Cet article fait suite aux deux tomes sur Cavani et Suarez. Ils traitent de l’histoire d’un autre Uruguayen. Cet autre Uruguayen, est, comme les deux autres, natif de Salto. Mais son histoire, bien que plus ancienne et méconnue, mérite que l’on s’y attarde. Aujourd’hui, zoom sur le premier des grands footballeurs de Salto, et peut-être le plus illustre : José Andrade
Fils d’esclave
José Andrade est l’archétype d’un football que l’on a perdu. Mais c’est aussi, et heureusement, quelque chose que l’on a perdu sans dommage. Car José Leandro Andrade, naît ; comme 86 ans après lui Cavani et Suarez ; à Salto. Sa mère est argentine, son père n’est pas bien connu. Et son grand-père est un ancien esclave, d’origine brésilienne, échappée, qui fut spécialiste en magie africaine. Son enfance est assez peu documentée. Cependant, l’on sait que dans cette ville assez pauvre, le jeune homme se sent un peu à l’étroit. Et c’est pour cela qu’à l’âge de 13 ou 14 ans, il descend à Montevideo. Là, ce sont des jobs de livreur, de garçon à tout faire qui lui sont offert. Mais José apprend là quelques choses qui ne le lâcheront plus jamais. Il apprend la musique, et mène le carnaval.
Mais surtout, José découvre le ballon rond. La sphère, alors un sport beaucoup moins aseptisé qu’aujourd’hui, il la manie bien. Bien, au point qu’il quitte assez vite les potreros de terre pour s’engager à Peñarol puis à Misones. Il joue alors à un poste aujourd’hui défunt, celui de demi droit. Ses débuts en pros, il les fait avec le maillot de Bella Vista. C’est le début d’une très belle carrière. Car en 71 rencontres et 7 matchs sous le maillot de Bella Vista, il tape dans l’oeil du sélectionneur. Ce dernier l’engage pour la sélection. En parallèle, il quitte son club de Bella Vista. Il s’engage en effet avec le mythique Nacional. Là, ce sont ses premiers titres : quatre championnats, trois coupes d’Uruguay. Et quatre réalisations en 105 rencontres. Puis Peñarol l’accueille à nouveau (88 matchs) dans les années 30.
Garrincha avant l’heure
C’est en équipe nationale que la légende de José Andrade s’écrit. Car ce dernier, à l’âge de vingt-deux ans, porte pour la première fois la liquette de l’Uruguay. Et cette même année, il remporte le championnat d’Amérique du Sud. Premier titre en sélection, donc. Et cela ne s’arrête pas là. Car en 24, il arrive à Paris avec le statut de premier noir à jouer des olympiades de football. « La perle noire » émerveille le public parisien. Il remporte dans des matchs rocambolesques ce que les uruguayens appellent le premier mondial de leur histoire. José reste alors quelques années à Paris, et c’est là que la comparaison avec « O alegria do Povo » prend tous son sens.
Il émerveille en effet le tout Paris. Adoubé par Colette et la noire Joséphine Baker, il s’affirme au delà des terrains de foot. Car José Andrade n’est pas que le premier grand joueur noir de l’histoire du football. En effet, il apparaît comme un musicien de piano-bar, de cabarets, et ce malgré le choc avec le poteau qu’il subit à la compétition de football des JO de 1928. Car à cette occasion, il heurte un poteau de but et garde un gros choc à l’œil qui l’handicapera à la fin de sa carrière. Et comme Garrincha aux jambes torves, José Andrade est peut-être un individu claudiquant du fait de sa cécité, mais n’en reste pas moins un excellent demi-droit.
Un roi du football
José Andrade est un roi. Un roi qui a fait vibrer, et que l’on connaît trop peu. Pourtant, en 1994, José est classé dixième par France Football dans une liste des « 100 Héros de la Coupe du monde », alors que son capitaine (Nasazzi) apparaît bien plus loin dans le classement. Et comme un Cruyff après lui, il est prêt à tout pour son talent. Car il avait refusé de jouer aux Olympiades de 1928, mécontent du traitement que certains fans lui avaient infligé en Europe. Certains l’avaient en effet traité de « sale nègre » à Paris, alors qu’il mettait la misère à l’équipe de France de football.
Aujourd’hui, sa mémoire est honorée de diverses façons. Ainsi, au Stadio Centenario, le grand stade Uruguayen, une plaque est érigée en l’honneur de la perle noire, de celui qui, racontent certaines légendes, aurait inspiré Pelé. En tout cas, ce qui est sûr, c’est qu’il fait partie des joueurs qui ont permis l’émancipation des noirs en Amérique du Sud, comme un Arthur Friedenreich à la même époque (1892-1969). Il a d’ailleurs été un des grands acteurs de l’organisation du premier mondial en Uruguay. Enfin, un de ses neveux a été sacré champion du monde 1950 avec l’Uruguay. José Andrade décède finalement le 5 octobre 1957 à 55 ans.