Le constat est simple et partagé par tous : le PSG gagne trop, trop facilement. Une décennie après le premier titre de leur hégémonie, le suspens de la course au titre en Ligue 1 ne fait plus palpiter le cœur d’aucun supporter ni ne tape à l’œil des observateurs étrangers. Alors pourquoi ne pas avoir recours à une idée (en apparence ?) absurde pour lui redonner de l’intérêt ?

Club-État, clubs bêta

On le sait, le Paris Saint-Germain étant détenu par un État comme un outil de sportwashing parmi d’autres, il est financièrement bien trop au-dessus de sa ligue. Remise en contexte. Sur les 21 plus gros transferts de l’histoire de la Ligue 1, 18 sont parisiens. L’effectif actuel a coûté plus de 900 millions d’euros en indemnités de transfert (sans compter les primes à la signature) quand le deuxième effectif le plus cher de Ligue 1 est le groupe monégasque à 320 millions d’euros. La saison dernière, la masse salariale parisienne atteignait les 433 millions d’euros sur l’année selon les estimations de Capology sur Fbref. La deuxième plus grosse paie ? L’OL avec 68 millions. Pendant ce temps, la masse salariale moyenne des 19 clubs non-parisiens s’élève à 23 millions.

Pas d’obligation de retour sur investissement, pas d’injonction à la sobriété en temps de crise, pas de propriétaire regardant sur les ventes : c’est la porte ouverte à toutes les folies. Transfermarkt attribue au club de Nasser Al-Khelaïfi un résultat net négatif de 340 millions sur les transferts des 5 dernières années. Seuls 5 autres clubs de Ligue 1 peuvent – ou croient pouvoir – se permettre d’être dans le rouge sur cette métrique, avec notamment l’OM et ses -125 millions toujours plus scrutés par la DNCG.

Avec cette gestion financière qu’on l’on qualifierait au mieux de laxiste, le PSG s’ouvre non seulement un champ des possibles injustement démesuré, mais peut se permettre d’accumuler les erreurs sportives sans conséquences. Le voilà donc passer d’attaquants en attaquants comme un bambin de Buzz l’Éclair en GI Joe. Une situation ridicule qui permet au club de la capitale de faire fi de la compétence, de ne pas s’encombrer de réflexions sportives, d’ouvrir des lofts plus chers que les onzes types de leurs concurrents, et de toujours gagner, largement.

Laissez-faire play financier

Un club qui surdomine tant son championnat – d’autant plus ici grâce à un dopage financier inégalable – lance un cercle vicieux pour les autres : aucun investisseur n’est tenté de monter une autre équipe et de s’y mesurer. La propriété de clubs de football peine déjà à être rentable, alors pourquoi diable injecter des centaines de millions pour finir éternels seconds ? Cette hégémonie est donc de moins en moins bonne pour l’intérêt, les audiences, et donc les revenus d’image et de publicité qui constituent l’immense et toujours croissante part des recettes de l’industrie – c’est aussi l’occasion de détruire le mythe du ruissellement : les droits TV domestiques n’augmentent pas grâce à Lionel Messi, et les droits internationaux n’ont tout simplement pas été revalorisés à une hauteur significative depuis QSI.

Voilà pourquoi l’organe gouvernant cette compétition voudrait intervenir. La question est comment.

Bien qu’impulsées par des clubs plus soucieux de leur statut d’ « historiques » que de l’équité et de la beauté du sport, toutes les régulations financières pour freiner les clubs-États dans leur course aux dépenses ont au mieux échoué, au pire fait rire. Des mesures plus drastiques auraient quant à elle bien du mal à prouver leur légalité vis-à-vis de la libre concurrence une fois contestées devant les tribunaux. Et laisser le PSG filer vers une Super League aurait, en plus de toutes les conséquences détestables inhérentes à cette dernière, des effets néfastes sur la Ligue 1 : pertes d’attractivité et d’audience, légitimité d’un « champion » de France questionnée, etc. Vous pourriez le souhaiter, mais ce n’est pas une position que tiendrait une LFP soucieuse de relancer le suspens de sa compétition reine.

