Le rapport entre football et romantisme est un phénomène complexe, passionnant et interminable. C’est peut-être même la raison d’être du football. Pourtant, parvenir à saisir par le poids des mots la richesse de cette relation est un véritable défi. C’est cependant ce que Jean-Félix Juguet Piazzola a réussi avec brio à faire dans son premier ouvrage, Football de velours : Voyage au cœur du football romantique. Entre philosophie et football, entretien avec un auteur passionné et passionnant.

Écrire un livre, c’est une tâche complexe. Mais écrire un livre qui parle de football en essayant de prendre de la hauteur, c’est encore plus demandant. Alors, comment est venue cette envie d’allier football et littérature ?

Jean-Félix Juguet Piazzola : Je ressentais le besoin d’écrire, de mettre sur papier tous ces sentiments accumulés. J’ai toujours été un peu fleur bleue du football, à prendre tout ce que je pouvais prendre, à profiter du moindre ballon qui roule. En vieillissant (ou en grandissant c’est selon), j’ai pu mettre quelques mots sur cet amour du football qui m’accompagnait au quotidien, j’ai commencé à lire au début de la vingtaine, j’ai approfondi mes connaissances et j’ai donc eu, à mon tour, cette envie d’écrire, de transmettre. L’évolution du football m’a conforté dans ce choix, il ne faut surtout pas oublier d’où l’on vient et d’où nous vient cet amour d’une discipline aussi riche que le football. La littérature joue un rôle essentiel dans notre approche de la vie, ça vaut aussi pour le football. J’y englobe aussi les journaux, tout support permettant de retranscrire et nous raconter l’histoire du football. Foot et littérature sont liés, à tout jamais.

Ton livre, qui est sorti il y a quelques mois, s’intitule « Football de velours ». Il fait l’apologie et en quelque sorte l’exégèse du beau jeu. Mais est-ce qu’on est obligé de pratiquer un beau football pour rendre les gens heureux ?

Jean-Félix Juguet Piazzola : C’est une question épineuse de prime abord. Comme dirait Fernando Santos, que je cite d’ailleurs dans cet ouvrage : « Tout dépend des yeux qui regardent ». Tout dépend de ce que l’on attend d’un match de football, de notre équipe, des joueurs qui la composent. Certains ne pensent qu’à la victoire, au résultat et c’est ce qui va guider leur façon de voir le foot. D’autres ne peuvent s’en contenter. Je fais partie de cette dernière branche, de ceux qui mettent le jeu au cœur du système. Mais c’est évidemment un avis personnel. J’ai souvent ressenti de l’amertume après une victoire pas forcément méritée et au contraire une certaine fierté malgré une défaite survenue après une prestation aboutie. Nous avons toutes et tous une vision différente du football, et c’est tout ce qui fait son charme. Pour répondre clairement à votre question : non, je ne pense pas qu’on soit obligé de pratiquer un beau football pour rendre les gens heureux. Par contre, pour que je le sois, moi, oui, il faut que le jeu et l’audace l’emportent.

Il t’a fallu du temps entre le moment où l’idée est née, et celui de la parution du livre ?

Jean-Félix Juguet Piazzola : L’écriture de cet essai aura duré deux ans. La publication un peu plus. J’ai tenté de passer avec une maison d’édition, dans un soucis d’accompagnement et de conseils, pour vivre une aventure qui pour moi l’est réellement. On écrit pour ça, partager, échanger, promouvoir. Ce « sujet de niche » n’a pas trouvé preneur auprès d’une éventuelle entité. J’ai donc décidé d’autoéditer le livre avec Kindle Direct Publishing, en toute humilité, afin que mon travail puisse être édité et partagé. Cela me permet de me rendre compte de tout ce que cela implique en terme d’investissement, de temps. Ce n’est pas plus mal. Les démarches sont chronophages mais passionnantes, je découvre le monde du livre, je rencontre mes lecteurs, c’est génial.

« Le velours c’est aussi l’esthétisme, l’audace, le jeu léché. »

Question simple, mais question essentielle, si ce n’est même existentielle : qu’est-ce que pour toi qu’un football de « velours » ?

Jean-Félix Juguet Piazzola : Le football de velours, c’est celui qui t’attrape et te fait voyager. Celui qui t’amène avec lui au cœur du jeu, qui éveille tes émotions. Le velours c’est aussi l’esthétisme, l’audace, le jeu léché. La beauté est subjective mais elle concerne tout le monde. Nous la ressentons différemment, mais elle existe pour tous. C’est ça aussi le velours. Une passe, un geste, une épopée. Le velours est partout, tout le temps, pour qui accepte de le voir, le sentir…

Est-ce que le fait d’écrire sur le football te donne un regard différent quand tu parles de ce sport, quand tu regardes un match ou quand tu lis un autre ouvrage sur le sujet ?

