Renfort majeur de l’Olympique Lyonnais cet été, Thiago Mendes arrive à Lyon un jour après l’annonce du transfert de Tanguy Ndombele à Tottenham, manière informelle de désigner le successeur du néo-Spurs. Pour 26.5M€, dont 4,5 en bonus, l’OL boucle le transfert du brésilien, un des meilleurs lillois la saison passée. Numéro 6 technique doté d’une science du placement et d’une bonne vision du jeu, focus sur l’adaptation de Thiago Mendes au jeu et au milieu de terrain lyonnais.

Des statistiques en dessous de ses standards

Mise en contexte

Petit coup d’œil sur les statistiques du brésilien pour commencer, afin de se rendre compte des premières différences existantes entre sa période lilloise et son début de saison lyonnais. En deux saisons avec Lille, il dispute 72 matchs et inscrit quatre buts toutes compétitions confondues, les quatre lors de la première partie de la saison 2017-2018, alors que Mendes occupait un rôle assez offensif sous Marcelo Bielsa. Moins souvent titulaire lors de l’arrivée de Christophe Galtier à la mi-saison, Mendes retrouve un rôle prépondérant la saison suivante, et éclot aux yeux des suiveurs de la Ligue 1. Les comparaisons ici seront faites entre sa saison 2018-2019 et sa saison actuelle, toutes compétitions confondues.

D’abord, on remarque que le Lyonnais a des stats légèrement en deçà de ses standards de Lille la saison passée. Selon Whoscored, il a déjà délivré quatre passes décisives mais seulement deux selon la LFP (celle contre Angers sur le but d’Aouar, et celle sur le but salvateur de Memphis contre Toulouse n’ont pas été comptabilisées). Mendes effectue aussi moins de tacles. Il était sur une moyenne de 2.4/match sur sa dernière saison chez les Dogues, contre 1.6/match sur ce début de saison. Il est vrai que dans ce secteur, il est désormais dans l’ombre de Lucas Tousart, qui a un profil bien moins technique, moins dans la création que son homologue brésilien.

Apport offensif

Le problème est que même dans la création, Thiago Mendes est en dessous de ce qu’il était capable de faire l’année passée. Un des leaders techniques des Dogues, Mendes délivrait en moyenne 1.8 passes clefs par match à Lille, contre la moitié cette saison : 0.9 par match. Autre statistique intéressante récoltée via understat.com, les « expected goals off shots from a player key passes » (xA),  c’est-à-dire la probabilité qu’a une passe de devenir une passe décisive. Cette saison, Mendes affiche 0.66 xA alors qu’il a déjà effectué 4 passes décisives. Autrement dit, il devrait être à une passe dé (en arrondissant 0.66 à 1), ce qui illustre le fait que ce n’est pas la passe qui est décisive, mais l’action du joueur qui la reçoit. La saison dernière, Mendes a effectué 5 passes décisives et affichait 4.40 xA, ce qui correspond plus aux attentes données par les probabilités.

Pour terminer ce point statistique, on sait qu’un des points forts du Brésilien est de conserver le ballon face à la pression pour permettre à son équipe de ressortir dans de bonnes conditions. Symbole de son adaptation tardive, l’ancien Lillois est méconnaissable dans ce secteur : dépossédé du ballon toutes les 60 minutes avec l’OL alors qu’il l’était seulement toutes les 110 minutes avec le LOSC. Il rate aussi plus de contrôles : 17 contrôles ratés en 1200 minutes avec Lyon (1 toutes les 70 minutes). C’est mieux qu’Houssem Aouar, mais moins bien que ses performances de la saison passée : 36 contrôles ratés en 3082 minutes (1 par match).

Thiago Mendes à Lille

Au LOSC, en majorité titulaire dans un 4231 en double pivot avec Xeka, Thiago Mendes était un des acteurs majeurs de la réussite lilloise la saison passée.

