Pour ce dernier épisode de la saison deux, éloignons-nous du football business où les valeurs ont souvent tendance à être corrompues par les zéros d’un contrat et attardons-nous sur le club le plus vieux de Glasgow. Nous ne parlerons ni du Celtic, ni des Rangers, mais bien du Queen’s Park FC.

Dinosaure

Il a fêté ses 150 ans en 2017, le club le plus ancien de Glasgow est également le doyen de toute l’Écosse. Tout commence un 9 juillet de 1867 avec la réunion d’un groupe de gentlemen au 3rd Eglinton Terrace, un endroit qui n’existe même plus aujourd’hui. Ces gentlemen, pour la plupart des marchands aisés de bonne famille des Highlands descendus à Glasgow pour son port, créent donc le Queen’s Park FC. Le nom du club est adopté par vote, dont les autres options étaient The Celts, Morayshire ou encore The Northeners. Finalement, il est décidé d’utiliser le nom de l’endroit où ils allaient jouer.

Queen’s Park vit des premières heures difficiles car le club peine à trouver des adversaires. En effet, outre le faible nombre de clubs écossais, le QPFC a adopté la codification de la Football Association anglaise, là où les autres instances écossaises optaient généralement pour le code national calqué sur celui du rugby, où la semelle sur le tibia est tout-à-fait réglementaire. Le club parvient néanmoins à s’inscrire à la FA et disputer quelques matchs contre des clubs anglais en 1871.

Oser

Mais il faut attendre le premier match international de tous les temps pour que l’histoire bascule. Un match dans lequel notre club est très impliqué. Non seulement la sélection écossaise, qui affronte l’Angleterre, porte le maillot de Queen’s Park, mais la totalité de ses joueurs proviennent du QPFC. En outre, le maillot utilisé est également celui du club et deux des arbitres du matchs sont des dirigeants du club. Si aucun but n’est inscrit lors du match, une révolution s’opère tout de même sur ce rectangle vert.

Le 2-2-6 écossais et le 1-2-7 anglais ont beau avoir leur charme, ce n’est pas tant l’occupation du terrain que la confrontation de style qui est ici intéressante. L’opposition est frontale. Alors que le fameux kick & run prévaut dans les rangs de la perfide Albion, l’Écosse (ou devrait-on dire, Queen’s Park FC) opte pour le passing game. Adeptes de passes au sol, ils voient le football comme un sport collectif plutôt qu’un enchaînement de onze duels. Ce qui était peut-être une contrainte, les joueurs écossais étant plus petits et plus frêles que leurs homologues anglais, s’avère être une réussite. Le match nul est arraché face à des Three Lions grands favoris, et le passing game devient la marque de fabrique du football écossais, destinée à être adoptée bien au-delà de ses frontières. Queen’s Park devient le maître de l’Écosse, et l’Écosse maîtresse du football.

À la pointe

En 1873, Queen’s Park fait naturellement partie des sept clubs qui fondent la Scottish FA et la Scottish Cup. C’est dans cette compétition que le QPFC en tant que tel prend part au premier match officiel écossais de son histoire. Alors vêtu d’un maillot zébré et jouant dans un stade nommé Hampden Park, il faut avouer que rien n’a changé sur cet aspect depuis. Nos protagonistes gagnent la première édition de cette coupe ainsi que les trois suivantes. Pour un total porté aujourd’hui à dix victoires. Enfin, « aujourd’hui » est un bien grand mot : leur dernière coupe remportée date de… 1893. De quoi rester dans l’ombre des deux autres géants de Glasgow, le Celtic (38 victoires) et les Rangers (33).

Cependant, Queen’s Park pourra se targuer d’avoir fait décoller le football en Écosse dans les années 1870. En plus de la Scottish FA, ils sont instigateurs de leur vision de jeu et visionnaires dans le développement du football en général. Le mercato ? Les coups-francs ? La barre transversale ? Des inventions de Queen’s Park. Toujours dans l’innovation, Queen’s Park est en 1880 le premier club à inscrire un joueur noir sur une feuille de match. En fait, cela n’est pas vu comme un grand événement à l’époque car cela s’est fait naturellement, compte tenu de ses qualités et de son statut – primordial – de gentleman. De plus, le QPFC est aussi à l’origine de nombreuses tournées. Il propulse la création de clubs çà et là. Ils se rendent ainsi dans toute la Grande-Bretagne et prennent même part à deux finales de FA Cup, toutes deux perdues.

