Alors que le coronavirus force le Vieux Continent à revoir ses priorités, le football, comme tout objet sociétal, n’y échappe pas. Problème, il peut être placé des deux côtés de la force.
Porteur sain
Les championnats italiens et espagnols sont suspendus, ceux d’Allemagne et de France seront partiellement ou totalement joués à huis clos et nombre de rencontres européennes sont perturbées ou interdites. Face à cette pandémie du coronavirus qui a saisi l’Europe par sa Botte, les autorités n’ont plus jugé bon d’enfiler des crampons. C’est alors une vraie claque d’humilité qui s’abat sur la tête du football. Lui qui était il y a près de deux ans, quand trente-deux pays envoyaient une équipe en Russie, vecteur de communion nationale, se retrouve désormais mis au ban car la proximité qu’il génère n’est plus désirable en temps d’épidémie.
Lui qui pensait ses répercussions financières et sociales intouchables se voit reléguer au rang de simple divertissement. Devant cette crise sanitaire, il n’aura pas eu de traitement de faveur comme c’est souvent le cas. Pire, il est l’une des premières industries à subir ce chômage technique. Quand les instances battent la mesure du football avec – légitimement – plus de silences et de faux rythmes que d’habitude, c’est tout l’orchestre qui sonne faux. Le syndicat espagnol en tête de file, nombreux sont les virtuoses, comme Pep Guardiola, à ne plus trouver de sens à leurs sérénades sans public, préférant de fait des reports aux huis clos.
« Ils sont la raison pour laquelle on exerce ce métier. Si les gens ne peuvent pas venir aux matchs, jouer n’a aucun sens pour nous. » Pep Guardiola, interrogé sur le coronavirus en conférence de presse.
Remède
Et pourtant, s’il serait indigne de critiquer ces mesures sanitaires qui s’imposent, le football peut aussi être un remède à ces maux.
Même sans se trouver en Italie, il n’est pas difficile d’imaginer à quel point une assignation à résidence de tout un pays puisse rendre l’atmosphère lourde. C’est pourquoi le recours au huis clos – si tant est qu’il soit encore possible et cela devient de plus en plus compliqué –, même s’il est avant tout pensé pour que perdurent les revenus liés aux droits TV, n’est pas si idiot que cela. Continuer les championnats, c’est permettre à chaque match de devenir des îlots de refuges à des milliers de personnes contaminées et offrir un sujet de pensées et de discussions plus léger à des millions de personnes cloîtrées. Oublier l’espace de quelques heures la panique ambiante pour soutenir, certes à distance, ces petits bonshommes qui courent derrière le ballon. Car contaminés, ces peuples concernés ou qui pourraient suivre en Europe, ils le sont aussi de football.
Pour les autres, cette purge du football ne concerne pour l’instant que les rassemblements de plus de mille personnes. Et s’il n’y avait pas là une chance de se ressourcer d’un retour au beautiful game, quand le football business part en pause ? Un retour aux matchs confidentiels sur des terrains stabilisés ou boueux que l’on suit derrière une barrière, aux parties décousues entre amis qui poursuivent un cuir aussi daté qu’amoché. Un retour au ballon dans sa plus pure forme, la discipline athlétique que constituait ce sport avant son industrialisation. Et si telle est la solution choisie, n’oubliez pas les gestes barrières. Comme un symbole, remplaçons un temps le serrage de main par le « check » du pied, plutôt que le coude, où l’on est censé tousser.