Quand on est pauvre et que notre quotidien ressemble à la misère. Quand notre vie ressemble à un champ de ruines. Et quand notre cœur n’est plus qu’un immonde marécage grouillant de vers. Que nous reste-t-il ? Rien, si ce n’est ce que nous avons dans notre esprit. L’art des pauvres, savoir vivre sans en avoir la force ou l’envie, s’appuie sur le football.

Rime riche

Le football n’est pas du même monde que nous. Ce sont des joueurs que l’on pourrait avoir comme ami sur le terrain, mais pourtant, c’est un monde complètement différent. Un peu comme un petit village du sud-ouest de la France, où l’un des membres d’une bande d’amis va à Paris faire des études pendant que les autres travaillent dans l’exploitation familiale.  Quand il revient chez ses amis, il semble s’être creusée une distance,. Un fossé les sépare, et il n’est pas que géographique. Un peu comme si l’on comptait parmi ses amis une futur star du football français. Entre une vie tranquille et un changement radical. Y-a-t-il une option préférable à une autre ? Répondre oui serait un manque de respect évident pour ceux qui font ces choix.

Entre une individualité et un collectif, le choix le plus simple à court terme n’est pas forcément le plus payant à long terme. Tout est une question de tempo. Préfère-t-on faire les efforts aujourd’hui et profiter demain sans certitude, ou bien vivre dans le bonheur du jour présent en sachant que cela ne pourra durer éternellement. Les priorités ne sont pas les mêmes, les opportunités vont peu à peu diverger. Bientôt, cela ne sera plus la même époque, les mêmes chaises, les mêmes bancs. L’un sur son tracteur, l’un en bas d’un hall, l’un au barreau de la capitale et le dernier diffusé sur toutes les chaînes télévisuelles du monde entier.

Peurs agitées

Il n’y a pas d’amour sans preuve d’amour. Mais la plus belle preuve d’amour, c’est de ne pas avoir besoin de preuves d’amour. Aimer sans conditions, c’est un peu cela aussi, l’art des pauvres. Un art si particulier. Aimer le football sans lendemain. Aimer son équipe sans être obligé de dépenser des centaines d’euros pour des maillots, des shorts, des ballons, des abonnements au stade ou à la télévision. Oui, aimer sans argent, c’est la manière la plus complexe d’aimer. Parce que quand on ne peut pas emmener sa fiancée au restaurant pour la St.-Valentin, quand on ne peut pas payer à son fils la paire de jeans dont il rêve, quand on ne peut pas offrir à sa mère ce qui la soulagerait, on souffre.

On ne peut offrir à ces gens que de l’amour, on doit mettre de côté la honte et prendre sur soi pour accepter ne pas pouvoir. Violence pyromane, on retrouve des corps brûlés, sans vie. La vie se déroule dans les larmes, entrecoupées de peur et de tristesse. Le sang coule sans cesse, fait sécession et susurre le surnom de ceux qui se sont écartés de cette vie. La vie est complexe, et sans argent elle est parfois difficile. La place que l’on cherche dans la société, la place que l’on trouve finalement, tout cet embrouillamini est sans conteste un obstacle à une vie simple.

Mais l’art des pauvres, l’art des pauvres, c’est de réussir à aimer le football et de faire vivre le football au quotidien sans être en une des médias. Car ce sont ceux qui ne peuvent pas payer, ceux qui ne peuvent qu’aimer, qui sont la substance même du football et de son monde. Et c’est lorsqu’il n’y a plus rien à faire que nous nous rendons compte que nous aimons quelque chose. L’art des pauvres, c’est d’aimer le football sans rien demander en retour.

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« Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde, on le peut reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui ». (Jonathan Swift, 1667-1745)