Amateurs convaincus

Véritable tournant dans l’histoire du football écossais, la Scottish Football League est créée en 1890. Queen’s Park voit cette initiative d’un mauvais œil. En effet, soucieux de conserver ses valeurs sociales élevées et leur statut amateur, et reprochant à cette organisation d’être trop professionnelle, de ne favoriser que les grands clubs et de causer la disparition des petits, le QPFC ne participe pas aux premières SFL. Mais, en mal d’adversaires, ils se résolvent à l’intégrer dix ans plus tard.

Les premières années sont moroses. Queen’s Park ne parvient jamais à être plus qu’un club de bas de tableau. Leur meilleure performance n’est qu’une septième place sur dix-huit en 1918 et il y a même une relégation en 1922. Toujours amateur, il est effectivement très difficile d’exister dans l’élite sans payer ses joueurs. Le club se tourne alors logiquement vers la formation de jeunes puisque les adultes préfèrent recevoir un salaire ailleurs. Aux apprentis footballeurs, il est en mesure de leur offrir une expérience et une visibilité dans l’élite. Cette philosophie n’offre ni gloire ni fiasco et, déjà, Queen’s Park n’est plus le meilleur club de Glasgow.

Dans cette idée de club axé sur la jeunesse, le QPFC profite d’une dérogation dès 1910 qui est toujours en vigueur aujourd’hui. Elle interdit aux joueurs de quitter Queen’s Park sans autorisation avant le 30 avril. Cela a pu aider. Par exemple, le club a formé un certain Sir Alex Ferguson. De nos jours, on compte parmi les fiertés des Spiders le latéral de Leeds Barry Douglas, et surtout l’international écossais actuellement à Liverpool Andrew Robertson.

Queen’s part

Mais cette dérogation n’aura pas sauvé le club de la globalisation du football. Peu à peu, Queen’s Park a sombré, et même s’il n’est pas si bas – il joue toujours à un niveau professionnel – voilà un bon moment que le club n’a pas goûté à la première division. Il y a d’abord cette première relégation en 1948. S’en suit une longue période en seconde division. La réforme de 1975 maintient le QPFC en Second Division, mais celle-ci devient le troisième échelon national. Les Spiders ont beau remporter la D3 et monter en D2 (First Division) en 1981, ce succès attire des plus gros clubs à qui le seul club amateur des trois premières divisions ne peut résister.

Enfin, en 1994, une nouvelle restructuration du football écossais place Queen’s Park en D4. Depuis, le club fait régulièrement l’ascenseur entre D3 et D4. S’ils n’espèrent pas vraiment faire mieux, il est déjà remarquable de toujours évoluer à niveau professionnel sans avoir payé un seul joueur de toute l’histoire du club. Cela prouve la bienveillance de tous les acteurs du club, bien illustrée par la devise : « Ludere Causa Ludendi », « jouer pour le plaisir du jeu ».

Quid d’aujourd’hui ?

L’histoire moderne de Queen’s Park se représente par un homme : Billy Stark. Ce natif de Glasgow, dont la carrière de joueur l’a amené entre autres au Celtic, prend le poste d’entraîneur des Spiders en 2004. Il est à l’origine de l’apogée – relative – du club dans la saison 2006-2007. Conjuguant la manière aux résultats, Stark emmène le club en D3 et fait tomber Aberdeen en coupe aux tirs au but. Les supporters parlent encore aujourd’hui d’une époque magique, d’un retour au passing game de l’âge d’or du club.

Il faut dire que les supporters sont fidèles, et plutôt nombreux pour un club de D4. L’affluence est moindre qu’à la grande époque, bien sûr, mais l’esprit et la magie de Queen’s Park font toujours effet. Les Spiders jouent aujourd’hui devant 500 supporters… dans l’enceinte de l’équipe nationale ! De plus, ceux-ci sont très actifs dans la vie du club et se déplacent à toutes les rencontres à l’extérieur. Ils sont l’incarnation d’une certaine vision du football, que certains qualifieront peut-être péjorativement d’élitiste, d’hipsteriste :  qu’à cela ne tienne…

« Avec Queen’s Park, tu as conscience que le foot, c’est bien plus qu’onze mecs qui courent derrière un ballon, c’est tout une histoire. Et sans Queen’s Park, aujourd’hui, le jeu de passes comme on le connait n’existerait peut-être pas, car Queen’s Park a su donner au sport individuel qu’était le football sa valeur collective. » Romain Molina

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"Le joueur de football est l'interprète privilégié des rêves et sentiments de milliers de personnes." César Luis Menotti.