La diffusion du football dans le monde est intimement liée à la progression des colonisateurs et des marins. Certains continents ont été touchés plus frontalement que d’autres, notamment l’Amérique du Sud et l’Afrique. Mais cela ne signifie pas pour autant que le reste du monde n’a pas subi cette influence footballistique. En effet, l’Asie a elle aussi pu bénéficier de cette aura footballistique des pays colonisateurs. Mais dans une proportion bien moindre. En effet, les cultures locales font sensiblement moins la part belle à ce sport très occidental. Cependant, une compétition contribuera au développement du football en Asie : les Jeux de l’Extrême-Orient.
Une idée venue de loin
Les Jeux de l’Extrême-Orient n’émanent pas d’une volonté populaire de créer une grande compétition continentale, ni même d’un choix des gouvernements locaux. Non, c’est le colonisateur et protecteur qui invente et met en place cette compétition. Tout commence en 1912, lorsque Brown, le président de ce qui est alors une sorte de fédération multi-sports des Philippines, voit dans son cerveau germer l’idée d’une sorte d’événement international permettant de promouvoir le sport en Asie. Il s’en va trouver la Chine et le Japon, qui lui opposent alors une fin de non-recevoir. C’est finalement un an plus tard William Forbes, le gouverneur général des Philippines et président de la Philippine Amateur Athletic Association, qui reprend l’idée à son compte. Il crée dans un premier temps l’Association Olympique Extrême-Orientale, qui a pour mission d’organiser les premiers jeux continentaux, sur le modèle des Jeux Olympiques.
Ces Jeux continentaux, qui prennent très vite le nom de Jeux de l’Extrême-Orient, en 1915, comportent, pour leur première édition, en février 1913, seulement la Chine et les Philippines pour le football et le Japon dans d’autres sports. C’est à Manille que se déroule la compétition, sous le regard attentif des Etats-Unis, qui ont un protectorat sur la région. Il y a alors huit sports représentés, et cela sera le cas dans toutes les éditions, sauf celle de 1915.
Outre le football, on trouve le tennis, le volley-ball ou bien encore le basketball. Il est décidé que la compétition aura lieu tous les deux ans, et cela ne sera pas la Première Guerre Mondiale, qui ne fait pas vraiment rage dans cette région du monde, qui viendra interrompre quoi que ce soit. La Chine reçoit donc, à Shanghai, l’édition 1915. Comme deux ans plus tôt, c’est le pays-hôte qui remporte la compétition de football.
La tension monte
Les Jeux de l’Extrême-Orient sont donc la seule compétition internationale à se disputer en Asie pour des équipes de football dans ce début de siècle. Néanmoins, les Jeux peinent à recruter des participants. Si le Japon accepte d’engager son équipe de football dès 1917, le Siam et l’Indochine française refusent pour leur part carrément de participer à la compétition. 1930 marque un tournant dans la compétition : de tous les deux ans, elle passe à tous les quatre ans, pour se caler sur les années interstitielles des Jeux Olympiques.
Avant cela, il y aura une pause de trois ans entre la huitième édition, en 1927, et celle de Tokyo. Cette compétition de 1930 est également le début de tensions : le Japon refuse par exemple de disputer les prolongations de la finale de la compétition de football alors que le score est de 3-3. Ils perdent donc la finale par forfait. La spirale infernale est lancée.
En 1931, les trois membres se déchirent sur fond de géopolitique : le Mandchouoko, annexé par le Japon, n’est pas admis à participer aux jeux, au grand dam des représentants du Pays du Soleil Levant. En 1934, cependant, l’arrivée des Indes Orientales Néerlandaises, la futur Indonésie, qui se prépare à la Coupe du Monde de 1934, semble donner un coup d’accélérateur aux Jeux de l’Extrême-Orient. Mais la Seconde Guerre sino-japonaise éclate en 1937 : les jeux d’Osaka, un an après, sont annulés. Cela sonne le glas du développement international du football en Asie. Il faudra attendre 1956 pour l’arrivée de la Coupe d’Asie des Nations ! Taïwan, successeur de la Chine aux yeux de l’Association, reste donc le dernier vainqueur de l’histoire des Jeux de l’Extrême-Orient de football. Pour l’éternité, le football amateur asiatique a fermé ses portes.