Organisateur de l’équipe, il plaçait souvent ses coéquipiers sur le terrain et était un des leaders techniques de l’équipe. Sa capacité à comprendre le jeu en faisait un milieu idéal au football pratiqué par les Lillois. Dans les transitions rapides, il savait transmettre au bon attaquant dans le meilleur tempo, et ce, que ce soit par une passe au sol ou par le jeu long, un de ses points forts. Sa capacité à éliminer ses adversaires directs par un contrôle ou une passe était intéressante pour vite se projeter vers l’avant. Lors du jeu placé, il disposait de cette faculté à trouver des ouvertures, à casser les lignes ou à orienter le jeu pour déjouer les blocs bas.

En transition défensive, sa capacité à anticiper le jeu lui faisait récupérer ou intercepter bon nombre de ballons, qui devenaient dangereux si la vitesse du quatuor offensif des Dogues se rendait disponible. Autre aspect majeur dans le jeu de l’ancien Lillois : sa prise de risques lors des transitions offensives. Lorsqu’il récupérait la balle, Mendes cherchait toujours à aller vite vers l’avant, consigne certainement donnée par Galtier à toute son équipe. Cette recherche de la transition rapide, Mendes l’exploitait de différentes façons. Il était capable de faire une roulette à dix mètres de sa surface pour éliminer deux de ses vis-à-vis, ou bien de jouer dans la profondeur avec un extérieur du pied dans le dos de la défense.

Les raisons de cette baisse de régime

Depuis son arrivée à Lyon, Thiago Mendes a connu beaucoup de changements, tout comme le reste de l’équipe. Le changement d’entraineur au début de l’été et la mise en place de Juninho au poste de directeur sportif a bouleversé le quotidien de beaucoup de joueurs déjà présents. L’inexpérience de Sylvinho l’a conduit à essayer beaucoup de systèmes différents et Thiago Mendes n’y a pas échappé. Ces nombreux changements de systèmes d’un match à l’autre (parfois même en cours de match) n’aident ni à acquérir des automatismes, ni à acquérir une routine, essentielle au sport de haut niveau. Mendes, comme les autres, a souffert de cette irrégularité dans les postes, ce qui ne l’a pas aidé à s’acclimater rapidement.

Thiago Mendes sous Sylvinho

Sylvinho a d’abord opté pour un 433 pointe basse, dans lequel Mendes jouait en 8 avec Aouar et Tousart en 6. Ce système a été utilisé quatre fois par Sylvinho pour un bilan de deux victoires (contre Monaco et Angers), une défaite (contre Montpellier) et un nul (contre le Zenit). Mendes a également occupé le poste de 6 seul dans ce 433 pointe basse contre Bordeaux (match nul) et Nantes (défaite). Le 4231, que Thiago Mendes connait bien, n’a été utilisé qu’une seule fois par Sylvinho, c’était contre Brest (nul).

L’entraineur brésilien a aussi tenté d’utiliser 3 défenseurs, une première fois à domicile contre le PSG, ou Mendes jouait 6 dans un 352 (défaite). Puis contre Leipzig, dans un 352 toujours mais Mendes jouait cette fois 8 (victoire). Et enfin contre Saint-Etienne, Mendes jouait alors 8 dans un 3412 (défaite). Cette défaite dans le derby met fin à l’ère Sylvinho. Rudi Garcia prend alors la succession du brésilien.

Thiago Mendes sous Garcia

Contre Dijon et pour son premier match sur le banc lyonnais, Garcia choisit de titulariser Mendes en 8 dans un 433 (match nul). Le match suivant, contre Metz, le coach français utilise un système inédit dans la saison lyonnaise : le 4222. Mendes est aligné en 6 aux cotés de Tousart, Aouar et Reine-Adélaïde sont les deux ailiers assez mobiles qui repiquent souvent dans l’axe. Résultats avec ce dispositif : trois victoires en autant de matchs, contre Metz d’abord, puis Toulouse et enfin contre le Benfica en Ligue des Champions. L’absence de Tousart et de Memphis conduit Rudi Garcia à opter pour un 4231 contre l’OM. Mendes est en double pivot avec Aouar et l’OL s’incline 2-1.

