Suite à l’envahissement de l’Allemagne Nazie en Pologne le 1er septembre 1939, la Coupe du Monde de Football 1942, la quatrième du nom fut tout simplement annulée. Pourtant, elle aurait bien dû exister. Après le sacre de l’Uruguay en 1930 et les deux sacres corrompus de l’Italie en 1934 et 1938, qui aurait remporté cette fameuse Coupe du Monde 1942 ?

Qui participe, et où l’organiser ?

Le lieu

Pour cette Coupe du Monde 1942, il y avait en réalité trois candidats. L’Allemagne, le Brésil, puis l’Argentine un peu plus tard. Le comité d’organisation de la FIFA met beaucoup de temps à se décider, plusieurs congrès sont organisés pour en débattre. D’un côté l’Allemagne veut interdire la participation de joueurs professionnels, pour des soucis d’équité. De l’autre, une Coupe du Monde au Brésil pourrait repousser bon nombre de pays à participer en raison des coûts de déplacements.

Le Brésil et l’Argentine réclament cependant que la compétition soit organisée en Amérique du Sud puisque cela faisait deux éditions qu’elle avait lieue en Europe (Italie et France). La Coupe du Monde 1950 eut lieu au Brésil. Nous pouvons donc penser qu’elle aurait eue lieue là-bas si l’édition 1942 avait eu lieu. C’est décidé, le Trophée Jules Rimet va à Rio !

Les équipes participantes

Miracle ! Comme l’Uruguay en 1930, le Brésil décide de payer le voyage et l’hôtel à l’ensemble des équipes participantes ! Ainsi, aucune équipe refuse ce privilège, contrairement à ce qui était craint par la FIFA.

Ainsi, seize équipes participent à la compétition. Pour la zone Amérique du Sud, le Brésil, pays hôte, est automatiquement qualifié. L’Argentine, l’Uruguay, le Paraguay et le Chili s’emparent des quatre places restantes. En ce qui concerne la zone Europe, huit places sont disponibles. L’Italie est automatiquement qualifiée en tant que championne en titre. La Suède, la Yougoslavie, la Hongrie, l’Autriche, la France, la Suisse et les Pays-Bas sont également qualifiés. L’Allemagne n’a pas souhaitée participer en raison de la présence de joueurs professionnels. Les États-Unis et le Mexique se sont quant à eux facilement emparés des deux seules places disponible en Amérique du Nord.

Enfin, seul quatre équipes asiatiques et africaines se sont portés candidates pour participer à la compétition : les Indes Néerlandaises Orientales et la Chine pour l’Asie ainsi que la Palestine Mandataire et l’Egypte pour l’Afrique. Les deux équipes de chaque continent s’affrontent donc chacune entre-elle avant un match de barrage inter-continent. Alors que l’Egypte écarte sans problème la Palestine Mandataire, les Indes Néerlandaises Orientales recréent l’exploit de 1938 ! La Chine déclare forfait comme la Japon l’avait fait quatre ans plus tôt, permettant ainsi à la sélection de se qualifier pour les barrages, où ils sont cependant éliminés contre l’Egypte. Nous avons donc nos seize qualifiés !

  • Huit sélections européennes : l’Italie, la Suède, la Yougoslavie, la Hongrie, l’Autriche, la France, la Suisse et les Pays-Bas
  • Cinq sélections sud-américaines : le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, le Paraguay et le Chili
  • Deux sélections d’Amérique du Nord, Centrale et Caraïbes : les États-Unis et le Mexique
  • Une sélection d’Afrique-Asie : l’Egypte
L’Italie, orpheline de Vittorio Pozzo, va t’elle réussir a garder son trophée une troisième fois ? (Crédit Photo ; La Croix)

Le tournoi

Les phases de groupes

Le tirage au sort des phases de groupe nous réserve d’ores et déjà bien des surprises, et de très belles affiches !

Le Groupe A est composé du Brésil, des Pays-Bas, du Mexique et de la Suède. Le B de l’Argentine, l’Autriche, les Etats-Unis et la Suisse. Le groupe C, celui des Bleus rassemble la Hongrie le Chili, le Paraguay et ainsi la France. Enfin, le groupe D est composé des vainqueurs des trois premières Coupe du Monde : l’Italie, l’Uruguay, la Yougoslavie et l’Egypte.

Ainsi, nous aurons un duel entre les deux vainqueurs de trois premières Coupe du Monde dès les phases de groupe avec cet Italie – Uruguay. La France hérite de l’imprévisible Hongrie tandis que l’Autriche devra notamment faire face aux redoutables Argentins.

Groupe A

Le Brésil hérite d’un groupe plus qu’abordable et domine son groupe. Emmené par Leonidas, petit prodige de Flamengo, la Selecao n’a jamais tremblée : 5-0 contre le Mexique, 2-0 contre la Suède et enfin 3-1 contre les Pays-Bas. Le reste du groupe est davantage équilibré. La Suède et les Pays-Bas ne parviennent pas à se départager. Au terme d’un match animé, Erik Persson a répondu à l’ouverture du score batave de Daaf Drok. Tout s’est donc joué lors des matchs contre le Mexique, équipe la plus faible du groupe. Et à ce petit jeu là, ce sont les Bataves qui ont gagnés. Vainqueur 3-0 contre 1-0 pour la Suède, les Pays-Bas sont qualifiés avec le Brésil.

