29 octobre 1922. Le roi d’Italie Victor-Emmanuel III accorde à Benito Mussolini, à la suite de la Marche sur Rome, le droit de former un gouvernement. Le 15 décembre de la même année, le Grand Conseil du Fascisme se réunit pour la première fois de l’histoire. Dans les semaines qui suivent, l’Italie bascule définitivement dans le fascisme. La culture italienne va petit à petit être annexée par les idéologies mussoliniennes. Et parmi les idées du Duce, le sport tient une place importante. En voulant remettre l’Italie sur le devant de la scène sportive internationale, un projet fou va voir le jour. Celui de faire disparaître le football et le rugby, en les remplaçant par un sport national : la volata.

Mort au jeu

Tout commence aux Pays-Bas en 1928. Les Jeux Olympiques, les neuvièmes de l’ère moderne, battent leur plein en cette fin de juillet 1928. Pour la première fois, les femmes sont admises à participer aux compétitions. Elles ne représentent cependant que 10 % des contingents, et leur présence est marginale, et l’hostilité est de mise. Mais les jeux semblent néanmoins entrer dans une ère de modernité. Le moral est au beau fixe, sauf en Italie. En effet, les sportifs de la botte peinent dans les compétitions où ils sont engagés. Aucun ne parvient à se distinguer, et les médailles d’or ne s’accumulent que lentement : seulement 7, soit autant que la Suisse et moins que la Finlande ! L’Italie arrive cinquième du classement des médailles, et le mécontentement gronde à Rome. Le régime fasciste, qui fait du sport son emblème, est contrarié dans sa politique.

Depuis un an déjà, les scientifiques du comité olympique italien réfléchissent à l’invention d’un nouveau sport. Celui-ci, soi-disant inspiré de l’harpastum romain et du calcio florentin médiéval, serait le symbole de la puissance sportive italienne à l’internationale. Et surtout, il pourrait supplanter le football, dont la popularité va sans dire, et le rugby, qui gagne petit à petit en notoriété. Car bien que ces sports mettent en avant la condition physique nécessaire aux athlètes fascistes, ils sont symboles de l’étranger : ce sont des sports britanniques. Un comité, présidé par Augusto Turati, va donc être chargé de mettre en place cette politique d’italianisation. Turati est alors proche de Mussolini, puisqu’il est secrétaire général du parti fasciste, et député italien. Il reçoit ses ordres de la bouche même du Duce, qui s’implique fortement dans la création de « son » nouveau sport.

Absurdes règles

Très vite, Turati et ses collègues parviennent à mettre au point les règles de ce sport qu’ils appelleront la volata. Le jeu, aux règles peu intuitives, est inspiré de certaines versions italiennes du jeu de paume, mais aussi du handball et du football, tout en gardant quelques idées du rugby.

Le terrain mesure quatre-vingt-dix mètres de long sur soixante de large, et s’apparente très fortement à un terrain de football. En effet, de part et d’autre sont dessinées des surfaces de réparation, semblables à celles utilisées dans le « jeu anglais ». Cependant, à la place de la zone des six-mètre se trouve le demi-cercle des huit mètres.

Huit joueurs s’affrontent de part et d’autre durant trois périodes de vingt minutes séparées par une pause d’une petite dizaine de minutes. L’objectif est évidemment d’inscrire le plus de buts possible. Mais là où cela se complique, c’est sur l’organisation des huit de départs. Outre le gardien, chaque équipe possède deux « latéraux », trois milieux de terrain et deux attaquants. Les trois joueurs défensifs n’ont pas le droit de participer aux actions offensives, donc pas le droit de dépasser le milieu de terrain. Au contraire, aucun attaquant n’a le droit d’entrer dans les huit mètres.

Le match commence avec le ballon au centre du terrain et les joueurs, au cours de la première action, ne peuvent pas botter le ballon. Enfin, le porteur du ballon peut être plaqué, avec les deux bras entre la taille et les épaules. Une fois plaqué, il doit immédiatement abandonner le ballon ; cependant, il ne peut pas courir avec le ballon au-delà de 10 mètres. Le ballon peut être porté, et joué avec toutes les parties du corps. Outre la complexité des règles, l’endurance physique est de mise !

Le jeu est mort

La volata va connaître une mort aussi rapide que sa naissance. Le sport est officiellement lancé en 1930, et c’est un club milanais, le Dopolavoro Richard Ginori, qui va remporter le premier championnat. Près de cent clubs de volata vont être créés en quelques années, évidemment sous l’impulsion des autorités locales du régime fasciste. Benito Mussolini, convaincu que ce sport va permettre de dynamiser la combativité et l’esprit d’équipe, assiste à de très nombreux matchs. C’est lui qui remet notamment le trophée du premier championnat de volata de l’histoire. Mais cette popularité n’est que factice. Le football continue d’être le sport numéro un, et les spectateurs ne se passionnent pas pour la volata. Le championnat de 1930 restera le seul à aller à son terme.

En effet, devant le manque d’engouement populaire, de joueurs capables d’évoluer à un bon niveau et de compétitivité, le comité sportif national se questionne. En 1930, Turati va être mis sur la touche, impliqué dans de nombreuses affaires. Il est remplacé par Achille Starace, hostile à la Volata. Et en 1933, une décision radicale est prise : la volata ne va plus être promue par le gouvernement italien. Le football n’a pas du tout été remplacé par la volata. Par contre, le rugby a lui bien souffert de son éphémère rival. L’Italie décide de mobiliser toutes ses ressources sportives sur le football. En effet, le pays a été désigné quelques mois plus tôt comme organisateur de la Coupe du Monde 1934, la première en Europe de l’histoire.

Les structures fascistes de volata vont donc très rapidement péricliter, et le sport va disparaître en quelques années dans l’oubli collectif. La Coupe du Monde 1934, par contre, sera un véritable succès pour l’Italie. Avec, évidemment, l’ombre de Benito Mussolini en arrière plan

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