L’essence même du football est de marquer des buts et Zdeněk Zeman n’a pas manqué, tout au long de sa carrière, d’y mettre un point d’orgue. Histoire de l’un des coachs les plus charismatiques de la Serie A.
Loin d’être prédestiné
Né et élevé à Prague, Zeman n’a jamais atteint le niveau professionnel en tant que joueur de football, mais en tant que joueur de volleyball, handball et même de hockey sur glace. Il découvre l’Italie par son oncle, ancien double champion d’Italie avec la Juventus et qui s’attèle à devenir entraîneur, qu’il rejoint en Sicile l’été de 1968. Des vacances dont il ne reviendra pas, puisqu’entre temps, la l’URSS envahit la Tchécoslovaquie sous le pacte de Varsovie. Zdeněk Zeman se voit offrir, quelques diplômes et expériences amateures plus tard, un poste d’entraîneur dans les sections jeunes palermitaines. En 1979, il obtient sa licence de coach professionnel, dans la même promotion qu’un certain Aririgo Sacchi. Sa carrière peut débuter.
Licata sera son premier point de chute en tant qu’entraîneur principal en 1984. Dès lors, les principes de sa philosophie qui définiront sa carrière sont palpables : un rôle clef confié à la jeunesse et un amour pour le football offensif. Un an après son arrivée, Zeman mène le club au titre de Serie C2. Et ce, avec plusieurs jeunes promus du centre de formation et en marquant 58 buts en 34 matchs. Il quitte Licata en 1986 pour rejoindre Foggia, avant de remplacer Sacchi à Palerme une saison plus tard. D’où il fut viré, pour rebondir à Messina avant de retourner à Foggia. Nous sommes en 1989, et Zeman s’apprête à forger sa légende.
Philosophie gagnante
Foggia est alors un club de Serie C aux fans comblés. Du point de vue des résultats d’abord, avec une montée jusqu’en Serie A sur une fourchette de 5 ans, mais surtout un festival footballistique. 67 buts en 34 matchs pour sa première saison en Serie B en 1991 qui se solde donc par un titre de champion, le second trophée de sa carrière. Son idéalisme offensif n’a bien sûr pas quitté Foggia en même temps que la montée en Serie A. Zeman a continué d’appliquer ses principes, avec un bon succès compte tenu des moyens limités du club. En quête d’un plus grand club, il rejoint la Lazio en 1994.
Avec la même philosophie, il fait monter la Lazio sur les deuxième et troisième marches du podium pour ses deux premières saisons. Toujours aussi offensif, il totalise 69 et 66 buts. Toujours aussi axé sur la jeunesse, il lance Alessandro Nesta. Puis il quitte la Lazio pour l’autre club de la capitale, la Roma, non sans provoquer la colère des tifosi. On créditera à Zeman l’explosion de Francesco Totti dans le rôle d’attaquant ainsi que sa percée dans le club en prenant le numéro 10 et le capitanat. L’international italien entretient d’ailleurs une excellente relation avec Zeman.
« Zdeněk Zeman est un entraîneur et une personne prépondérante dans ma croissance professionnelle et personnelle. » Francesco Totti, 2013.
En outre, la Roma renoue avec l’Europe sous le mandat de Zeman. Cependant, on retiendra davantage de son passage chez les Giallorossi la controverse autour des ses accusations de dopage à l’encontre de la Juventus. Si la justice lui donne raison en envoyant le médecin des Bianconeri derrière les barreaux, sa cote de popularité baisse fortement et les grands clubs d’Italie ne veulent plus de lui.
Ses principes avant sa carrière
Zeman s’ »exile » donc en Turquie au sein de Fenerbahçe en 1999. Jusque-là, la méthode Zeman a offert de plutôt bons résultats et de manière plutôt stable, mais c’est à partir de ce moment-là que tout va se détériorer. Il faut dire que la défense et le résultat ne sont pas la priorité de Zeman, qui préfère perdre 4-5 que tenir un 0-0 : « au moins on s’amuse », dit-il. Son historique de clubs le prouve d’ailleurs, il est assez dogmatique pour ne pas avoir peur du licenciement. Naples, la Salernitana, Avellino, Lecce, Brescia, à nouveau Lecce et l’Étoile Rouge de Belgrade se succèdent sur son CV entre 2000 et 2010. C’est alors à l’été 2010 qu’il fait son retour à Foggia, pour le plus grand bonheur des supporters.
Ils sont 3000 à se précipiter sur les guichets d’abonnement le jour de l’officialisation du retour de Zdeněk Zeman. À titre de comparaison, l’affluence moyenne de tous les clubs, Foggia à part, est de 2500 personnes. Malheureusement, les performances n’ont pas suivi l’engouement. Bien que l’équipe marque 67 buts, record toujours à battre, la mauvaise défense leur porte préjudice et ne parvient pas à les hisser plus haut que la sixième place. Zeman quitte Foggia pour une pige à Pescara où il remporte le dernier trophée de sa carrière, un titre de Serie B, grâce aux performances de Ciro Immobile. Puis, il retourne à la Roma, plus par coup de com’ de la direction que par projet sportif, mais est remercié en février malgré un total final de 71 buts (autant que la Juve championne). Enfin, de brefs passages à Cagliari, Lugano et au Delfino Pescara complètent son CV.
Une méthode unique
Sans aucun titre majeur ni aucune coupe, Zdeněk Zeman signe finalement une carrière rocambolesque mais assez mitigée. Que fait donc son prestige ? Sa méthode très particulière, bien sûr ! Si son 4-3-3 apparaît comme assez classique, son déploiement en match déjoue toute convention. Les latéraux montent très haut, à la manière des pistions d’un 3-4-3 sauf qu’il n’y a que deux centraux ici, pour laisser les ailiers perforer la surface adverse ; et ses milieux relayeurs suivent l’attaque à la manière des attaquants intérieurs des 2-3-5 d’antan. Voilà donc une manière bien radicale d’apporter le surnombre dans la défense adverse.
Défensivement, Zeman apporte également sa touche personnelle. Son bloc est dans un premier temps médian voire même plutôt bas. Puis, d’un coup, la consigne est donnée de presser : le bloc monte très haut tel un seul homme et les joueurs concernés encerclent agressivement le porteur de balle pour la récupérer. Une telle tactique nécessite de fait une condition physique irréprochable de la part de tous les joueurs. Et Zdeněk Zeman s’est en effet fait connaître pour ses harassantes et punitives sessions d’entraînement. Évidemment, un pressing si extrême n’est pas sans risque, surtout quand la qualité individuelle des joueurs ne suit pas. Ainsi, les équipes de Zeman se montrent très facilement prenables sur les ailes, que ce soit à la fin d’un pressing manqué ou lors d’une contre-attaque, les latéraux étant devenus ailiers.
Beau perdant
Mais c’est surtout une philosophie qui définit Zeman. À l’heure où le catenaccio et la solidité défensive primaient partout en Italie, Zeman faisait presque rappeler le football total. Sa faim insatiable de buts atteint son paroxysme lors de la défaite 2-8 de son Foggia contre le Milan. Alors qu’il tenait tranquillement le match 2-1 à la mi-temps et que la tendance de l’époque aurait appelé à abaisser son bloc et défendre, ses hommes n’ont jamais cessé d’attaquer. Ils n’ont néanmoins pas eu le succès escompté, et ont permis au Milan d’inscrire sept buts en seconde période.
Novateur, Zdeněk Zeman n’a pas eu une grande et glorieuse carrière. Mais son anticonformisme radical et sa passion du but ont apporté quelque chose de différent au football italien, et au football, tout simplement.