Jean-Félix Juguet Piazzola : Le regard et la vision s’affinent forcément au gré des lectures et des matches vécus. Tout contenu est source de richesse, notre connaissance est grandissante au fur et à mesure. Plus on s’intéresse à un sujet et plus notre vision des choses est précise. J’aime lire un maximum de contenus sur un sujet qui me parle, afin d’avoir un maximum de billes, de pouvoir creuser et comprendre encore plus. La curiosité attire et amène avec elle des connaissances qui te forgent une vision. Ecrire apporte autre chose, cela te construit en tant qu’auteur. Tout cela est tiré des connaissances acquises qui te donnent cette possibilité de pouvoir partager cette vision qui s’est construite avec le temps. Mais il n’y a pas que le football, je lis sur des sujets divers et variés, ce qui participe aussi à la construction d’une vision globale.

« Le football est un art, et l’art est romantique »

 

Football de velours
Football de velours

Tu parles dans ton ouvrage de joueurs qui sont, plus encore que des sportifs, des personnalités romantiques. Dans quelle mesure le football et le romantisme sont-ils liés pour toi ?

Jean-Félix Juguet Piazzola : Ils sont liés à tout jamais. Les perdants magnifiques, les gagnants qui font rêver, ces virtuoses envoutants, ces parcours atypiques… La liste est longue, presque infinie… Le football est un art, et l’art est romantique, de par le message qu’il dévoile, que l’auteur dévoile. De par l’évasion que la discipline permet à tout amateur et amoureux de ce sport… Le romantisme c’est se dévoiler, laisser parler les émotions, se laisser aller face à la beauté, face à notre intériorité qui s’exprime enfin… C’est marrant que vous utilisiez ce terme de « mesure » car le romantisme est tout sauf une « quantité » que l’on peut mesurer. Il est multiple et insaisissable.

Peut-on être romantique sans jouer bien au football ?

Jean-Félix Juguet Piazzola : C’est très intéressant comme question. J’aborde, avec Philippe Rodier, le cas de Diego Simeone dans cet essai. Son équipe est-elle considérée comme une équipe qui joue bien au football ? Pourtant certains parlent de romantisme pur à l’évocation de cette équipe, de l’âme qui s’en dégage, de cette vision de l’argentin… Et à juste titre, probablement. « Jouer bien », oui, mais ça veut dire quoi exactement ? Elément de réponse dans l’ouvrage (rires).

On parle beaucoup, dans ton ouvrage, de joueurs ne pratiquant plus leur art. Finalement, est-ce qu’avoir terminé sa carrière depuis plusieurs années facilite la béatification footballistique d’un joueur ? Est-ce même un prérequis ?

Jean-Félix Juguet Piazzola : Non, je pense que les pinceaux se mélangent. C’est plus une question de souvenirs, de nostalgie probablement, plutôt que de cessation d’activité (les deux étant liés ceci-dit). Le football et son histoire ne s’est pas construit du jour au lendemain. Ce sont ces (ses) acteurs qui lui ont donné cette trajectoire, ses évolutions. C’est cette empreinte qui est romantique, le souvenir laissé, la trace indélébile qui règne encore dans nos cœurs aujourd’hui. Le prérequis, c’est de faire rêver les gens.

« Le football nous offre, sur un plateau, des artistes à chaque coin de rue, et vous me demandez de choisir… »

Quel joueur incarne le mieux ta vision du football ?

Jean-Félix Juguet Piazzola : Il fallait s’y attendre, à cette question (rires), mais je vais t’en citer mille. Avec tous une spécificité, quelque chose qui donne des frissons. Le football a ce pouvoir exceptionnel de nous offrir des millions de plaisir coupables. L’audace de Jorge Valdivia, la passe millimétrée de Benjamin Nivet, les percées foudroyantes de John Utaka, les dribbles de Ronaldinho, la fidélité d’un Paolo Maldini, la puissance élégante d’un Ronaldo (R9), le pied gauche de Recoba… Le football nous offre, sur un plateau, des artistes à chaque coin de rue, et vous me demandez de choisir…

S’il t’avait fallu une préface à ton ouvrage, à qui aurais-tu aimé la confier, et pourquoi ?

Jean-Félix Juguet Piazzola : Ah, la préface. J’ai pensé à Jean-Marc Furlan ou Didier Roustan, mais cela ne s’est pas fait. C’est dommage, mais si jamais l’un des deux lit ces lignes, qu’il se dit que finalement ça peut être sympa, qu’il n’hésite pas à me contacter, on mettra à jour l’édition ! (rires) Je sais d’ailleurs que Jean-Marc est en train de lire cet essai…

Après la sortie de ce livre, quel sont tes projets à venir ?

Jean-Félix Juguet Piazzola : L’écriture est une drogue, elle est bonne et addictive. Les projets et surtout les idées ne manquent pas. Je repris l’écriture, sur un sujet d’actualité, qui mérite d’être mis en avant. Mais le temps manque, pour tout, tout le temps. Je ne sais pas quand je pourrais le publier. Mais j’y tiens beaucoup, il faudra, pour les plus curieux, attendre encore un peu et suivre le compte Twitter notamment, pour avoir des infos… (rires).

Football de velours : Voyage au cœur du football romantique est disponible sur Amazon. Vous pouvez également suivre Jean-Félix Juguet Piazzola sur Twitter.

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