En fin de semaine dernière, après une énième médiocre performance des Gunners pour conclure un mois sans victoire, les dirigeants d’Arsenal imitent leurs voisins du nord de Londres et remercient à leur tour leur entraîneur, Unai Emery.

Le renouveau tant attendu

Après plus de vingt ans sous les ordres d’Arsène Wenger et une lassitude plus qu’installée durant les dernières années, Arsenal nomme, été 2018, l’ancien entraîneur du Paris Saint-Germain, Unai Emery. Le Basque arrive à Londres dans un club ayant déjà pris l’élan et ne demandant plus qu’à sauter pour retrouver sa lueur d’antan. Et les débuts sont encourageants.

Malgré deux défaites d’entrée – contre Chelsea et Manchester City –, les Gunners enchaînent par la suite vingt-deux matchs sans défaite toutes compétitions confondues. Surtout, Emery dit aux gens ce qu’ils veulent entendre. Les mots « contrôle » et « pressing » sont souvent prononcés et appliqués. Si cette excellente série doit remercier un léger cas de surperformance, il est déjà rassurant de voir les résultats venir. Les Gooners s’autorisent à penser que la manière viendrait.

Pepe Citron

La fin de saison fut beaucoup moins rose puisque la défaite piteuse à Baku face aux rivaux de Chelsea en finale d’Europa League reste en travers de la gorge. Rendez-vous qui était d’autant plus important que l’accession à la Ligue des Champions via le championnat fut honteusement balancée. Néanmoins, les fans se prêtent à de nouvelles ambitions. En effet, lors du mercato estival, leur club débarque Nicolas Pepe depuis Lille pour quelques 80 millions d’euros. De quoi former un trio, avec Alexandre Lacazette et Pierre-Emerick Aubameyang, capable, pourquoi pas à terme, de concurrencer la triplette de Liverpool.

Seulement voilà, non seulement la venue Nicolas Pepe était l’arbre qui cachait la forêt du chantier défensif aux fondations plus que bancales, mais l’international ivoirien n’a en plus été aligné avec ses deux compères qu’à deux reprises. C’était effectivement le casse-tête d’Unai Emery. Comment aligner Lacazette et Aubameyang en pointe, leur position préférentielle, et à la fois Pepe sur l’aile et Özil en meneur ? Jamais les quatre talents offensifs n’ont débuté un match ensemble. Ce qui est assez fou quand on voit le nombre de dispositifs différents utilisés par le technicien basque. Et vu la situation financière d’Arsenal, il est assez dérangeant d’avoir un banc à 80 millions d’euros.

Rendez-vous manqué

Si Arsenal ne jouait pas toujours bien la saison passée, l’équipe semblait assez souvent se rappeler des premières conférences de presse d’Emery. De l’époque où il voulait être le protagoniste du jeu. De l’époque où le pressing haut était censé primer. Or, cette saison, c’est tout le contraire. Arsenal défend beaucoup plus que prévu, et plus que la moyenne du championnat, dans sa moitié de terrain. En cause, la signature en catastrophe de David Luiz pour remplacer Laurent Koscielny. Le départ et le déclin du capitaine se faisaient ressentir, mais Arsenal aura attendu le Deadline Day pour soumettre son offre. Quoi qu’il en soit et, dans l’absolu, quel que soit le niveau de David Luiz, cela occasionne une ligne défensive plus basse et un pressing, donc, moins haut.

C’est aussi un choix tactique qui peut se comprendre. En attendant plus bas, on souhaite contraindre l’adversaire à des occasions de piètre qualité. Mais encore faudrait-il que la défense d’Arsenal soit synonyme de sérénité et de fiabilité. Ce n’est évidemment pas le cas. En conséquence, un nombre de tirs concédés incroyablement élevé. Bernd Leno a déjà fait face à 233 frappes cette saison. Pour relativiser, le champion Manchester City en concédait 238 en 2018-2019. Nous sommes en décembre. En outre, défendre bas, c’est défendre sous davantage de pression car la moindre faute est sévèrement punie. Appliquée à des défenseurs déjà pas particulièrement rassurants, le nombre d’erreurs défensives est donc très élevé. Et aussi bon puisse être Bernd Leno – il sauve un nombre incalculable de matchs, rien que celui du week-end dernier, et est le portier effectuant le plus d’arrêts en Premier League – cela ne peut pas être viable.

Balles à blanc

Certes, alors Arsenal doit marquer beaucoup de buts, me diriez-vous. Ce à quoi on vous répondrait que pas tant que ça, moins que Burnley ou Aston Villa, par exemple. Tout simplement parce que la production offensive est en grande partie liée à la qualité défensive. Les statistiques d’Arsenal sont en adéquation avec le ventre mou anglais, et un rapide coup d’œil aux expected goals nous confirme que ce n’est pas une anomalie. Dixième entre Everton et Brighton, la puissance de feu des Gunners souffre d’une mauvaise sortie de balle. Alors que la relance courte et au sol était une promesse d’Emery, le joueur le plus créatif d’Arsenal se trouve être… David Luiz, sur des longs ballons. Pour cause, le coach n’a jamais trouvé son milieu type. En dehors de Matteo Guendouzi, aucun n’est un titulaire indiscutable, ce qui saborde la création d’automatismes.

Nous vous en parlions en fin de saison dernière, la flexibilité d’Emery était pour le moment une force mais pouvait causer sa perte. Ainsi, la philosophie du Basque s’est vite perdue dans son désir de s’adapter complètement à chaque adversaire. Or, un club comme Arsenal ne devrait pas voir son jeu dicté par l’opposition. Les supporters se plaignaient d’un Wenger trop dogmatique, ils ont reçu un Emery trop versatile. Arsenal s’adapte mais ne domine jamais. Comme la construction courte à ras de terre depuis l’arrière, le pressing aussi a été abandonné. Dans ces conditions, difficile, en tant que joueur, de croire en un entraîneur qui semble ne pas croire en ses idées.

Assistance sociale

Une fois n’est pas coutume, le règne Emery a été déstabilisé par son management. En effet, la gestion individuelle lui a encore fait défaut. Comme avec Neymar, Thiago Silva, Blaise Matuidi ou Hatem Ben Arfa durant sa précédente pige à Paris, Emery a perdu la confiance de plusieurs joueurs au court de son mandat. À commencer par Aaron Ramsey. En instance de prolongation à l’arrivée de l’entraîneur espagnol, le Gallois décide finalement de partir au terme de son contrat en l’absence de garantie sur les plans tactiques et à long terme d’Emery à son propos. Mesut Özil aurait aussi à se plaindre. Critiqué pour ses performances, il enchaîne titularisations, bancs et non-convocations sans grande cohérence.

Nous pourrions aussi parler de la confiance perdue de son capitaine Koscielny ou de l’insistance injustifiée avec le médiocre Mustafi, qui aura coûté nombre de points. Mais un épisode plus global a fait tiquer les dirigeants : celui du mercato hivernal 2019. Alors que les blessures s’accumulent et que les négociations avec Yannick Carrasco et Ivan Perišić sont en bonne voie, Unai Emery choisit de ne pas investir et fait venir Denis Suarez en prêt. Quatre petits matchs disputés pour l’Espagnol, et la Ligue des Champions envolée pour les Gunners à cause d’une trop faible profondeur de banc. L’échec est grand. Mais bonne nouvelle, l’argent économisé cet hiver-là est parti… sur l’ailier à 80 millions d’euros qui reste sur le banc.

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