Les livres d’histoire ont retenus quelques noms au sein du panthéon du football brésilien. Récents, comme Ronaldo Fenomeno, Adriano Imperador, Ronaldinho Gaucho ou encore même Neymar.  Ou plus anciens, comme Pelé, Gilmar et Mané Garrincha. Mais dans aucun livre d’histoire, il n’y a le nom de Capricha. 

Au cœur des mines

Capricha naît peut-être au milieu des années 50 à Ouro Preto, l’ancienne capitale du Minas Gerais avant l’avènement de Belo Horizonte en 1897. Son père, Lucas Paulo, est enseignant dans une des nombreuses facultés que compte la cité minière, qui était parmi les plus peuplées du monde à la fin du dix-septième siècle. Sa mère, Maria Joaquina, est morte quelques années après la naissance de son fils. Mais son enfance, Capricha la passe loin du foyer familial. Il fugue à quinze ans, chez son grand ami Zé Busca. Zé Busca, dont le petit-fils Zézinho guide aujourd’hui des touristes des églises jusqu’aux mines pour quelques reais, est passionné de football. Zé Busca est de vingt ans plus vieux que Capricha.

La légende veut même que Zé Busca ait joué contre Dondinho, le père de Pelé, à l’époque où celui-ci évoluait à l’Atlético Mineiro. C’est cependant assez peu probable. En effet, Zé Busca n’avait que seize ans l’année où Dondinho a quitté le Gallo pour rejoindre Fluminense. Toujours est-il que Zé Busca est un peu quelqu’un du football à Ouro Preto. Il guide Capricha sur le terrain de Nossa Senhora do Rosario, qui est aujourd’hui recouvert par un restaurant. A deux pas de l’une des nombreuses églises de la ville, Capricha apprend à manier le ballon.

Faisant valoir une relative intelligence et une technique un peu supérieure à la moyenne, Capricha a des prétentions. Il décide, à dix-huit ans – on doit être à peu près en 1975, à peu de choses près – de quitte Ouro Preto pour aller vivre de son football ailleurs. Quand on habite à Ouro Preto, les options sont simples. Soit la côte, et Rio de Janeiro. Soit rester dans le Minas, et aller à Belo Horizonte. Capricha choisit Belo.

Arpenter le bitume

A Belo Horizonte, il y a trois clubs. Le Cruzeiro, qui a notamment formé Ronaldo. L’América Mineiro, un peu moins en vue ces dernières saisons mais qui a quand même formé Gilberto Silva. Et l’Atlético Mineiro, qui a été le club brésilien du légendaire portier uruguayen Ladislao Mazurkiewicz. Le Cruzeiro représente la classe populaire de la ville, tandis que le Mineiro est plus représentatif d’une classe aisée. L’América, lui, est plus symbole d’une partie de la ruralité, même si ces trois caractéristiques sont bien évidemment sujettes à caution.

Persuadé de son talent, Capricha se rend au centre d’entraînement du Cruzeiro pour y passer un essai. Mais la désillusion sera cruelle. L’entraîneur de l’équipe réserve lui accorde une dizaine de minutes pour faire ses preuves, durant lesquelles il ne convainc absolument pas. Il est renvoyé chez lui aussi sec. Chez les blancs et noirs du Mineiro, la sentence sera exactement la même. Pas au niveau pour le championnat brésilien et même pour le football professionnel en général.

Bien sûr, Capricha est doté d’un fort tempérament. Il veut se donner toute les chances d’y arriver. Alors il se rend à l’América, bien décidé à rabattre le caquet des clubs rivaux. Mais l’América est tout aussi conscient de la faiblesse de Capricha. Une seule solution reste pour lui : se rendre à Sete Lagoas, au nord de la ville, pour faire un essai au Democrata Football Club. Mais même le pensionnaire de l’Aréna do Jacaré refuse de voir en Capricha un potentiel joueur de son effectif. La carrière de Capricha est brisée nette.

La déchéance

Aujourd’hui, Capricha repose dans un cimetière du nord de Rio de Janeiro. Après son échec à Belo, interdit par son père de rentrer chez lui, Capricha part à Duque de Caxias, juste à côté de Rio de Janeiro, où il sombre lentement dans la pauvreté. Habitant d’une favela, il fait partie d’une équipe armée, avec laquelle il réalise quelques coups et va supporter, tous les dimanches au Maracaña, le Flamengo, le Mais querido do Brasil, l’équipe la plus chérie de tout le Brésil. Le rêve de football s’est définitivement éloigné. Lui qui rêvait de devenir footballeur n’est finalement pas allé plus loin que tous les autres. Il s’est écroulé après la première marche, même s’il dribblait bien quand il avait quinze ans, aux côtés de Zé Busca, de Rão, de Henrique et de Toninho.

Le rêve est devenu un cauchemar, quand, la veille de ses trente ans – il n’est pas vieux, Capricha -, une bagarre contre une bande rivale tourne mal. En plein milieu de la nuit. Des insultes, en brésilien et même une en espagnol, sont prononcées haut et fort. Les poins se serrent, les armes blanches sont brandies. Un coup de feu éclate, puis un autre, puis une rafale. La police a beau intervenir, rien ne peut être fait. Capricha est mort, d’une balle dans la tête. Une balle venue de derrière, de quelqu’un sensé être avec lui.

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