« C’est l’histoire d’un homme qui tombe d’un immeuble de 50 étages. Le mec, au fur et à mesure de sa chute, il se répète sans cesse pour se rassurer : Jusqu’ici tout va bien. Jusqu’ici tout va bien. Jusqu’ici tout va bien. Mais l’important, c’est pas la chute, c’est l’atterrissage. » Ce proverbe, rendu célèbre par le film La Haine de Matthieu Kassovitz, est un peu l’allégorie de la haine entre supporters. Tous les coups sont permis, jusqu’à ce que cela aille trop loin. Jusqu’au premier dérapage. Mais pourquoi y a-t-il une telle haine entre supporters ?

Pas plus vite que les balles

La rivalité entre équipes est consubstantielle du football, et du sport. On souhaite toujours que son favori s’impose, devant le poursuivant. C’est un fait bien établi et qui ne souffre d’aucune contestation. Néanmoins, il n’impose pas la création d’un climat de haine entre les différents partisans. Ce sont les comportements et les enjeux qui provoquent la haine. En se rendant compte de l’importance que les résultats ont pour le futur et l’avenir de son club ; le groupement de supporters va faire tout ce qui est en sa possession pour favoriser ces résultats. Quitte à dépasser les cadres de l’éthique et parfois même de la légalité. Tous les coups sont permis, tant qu’ils font mal.

Dans la rivalité footballistique, il ne faut donc pas tendre l’autre joue si l’on se prend une mandale, mais au contraire riposter encore plus fort. Parce que sinon, le respect risque d’être perdu. Le respect est une valeur importante dans nombre de milieux sociaux, guindés comme populaires. Et, il est bien souvent d’usage de se faire respecter en faisant usage de tous les artefacts à sa disposition. Et quoi de mieux que la haine comme vecteur de propagation de la volonté de vengeance et d’éclatement face à un adversaire menaçant ?

Rien ne saurait dépasser la puissance de la haine pour faire émerger une unité commune face à un adversaire en perpétuel mouvement. Ainsi, la création d’un climat de haine et de défiance, doublé d’une perpétuelle motivation interne, va petit à petit faire exploser la haine chaque jour à disposition des différentes unités conceptuelles créées par le football.

C’est la fête

Une fois que la haine est déclarée, alors la guerre est commencée, le combat est prêt à se déplacer petit à petit des terrains sportifs aux tribunes. Et dans les tribunes, il ne reste rien d’autre que la plus pure des violences, la plus affreuse des agressions contre son adversaire direct. Casser un nez revient à marquer un but. Jusqu’au jour où l’irréparable est commis, où un couteau se fracture entre deux côtes, et où une vie est brisée. Et où certains s’aveuglent, tentant de justifier l’injustifiable. Et, heureusement, où d’autres prennent conscience de l’escalade de violence où la haine les conduit. Heureusement, des pères de famille comprennent que fracasser des sièges dans un stade sur un groupe de supporters adverses sous le simple prétexte que leur maillot n’est pas le même ne relève pas d’une intelligence débordante.

La vie est rude, et souvent banale. Mais sortir du climat de haine est toujours possible. En faisant appel à l’intelligence collective, bien sûr. Mais surtout, en demandant à chacun de se regarder dans un miroir. Des vies humaines valent-elles vraiment la peine d’être sacrifiées tout ça pour prouver que l’on chante plus fort que l’adversaire ? L’affrontement permanent contre les forces de l’ordre a-t-il réellement un sens, alors que ces derniers tentent bien sûr de maintenir la sécurité commune, au prix de la liberté parfois liberticide de certains dégénérés.

Libre, mais sans identité : les dés semblent parfois pipés, mais il faut regarder qui a inséré le poids dans le dé. Et, bien souvent, les coupables ne sont pas ceux que l’on a désigné. La vie est un apprentissage qui ne finit jamais ; et le jour où l’accusateur de mesures liberticides se remettra en question, alors la société aura fait un grand pas en avant.

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« Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde, on le peut reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui ». (Jonathan Swift, 1667-1745)