Coup d’envoi, 0-1

Si toucher au porte-monnaie dans l’espoir que le sportif soit moins impacté par la démesure du dit porte-monnaie est inefficace, pourquoi ne pas directement toucher au sportif ? Sur une idée de The Athletic qui l’a testée sur le Bayern Munich, une résolution quelque peu choquante pour relancer la compétitivité en Ligue 1 serait de faire commencer chaque match du PSG à 1-0 pour l’adversaire.

Outre les débats philosophiques, il faudrait surtout, moralement et pour éviter les poursuites, que tout le monde, PSG compris, se mette d’accord sur le fait que le club de la capitale est démesurément supérieur et que cette solution, que certains concurrents pourraient percevoir comme humiliante et le PSG comme outrancière, soit celle à adopter. Mais admettons.

The Athletic a donc testé cette mesure sur les 10 dernières saisons de Bundesliga. Le Bayern, qui dans la « vraie vie » les a toutes gagnées, aurait bien sûr toujours été dans la course au titre mais n’aurait soulevé que 3 titres de champion. En leur infligeant une pénalité de 34 buts, les Bavarois auraient perdu en moyenne 17 points par saison. Dortmund, Leipzig, mais aussi Wolfsburg en auraient profité pour garnir leur armoire à trophées au terme de luttes probablement plus intéressantes qu’elles ne le sont actuellement.

C’est donc au tour de demivolee.com de mettre cette idée à l’épreuve sur le PSG. Qu’aurait donné cette dernière décennie si le PSG avait commencé chacun de ses matches avec un handicap d’un but ? Voici les tops 5 des 10 dernières éditions de la Ligue 1, en commençant par le premier titre parisien en 2012-2013 :

2012-2013

Conséquence du handicap : 30 points en moins.

Paris serait 9e avec 53 points.

Le nouveau PSG version QSI est à cette époque-là encore un champion normal qui perd des points régulièrement et écrase encore peu les plus faibles.

2013-2014

Conséquence du handicap : 22 points en moins.

Cette année-là, le PSG compte beaucoup plus de victoires nettes et commence réellement à asseoir sa domination. Néanmoins, les 38 buts donnés aux adversaires pénalisent encore trop le PSG pour qu’il se maintienne dans la course au titre.

2014-2015

Conséquence du handicap : 29 points en moins.

Paris serait 8e avec 54 points.

Saison moins convaincante du PSG qui se sent d’autant plus dans notre fiction. Avec beaucoup de nuls et peu de larges victoires avant le sprint final, la course au titre se serait jouée sans eux.

2015-2016

Conséquence du handicap : 20 points en moins.

Ce serait donc le premier titre de champion de France du PSG après cette saison marquée par une outrageante domination.

2016-2017

Conséquence du handicap : 26 points en moins.

Un exercice en net déclin et une mesure qui rend le titre de l’AS Monaco encore plus large.

2017-2018

Conséquence du handicap : 20 points en moins.

Cette édition fait mauvaise presse pour notre fiction car elle fait ressortir plus que de raison la très mauvaise fin de saison parisienne due au relâchement général suite à l’officialisation du titre. En fait, elle aurait créé une course au titre absolument palpitante dans cette saison exceptionnelle où Monaco, Lyon et Marseille se tiennent en 3 points et où 77 points ne suffisent pas pour accéder à la Ligue des Champions.

2018-2019

Conséquence du handicap : 20 points en moins.

En voilà une belle course au titre ! Si voir Lille récompensée de deux titres sur son bon cycle ressemble légèrement à de la surperformance, le mauvais sprint final des nouveaux coéquipiers de Kylian Mbappé (aussi bien dans la réalité que dans notre fiction) coûte encore une fois très cher.

2019-2020

Conséquence du handicap : 14 points en moins.

