceux d’un des plus grands arrières latéraux de l’histoire. En effet, c’est à Nilton Santos que l’on doit le recrutement de l’oiseau. Lors d’une opposition entre quelques joueurs à l’essai et le onze titulaire de Botafogo, Mané Garrincha met plusieurs fois à terre le latéral gauche. Pourtant, tout n’était pas gagné pour Garrincha. D’origine amérindienne, fils de famille nombreuse, il souffre en plus de cela d’une malformation congénitale. Qu’à cela ne tienne, le petit Manoel joue au football. Car le sport est souvent le moyen de s’échapper de la tragédie de la vie quotidienne. C’est sur des terrains de terre que le jeune joueur commence. A l’époque, le gouvernement brésilien ne faisait pas encore détruire les bidonvilles, et les jeunes joueurs pouvaient progresser.
Un oiseau qui préfère mourir que se laisser attraper, c’est la signification de Garrincha. Mais à la seule différence que le fantasque ailier préfère dribbler que se laisser reprendre par le défenseur. Tout son jeu se fonde là-dessus. Sur ces dribbles déroutants qui ont fait mal à tant de défenses. Profitant de sa malformation, de ses jambes torves d’une taille différentes, il invente le football. Oui, l’oisillon sort de son nid familial en inventant de nouveaux dribbles. En créant des actions qu’il a été le premier à créer, et que personne ne reproduira après lui. En conduisant le jeu comme personne ne l’a fait de l’histoire. Attaquant droit ou gauche du quatuor offensif, il porte quasiment tout au long de sa carrière les couleurs de Botafogo. Et ce en formant une attaque létale aux côtés de Quarentinha.
« Garrincha, tu as fait sourire le monde, et aujourd’hui tu le fais pleurer »
Mais la jeunesse n’est pas éternelle. Car toujours, le temps va trop vite et rattrape les amants. Sur cette terre, les amants naissent toujours séparés, et meurent souvent éloignés. Garrincha et le football ont formé un couple encore plus tragique que Roméo et Juliette ou Hamlet et Ophélie. Car, à cause de ses jambes torves, il souffre d’arthrite. Le meilleur buteur du mondial 62 ne peut plus dribbler comme il l’a fait. Le « fou » est rattrapé par ses vices : l’alcool, la drogue et le sexe. Celui qui eut 14 enfants de 5 femmes différentes se dispute souvent, au point d’arriver armé aux entraînements, si l’on en croit Pelé. Garrincha boit, et Garrincha boîte. L’alcool devient de plus en plus souvent son compagnon d’infortune.
Après avoir arrêté le football, l’oiseau de feu est interné très souvent en psychiatrie. Il tente plusieurs fois de mettre fin à ses jours. Et, un triste matin de janvier 1983, l’ailier de 49 ans est retrouvé mort. Après quatre jours de beuveries ininterrompues, son foie le lâche. Garrincha n’est plus de ce monde, l’ange est parti rejoindre le ciel. Le regard vide d’un alcoolique aura été celui de ses dernières années, celles d’une déchéance programmée. Mais peut-être est-ce ce qui rend le mythe plus grand. Jim Morrison et Janis Joplin seraient-ils autant célébrés aujourd’hui s’ils n’avaient pas trouvé la mort trop jeunes ? Et, comme un artiste, Garrincha a quitté ce monde sans un regard pour la mort.
« Ci-gît la joie du peuple, Mané Garrincha. A Alegria do Povo »
La mort du brésilien est tragique. Le peuple pleure un de ses premiers héros. Celui qui était le plus grand joueur du monde. Mais, contrairement à Pelé, ne maîtrisait pas le marketing à la perfection. Illettré, proche du peuple, voilà pourquoi Garrincha était adoré du peuple. Car les accélérations de Garrincha procuraient du plaisir. Et car sa joie de jouer au football remplaçait tous les luxes de la vie. A quoi sert de vivre si ce n’est pour prendre du plaisir ? Garrincha est mort quand il a arrêté de prendre du plaisir. Et il est traité aujourd’hui en héros comme il se doit. Une statue du plus grand joueur de l’histoire est dressé devant le Stade Garrincha de Brasilia. Un buste de ce mythique joueur est érigé au Maracaña.
Son enterrement fut celui de l’un des plus grands. Après avoir exposé son cimetière au Maracaña, celui-ci est recouvert d’un drapeau de Botafogo. Puis, lors d’un trajet en bus, il est emmené jusqu’à sa ville natale, Pau Grande. Des milliers de personnes viennent se recueillir, lui rendre l’hommage qu’il mérite. Garrincha sera enterré en héros national. Car il a donné de l’amour au peuple. Et le peuple lui a rendu cet amour. A nous désormais d’honorer ce grand joueur, sur les terrains, en marquant des buts, et en aimant le sport. En aimant le sport comme un jeu, et non comme une compétition.