Bilan

Au final, Mendes a été aligné sept fois au poste de numéro 8, dont six fois sous Sylvinho (3v, 1n, 2d) et une fois sous Garcia (1n). Le bilan total de Mendes au poste de numéro 8 est de 3 victoires, 2 nuls et 2 défaites. Le Brésilien a joué huit fois au poste de 6. Quatre fois sous Sylvinho (2n, 2d) et quatre fois sous Garcia (3v, 1d) pour un bilan total de 3 victoires, 2 nuls et 3 défaites.

Globalement, ce bilan n’apporte rien de concret, on ne saurait dire si Mendes est meilleur en 8 ou en 6. Mais pour en déterminer un réel enseignement, il faut aller dans le détail, car on ne peut pas tirer des conclusions sur un joueur seulement en regardant les résultats de son équipe. Le bilan de Mendes (et de l’OL plus généralement) sous le 4222 de Garcia est bon : 3 victoires en 3 matchs, et ce n’est pas un hasard.

Quelle piste d’amélioration ?

Ce que doit faire l’OL

Depuis le début de la saison, Thiago Mendes faisait quelques bons matchs (Angers, Leipzig) mais est beaucoup plus régulier lors des dernières journées (6 dans l’Equipe contre Toulouse, 8 contre Benfica). Un des problèmes majeurs de L’OL est la qualité de ses joueurs de côté, ou plutôt leur médiocrité, que ce soient les latéraux Dubois et Koné, ou les ailiers Cornet et Traoré. La différence de qualité de jeu entre le match contre Benfica et celui contre Marseille montre bien cette pauvreté présente sur les ailes. Le talent est concentré dans l’axe avec la charnière Denayer-Andersen, Aouar, Jeff Reine-Adélaïde, Thiago Mendes, Memphis et Dembele. Le 4222 permet de combler un minimum cette lacune en excentrant Aouar à gauche et Reine-Adélaïde à droite, la qualité du jeu s’en ressent.

Mendes aussi brille plus en 4222, les décrochages et les appels des attaquants augmentent considérablement la qualité de l’animation offensive et donnent à Mendes la possibilité d’orienter le jeu et de créer des décalages, comme contre Benfica. À Lille on retrouvait cette quantité et cette qualité de joueurs offensifs qui participaient activement au jeu, avec Ikone, Pepe, Bamba, Rémy ou Araujo.

Sous Garcia et son 4222, l’OL a un double pivot Tousart-Mendes qui est assez complémentaire : Tousart abat un travail défensif important et Mendes peut se concentrer sur la relance vers les attaquants grâce à sa technique supérieure à l’ancien Valenciennois.

Ce que doit faire Mendes

Néanmoins, ce n’est pas parce que ces deux-là ont un profil assez différent qu’ils ne peuvent pas encore progresser. Tousart fait encore trop de fautes suite à ses contrôles trop longs et hasardeux. Le natif d’Arras doit également faire quelques efforts pour résister un minimum au pressing adverse et jouer plus souvent vers l’avant, il doit aussi se rendre plus disponible entre les lignes.

Mendes quant à lui doit faciliter la tâche à Tousart en interceptant des passes adverses, en se mettant à sa hauteur et en demandant des ballons entre les lignes à ses défenseurs, qui sont capables de le servir. Le Brésilien doit également pouvoir trouver ses attaquants assez souvent, se projeter pour créer des appels et être plus décisif dans le dernier ou avant-dernier geste. À Lille il n’hésitait pas à aller balle au pied vers l’avant, jouant dans le camp adverse, chose que l’on voit beaucoup moins à Lyon (cf. Heatmaps). Les automatismes entre Tousart et Mendes viendront au fil des matchs, les individualités seront meilleures, et le résultat s’en ressentira.

                             

Mendes doit donc être accompagné d’un autre 6 pour briller, et de joueurs offensifs dotés d’une certaine intelligence de jeu pour lui permettre de trouver des bons décalages, de servir ses attaquants dans les meilleures conditions pour leur permettre de faire la différence. Le 4222 est pour l’instant le système parfait pour que Thiago Mendes et l’OL continuent de progresser et remontent au classement.

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