Cette saison marquée par le Covid et l’arrêt incompréhensible du championnat pourrait se passer de commentaires. Notons toutefois que Monaco et Lyon profiteraient le plus de ce but d’avantage sur Paris en récupérant des points leur permettant de passer respectivement des 9e et 7e aux 5e et 6e places.

*Techniquement, Paris devrait passer derrière Marseille à la différence de buts. Mais compter ou non les buts fictifs dans le goal average mériterait un autre débat. J’ai choisi de ne pas harceler les Parisiens plus qu’il n’en faut.

2020-2021

Conséquence du handicap : 14 points en moins

Le LOSC conserverait son titre dans une course au titre finalement moins attrayante que celle que l’on a vraiment vécue entre Lille, Paris, Monaco et Lyon.

2021-2022

Conséquence du handicap : 24 points en moins

Paris serait 8e avec 62 points.

Bien que champion avec 15 points d’avance dans la réalité, le PSG dégringolerait à l’arrière d’un groupe de poursuivants très resserré. La faute à un nombre anormal de victoires poussives et de nuls en première partie de saison.

Palmarès théorique de la Ligue 1 sur la dernière décennie :

 

Disclaimers – Si la méthode se veut complète en prenant évidemment en compte les points réattribués aux concurrents en plus de ceux retirés au PSG, il va sans dire qu’elle n’est pas infaillible : le PSG n’aurait pas joué ces matchs de la même manière s’il avait su que le tableau d’affichage était en réalité en sa défaveur au coup d’envoi. Il s’agit là simplement d’une indication de la redistribution des cartes.

Cette tentative de rééquilibrage soulèverait par ailleurs de nombreux débats annexes. Quid du décompte de la différence de buts ? Est-ce réellement bon pour la Ligue 1 si sa meilleure équipe n’est plus en Ligue des Champions ? Et, en matière d’équité sportive vis-à-vis de la force de frappe financière, alors que l’on voit l’AS Monaco tirer un fort profit de cette mesure, quid de la place même de Monaco en Ligue 1 alors que la présence de leur siège social en principauté leur octroie un avantage fiscal déloyal permettant d’offrir de plus gros salaires qu’un club français à budget égal ?

Conclusion

Cet exercice de fiction nous fait tout d’abord réaliser que la Ligue 1 est dans un moins pire état que la Bundesliga sur ce plan. Dans le monde réel, déjà, le PSG n’est pas aussi hégémonique que son homologue allemand, qui file vers son onzième titre consécutif. Deux clubs, Lille et Monaco, ont en effet réussi à briser les séries parisiennes – à quel prix ? Et dans notre fiction, le PSG est sorti du top 5 et même des places européennes à plusieurs occurrences. Ce n’est pas le cas du Bayern.

Quelle conclusion tirer de cette expérience ? La Ligue 1 est indubitablement plus compétitive et intéressante. Est-elle équitable pour autant ?

Appliquée a posteriori, cette régulation apparaît en tout cas injuste au début du règne, en tant que Paris avait moins dépensé et écrasait moins le championnat qu’après 2017 et le mercato Neymar.

Ceci étant, le détail montre que ce sont les 10 dernières journées qui auraient occasionné la plupart de ces pertes virtuelles de titres. Or, ce sont précisément les matchs que le PSG a joués moins sérieusement puisque le championnat était déjà assuré à cause, précisément, du déséquilibre que nous essayons de résoudre. Cette réglementation aurait donc relancé l’immense majorité des courses au titre dans les différents sprints finaux de la dernière décennie, ce qui manque cruellement à la Ligue 1 et sait faire le sel de la Premier League.

Paris aurait probablement fait valoir son facteur « clutch » avec un effectif – le meilleur de France – plus mobilisé, et n’aurait pas perdu autant de titres que ce décompte le laisse entendre. Simplement, tout aurait été beaucoup plus intéressant, une poignée d’autres équipes auraient sans doute vécu une très belle histoire, et les supporters parisiens auraient pris plus de plaisir à triompher.

Alors, si absurde ?

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"Le joueur de football est l'interprète privilégié des rêves et sentiments de milliers de personnes." César Luis Menotti.