Pourtant un des gestes les plus communs du football, la touche, cette remise en jeu par les mains, n’a jamais fait l’objet d’une grande attention de la part des acteurs du Beautiful Game. Mais le vent tourne.

Touches à tout

Les footballeurs de tout niveau savent prouver leur créativité et les coups de pied arrêtés n’y font pas exception. Comme peuvent en attester les réseaux sociaux, nombreux sont les corners ou les coups francs originaux ou géniaux à faire le tour de la toile. Cependant, la touche est souvent laissée orpheline de cette lumière. Plus moquée quand elle est ratée qu’acclamée quand elle est décisive, la touche est considérablement sous-estimée en ce qui concerne le football, faisant de celui-ci un des sports les moins avancés sur ce genre de remise en jeu.

Cela vaut aussi pour les professionnels. Les touches effectuées sous pression dans le dernier tiers équivalent souvent à rendre le ballon à l’adversaire. La touche est au football loin de l’aspect sacralisé que son cousin le rugby lui porte. Loin aussi du travail qu’elle engendre au basketball, qui a bien saisi l’opportunité que représente un ballon confié à un joueur non pressé. Cet exemple est particulièrement éloquent car l’équivalent de la touche fait l’objet de dizaines de combinaisons millimétrées pour la balle orange, là où ils pourraient simplement donner le ballon au meneur qui se repositionnerait tranquillement dans l’optique d’une possession classique comme c’est l’idée de la touche footballistique.

Le football snobe donc grandement la touche. Ce n’est pourtant pas faute d’y penser régulièrement. Codifiée comme remise à deux mains par-dessus la tête depuis 1883, la touche a toutefois été revue par quelques changements de règles depuis, concernant la position des pieds. De plus, c’est l’un des gestes les plus communs durant un match de football avec quarante à soixante occurrences par match en moyenne. Alors est-ce vraiment atypique de vouloir appuyer son entraînement sur les touches ? Le seul geste qui autorise les mains aux joueurs de champ peut-il plus faire gagner qu’on ne le pense ?

Jeu de mains, jeu de malins

Les touches se définissent, et donc s’améliorent, par trois axes. Il y a d’abord la précision. Si la principale cause de pertes de balle lors d’une touche est un mauvais contrôle, c’est en fait parce que la touche n’arrive pas dans les pieds. Alors, de la même manière qu’on insiste qu’une passe ne doive pas rebondir sur son chemin afin d’être facilement réceptionnée, une touche doit atterrir dans les pieds. Des entraînements de précision s’imposent donc pour améliorer la dextérité des joueurs balle en main comme balle au pied.

Ensuite, on l’évoquait pour le basketball, il y a les combinaisons. Un progrès majeur pour une équipe serait de ne plus se contenter de jeter la balle au premier venu sans réfléchir. Beaucoup rechignent à avoir d’autres idées que de balancer le long de la ligne pour ne pas perdre le ballon dans une zone dangereuse et possiblement obtenir une nouvelle touche en cas de cafouillage. Des combinaisons plus travaillées pourraient donner lieu à un peu plus de risques au niveau du lancer mais occasionneraient un apport considérable des deux côtés du terrain.

Enfin, les joueurs doivent travailler leur technique de touche. Au-delà d’être précise, une touche doit être parfois longue et rapide : cela ne s’improvise pas. La maîtrise des touches longues est primordiale pour débloquer de nouvelles possibilités, et pas uniquement pour « la mettre dans la boîte ».

L’exemple de Liverpool

Au football, il y a donc beaucoup mieux à faire concernant les touches. Certains l’ont compris et y trouvent une excellente réussite : c’est le cas du Liverpool FC. Oui, les Reds sont arrivés sur le toit de l’Europe grâce à un entraîneur exceptionnel, grâce à une gestion exemplaire, grâce à des joueurs hors-normes et grâce à des supporters transcendants. Mais un élément plus étonnant les élève encore davantage au-dessus des autres : leur maîtrise des touches.

Au terme de la saison 2017-2018, Liverpool est la pire équipe de Premier League à la statistique de conservation des touches. Seules 45% de leurs touches sous pression adverse atteignent un partenaire. Jürgen Klopp fait alors directement appel à Thomas Gronnemark, spécialiste et recordman danois de touches footballistiques, en poste en tant qu’entraîneur de touches au FC Midtjylland, un des meilleurs clubs danois.

Son travail aura un grand impact sur les Reds lors des saisons suivantes. Des 45% de la statistique ci-dessus, Liverpool passe à 68% et devient ainsi la deuxième meilleure équipe d’Europe dans le domaine, derrière… le FC Midtjylland. Le club troque sa quatrième place en Premier League contre une deuxième place aux allures de champion. Championnat qu’il gagnera selon toute vraisemblance cette saison. Un panier bien garni auquel on ajoute la victoire en Ligue des Champions et qui doit sa réussite, entre autres maturation de l’effectif et perfection du style de jeu, à une attention toute particulière aux touches.

Voilà un domaine plus inattendu dans lequel Klopp aura (encore) su être plus moderne que le reste. Qu’attendent les autres clubs pour développer ce pan footballistique ?

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"Le joueur de football est l'interprète privilégié des rêves et sentiments de milliers de personnes." César Luis Menotti.