Tour du Monde est de retour pour une troisième saison. Au menu de ce premier épisode, un voyage vers le Lazistan, une sélection nationale qui commence tout juste à faire parler d’elle. Alors attachez vos ceintures et éteignez vos mégots, l’avion va décoller…

Entre Turquie et Géorgie

Le Lazistan est situé à l’extrême nord-ouest de la Turquie, à la frontière avec la Géorgie. Les zones de peuplement lazes, le gentilé associé, se prolongent même sur la côte géorgienne. Le peuple laze, néanmoins, esf extrêmement disséminé et très dur à recenser. En effet, selon les sources, entre quarante-cinq-mille et un-million-six-cent-mille personnes peuvent se revendiquer du Lazistan. C’est en Turquie que réside l’immense majorité des lazes. Et c’est aussi là que l’incertitude est la plus forte, du simple au trentuple. Le reste de la population se situe à part quasiment égale entre la Géorgie – deux-mille personnes – et l’Allemagne – mille-cinq-cent personnes -, plus une minorité de cent-soixante individus en Russie.

En rouge, les zones de peuplement Lazes
En rouge, les zones de peuplement Lazes historiques

En Turquie, la quasi-totalité de la population est de religion musulmane, d’obédience sunnite. Les populations allemandes sont, elles aussi, en grande partie musulmanes. Ce n’est pas le cas en Géorgie et en Russie, où la religion dominante est l’orthodoxie géorgienne.

Grâce à la diversité géographique, le peuplement laze offre un spectre linguistique assez large. Outre les langues locales (turc, géorgien, allemand et russe), l’UNESCO estime que au moins cent-trente-mille personnes sont des locuteurs lazes. Assez proche du géorgien, du mingrélien et du svane, le laze est une langue kartvélienne. Elle s’est développée singulièrement du géorgien et parallèlement au mingrélien à partir du premier millénaire avant Jésus-Christ. L’alphabet laze compte trente-cinq caractères, tous assez proches de l’alphabet latin. Néanmoins, la quasi-intégralité des locuteurs écrivent le laze avec l’alphabet géorgien, le mxedruli. Pour l’anecote, l’alphabet mxedruli est unicaméral, c’est-à-dire qu’il ne distingue pas les majuscules des minuscules.

L'arbre généalogique du laze
L’arbre généalogique du laze

Une région historique

Si le Lazistan est aujourd’hui un pays qui revendique son indépendance, et qui a une équipe nationale qui prétend au niveau international, c’est parce que le pays a une réalité historique. Il plonge ses racines au Ier siècle av. J.-C. A l’époque,l’ancien royaume de Colchide est en déliquescence suite aux invasions romaines. Son héritier direct est le royaume de Lazique. Alors que les populations côtières s’hellénisent, les peuples des montagnes cultivent leur identité lazique, tout en s’intégrant dans l’Empire romain. Un Empire romain qui va laisser une large autonomie à la région aux alentours du IIIe siècle. Le royaume lazique, qui va bientôt être connu sous le nom de Royaume de Lazique, joue un rôle très important dans les limes, c’est-à-dire les zones frontalières du monde barbare, du monde romain.

Nous sommes au VIe siècle. L’Empire romain d’Orient est en effet quasiment en contact direct avec la Perse sassanide. Le roi du Royaume de Lazique, Barouk ‘aw Bakur (littéralement Barouk ou Bakur, suite à une incertitude dans les retranscriptions arabes de l’époque) va manœuvrer finement. Alors que Chosroês Anoushirvan, le roi perse, envisage de s’étendre vers l’Ouest, il va parvenir à négocier une semi-autonomie. Le pays paye un tribut aux perses tout en restant région tampon avec l’Empire byzantin. Mais cette belle cohabitation va sombrer en 562 quand le royaume d’Abkhazie et le Royaume de Lazique sont absorbés définitivement dans l’Empire byzantin. Depuis, le Lazistan n’a jamais connu l’indépendance. Au contraire, il a été ballotté entre différents maîtres : les arabes, dès le début du début du VIIe siècle, puis les ouralo-altaïques pendant la plus longue partie de leur histoire. Mais les indépendantistes du Lazistan se réclament du Royaume de Lazique.

Et le football, dans tout cela ?

Le football, dans tout cela, n’est pas en reste. Comme beaucoup de pays cherchant à acquérir une certaine reconnaissance sur la scène internationale, le sport est une bonne vitrine. C’est donc tout à fait logiquement qu’au mois de décembre 2018, le Lazistan est devenu le nouvel adhérent de la CONIFA, la confédération internationale de football des pays non-reconnus. L’équipe du Lazistan de football est la première organisation nationaliste du Lazistan un tant soit peu reconnue. Aucune équipe d’autre sport n’avait vue le jour. Pas non plus de partis politiques revendiquant un Lazistan indépendant. Et pourtant, l’équipe nationale voit le jour, preuve de la revendication des peuples à disposer d’eux-mêmes. Mais ce n’est pas vraiment étonnant que le football soit le premier outil nationaliste utilisé dans la région. C’est même plutôt logique.

En effet, au Lazistan, comme dans beaucoup d’autres régions du monde – et c’est d’ailleurs ce qui fait la beauté de ce sport -, le football est un élément qui rassemble les hommes et transcende à la fois classes sociales et barrières religieuses. Depuis les années 1940, le football est assez fortement pratiqué dans la région. La majorité des habitants supportent le gros club le plus proche, le Trabzonspor.

Pas de grands joueurs lazes à signaler, malheureusement. Et même si certains sont originaires géographiquement du coin, rares sont ceux à s’identifier comme lazes. Mais nul doute qu’avec la création d’une équipe nationale participant aux grandes compétitions de la CONIFA, le football au Lazistan deviendra un moyen d’expression politique. Si le gouvernement turc reste pour le moment plutôt silencieux à propos du « cas Lazistan », les échos sont plutôt négatifs. Très négatifs, même. Espérons pour les instances « nationales » du Lazistan que les problèmes politiques n’abîmeront pas le blason immaculé du football.

Retrouvez le résumé de la saison précédente en cliquant sur le lien ci-dessous :

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