Le Havre AC est souvent considéré en France comme le premier club de football. Il est indubitable que le HAC est en effet le plus ancien club professionnel en activité. Avec des dates de fondation comprises entre 1872 et 1894, le club normand a connu les premières heures du ballon rond dans l’Hexagone. Et, aujourd’hui encore, fait figure de modèle dans la formation de joueurs. Mais certains clubs n’ont pas eu la chance du HAC. C’est le cas de l’International Athletic Club, souvent abrégé International AC, qui fut parmi les clubs fondateurs du football dans l’Hexagone. 

Arrivée délicate

En France, le football s’est développé entre la fin du dix-neuvième siècle et la première moitié du vingtième siècle grâce à la force de l’immigration, notamment anglaise et suisse. On considère souvent 1872, date de la fondation du premier Havre Athletic Club, comme la date phare du football en France. Mais en région parisienne, la période d’explosion est un peu plus tardive. Elle intervient au détour des années 1880-1890. Dans ces quelques années, de nombreux clubs voient le jour. En 1884, l’International AC est le premier de la série. Il sera bientôt suivi par un bataillon de clubs, très marquants pour le futur de ce sport naissant comme les White Rovers (1891-1899), le Club Français (1892-1935) ou le CA Neuilly (1893-1896), ou bien plus anecdotiques comme le Standard AC (1892) (*), l’United SC (1894-1909) ou bien encore l’US Parisienne (1897-1909) (**).

L’International AC acquiert une notoriété toute particulière parmi ce florilège de clubs, en étant le premier d’entre eux à avoir un statut reconnu dans tout le département de la Seine (***). Fondé, bien évidemment, par des britanniques, l’International AC gagne très vite le surnom d’Inter-Nos. Les origines de ce surnom sont méconnues. Quoi qu’il en soit, l’IAC se fait remarquer dès les années de sa création par une rencontre mythique, le 2 mars 1892, à Bécon-les-Bruyères. Dans ce quartier à mi-chemin entre Asnières-sur-Seine, Bois-Colombes et Courbevoie, l’IAC dispute le premier match interclub de l’histoire du football français. En effet, jusqu’alors, tous ceux qui pratiquent le football le font au sein même d’un club, dans des sortes de matchs d’entraînement.

Rivalité

Cette rencontre historique, l’International AC la dispute bien évidemment contre un autre grand du football parisien. Les White Rovers. Les White Rovers, pourtant sensiblement moins anciens dans la discipline, possèdent un grand nombre de joueurs britanniques dans leur effectif, qui ont déjà connus les pelouses d’Oxford ou de Cambridge pour perfectionner leur art de la balle. Ce club mythique des premières années du football parisien, compte plusieurs figures emblématiques, dont notamment celle de Jack Wood. Joueur et arbitre de renom, il sera l’un des deux officiels de football des JO 1900, où les britanniques de l’Upton Park FC remporteront le titre, devant la France (représentée par le Club Français) et la Fédération Athlétique Universitaire Belge (****). Et les White Rovers, fort de leur statut, ne feront qu’une bouchée de leurs adversaires d’un jour. Une large victoire 10-1 met à terre les espoirs de l’Inter-Nos.

Alors que cette rencontre aurait pu lancer définitivement l’International AC dans le grand bain du football, elle a en fait l’effet inverse. Lassés par cette défaite, nombre de joueurs décident de se concentrer sur le rugby, qui est alors indifféremment pratiqué par beaucoup des membres du club. Cotton et Haymann, deux des plus fameux joueurs de l’International AC – Cotton  en est même le capitaine -, sont ainsi des membres éminents de l’équipe de rugby du club. Ces déconvenues footballistiques amènent aussi des vagues de départ, dont celui, justement, de Cotton, qui s’en va rejoindre le premier rival du club, les White Rovers, avec lequel il connaîtra bien plus de succès. Il faudra donc attendre deux ans, et 1894, avant que l’Inter ne parvienne à aligner une équipe compétitive à nouveau en football, pour une défaite 2-0 contre le CA Neuilly.

Disparition

La disparition de l’International Athletic Club est pour le moins brutale. En effet, après cette renaissance de ses cendres de la section football, les activités semblent peu à peu repartir vers l’avant. Le club est même qualifié pour disputer le tout premier championnat de France de l’histoire. Celui-ci, bien évidemment, concentre exclusivement des équipes de la région parisienne : outre l’IAC, ce sont le CA Neuilly, les White Rovers, le Standard AC, le Club français et le Cercle pédestre d’Asnières qui sont invités pour la compétition. Grâce à cette compétition, l’USFSA espère apporter un peu d’organisation au football parisien et par extension français. Dans le même temps, la section rugby de l’International AC connaît ses heures de gloire. En effet, l’Inter-Nos atteint au mois de mars 1894 la finale du championnat de France de rugby, avec le retour de Cotton dans ses rangs. Ils seront défaits en finale par un futur grand du rugby hexagonal, le Stade français.

Le 15 avril 1894, à Bécon-les-Bruyères, l’Inter-Nos est attendu par le Standard pour donner le coup d’envoi du premier championnat de France officiel. Mais les joueurs de l’IAC ne s’y présenteront jamais. Pire, le club ne donne plus aucune nouvelle, et disparaît étrangement des radars. Par ce forfait inattendu contre les futurs vainqueurs de la compétition, l’International Athletic Club annonce sa disparition. Plusieurs causes sont évoquées, notamment le manque de coordination et d’entente dans l’équipe, mais le plus probable reste le manque de motivation et d’organisation pour pérenniser le club.

L’International Athletic Club reste aujourd’hui, malgré son statut énigmatique, l’un des clubs fondateurs du football français. Comme ses compères de l’ouest parisien, il aura contribué à la popularisation de ce sport en France, au delà des membres de l’immigration britannique, américaine et suisse. Aujourd’hui, nous devons donc, d’une certaine manière, beaucoup à ce club éphémère, qui a donné le coup d’envoi du football en France.

Notes :

(*) Le Standard AC, fondé en 1892, existe encore aujourd’hui. Néanmoins, la section football n’est plus active depuis les années 30. Le Standard AC est un club privé britannique, renommé pour sa section de cricket, représentante de la France aux Jeux Olympiques de 1900, à Paris.

(**) La fondation en 1897 de l’US Parisienne n’est pas attestée.

(***) Le département de la Seine, fondé en 1790 et disparu en 1968, comprenait les actuels départements de Paris (75), des Hauts-de-Seine (92), de la Seine-Saint-Denis (93) et du Val-de-Marne (94). Il portait le code 75.

(****) Les Jeux Olympique de 1900 sont les premiers où le football apparaît. Seuls trois pays sont représentés, par l’intermédiaires de clubs. L’Upton Park FC est officiellement reconnu comme club vainqueur des Jeux Olympiques par le CIO. Avec le Galt Football Club, au Canada, quatre ans plus tard, il est le seul club vainqueur de cette compétition entre nations.

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