Groupe B

Huit ans après l’âge d’or de la Wunderteam d’Hugo Meisl et Mathias Sindelar, l’Autriche va-t-elle parvenir à recréer l’exploit ? C’est en tout cas bien ce qui y ressemble. Les autrichiens accrochent l’Argentine dès le premier match (0-0), avant de craquer lors du deuxième match contre ses voisins suisses, la faute notamment à un André Abegglen en feu. Le mythique attaquant suisse, âgé de 32 ans parvient à inscrire un doublé pour qualifier officiellement son équipe, qui s’est imposée face aux Etats-Unis quelques jours plus tôt (3-0). Lors de l’ultime journée, l’Argentine parvient à prendre le dessus sur des Suisses à bout de force et s’emparent de la première place à la différence de but grâce à leur victoire contre les Etats-Unis (5-1). Malgré leur victoire contre ces mêmes américains (2-1), cela ne suffit malheureusement pas à l’Autriche, qui est éliminée.

L’attaquant suisse André Abegglen, au sommet de son art (Crédit Photo : Rotweiss)

Groupe C

La France est opposée à la Hongrie, au Paraguay et au Chili dans cette édition 1942. Quatre ans plus tôt, les Bleus ont été sortis par l’Autriche (2-3) en quart de finale. La première journée oppose nos bleus aux hongrois, et cela se passe mal. Cette équipe de Hongrie a quelque chose de spéciale… comme si une génération magique était sur le point d’éclore… Quoi qu’il en soit, les magyars n’ont eu aucune pitié face aux français : victoire 8-2 ! Ce fut un véritable festival de buts, avec notamment un triplé de Gyula Zsengeller, un doublé de Gyorgy Sarosi et des buts de Gyula Lazar, Sandor Biro et enfin Gyula Polgar. Côté Français, c’est Jean Nicolas, attaquant de Rouen et Alfred Aston, buteur du Red Star, qui sauvent l’honneur.

Les Hongrois surclassent le groupe avec deux nouvelles victoires face au Paraguay (3-0) et le Chili (4-1). Ces derniers sont d’ailleurs le second adversaire des bleus. Après une défaite 2-1 contre le Paraguay lors de la première journée, une défaite serait synonyme d’élimination pour les deux équipes. Emmené par Jean Nicolas et un Auguste Jordan bouillant, la France parvient à se défaire du piège Chilien (2-1) et maintient ses espoirs de qualification. Lors de l’ultime journée, un penalty a un quart d’heure de la fin du match viendra offre la qualification aux hommes de Gaston Barreau (1-0).

Groupe D

Dernier groupe de ces phases de poules ! Le groupe D regroupe les deux anciens vainqueurs des trois dernières Coupe du Monde ! N’ayant pas été invitée en 1934 et ayant refusé l’invitation de 1938, l’Uruguay ne participe finalement qu’a la seconde Coupe du Monde de son histoire. Le match contre l’Italie arrive lors de la troisième et dernière journée. Avant cela, l’Uruguay montre sa force offensive contre les pauvre égyptiens (7-0) puis la Yougoslavie (5-2). L’Italie fait tout aussi bien, 3-0 contre la Yougoslavie et 5-0 contre l’Egypte. Tous deux déjà qualifiés, l’enjeu est donc la première place du groupe.

Au terme d’un match d’anthologie, l’Uruguay s’impose 3-2 contre les Italiens et s’emparent de la première place du groupe. Mené 0-2 à la pause grâce à des buts de l’inévitable Giuseppe Meazza et de Giovanni Ferrari, les Uruguay ont donc réalisé une « remontada ». Les sud-américains réduisent le score grâce à un but de Schubert Gambetta, pourtant défenseur. La reste appartient à l’histoire. Ou au moins aurait dû. Alors peu connu à l’époque, le mythique Obdulio Varela s’offre un doublé en une vingtaine de minutes et offre la victoire à son équipe. El Jefe Negro a encore frappé. Enfin, le dernier match entre la Yougoslavie et l’Egypte est plutôt anecdotique. Les yougoslaves sauvent l’honneur avec une large victoire (6-1).

Voici ainsi le classement à l’issue des phases de groupes. La Suède passe à la trappe en raison du moins bonne différence de but.

La phase finale

Quarts de finale

Nous avons nos huit qualifiés pour les quarts de finales de cette Coupe du Monde 1942 ! Le Brésil, les Pays-Bas, l’Uruguay, l’Italie, la Hongrie, la France, l’Argentine et enfin la Suisse. Ainsi, pour les quarts de finale, le premier du groupe A affronte le deuxième du groupe B et le deuxième du groupe A affronte le premier du groupe B. De même pour les groupes C et D.

Ainsi, les affiches des quarts de finales sont plutôt alléchantes :

  • Brésil – Suisse / Argentine – Pays-Bas / Hongrie – Italie / Uruguay – France

Premier quart de finale à être disputé, le Brésil ne fait qu’une bouchée de la Suisse. Grâce à un double de Patesko et un triplé de l’incontournable Leonidas, meilleur buteur de la compétition, le Brésil s’impose 5-0 et se qualifie dans le dernier carré de la compétition.

Les Pays-Bas offrent un jeu plus égal que celui du Brésil. L’Argentine peine à imposer son jeu dans un Maracana qui tient probablement davantage contre l’Albiceleste qu’en faveur des bataves. Malheureusement pour eux, c’est bien les argentins qui vont venir s’imposer au bout du suspense après une rencontre très fermé (1-0). Juan Alberto Estrada est l’unique buteur de la rencontre.

Le match le plus attendu est sans aucun doute ce Hongrie-Italie, remake de la dernière Coupe du Monde 1938. Sans corruption, l’Italie parviendra t’elle à s’imposer de nouveau ? Les Italiens ouvrent rapidement le score grâce à Perazzolo et dominent la rencontre. Toutefois, comme précisé plus tôt, ces magyars semblent avoir quelque chose de magique… Ils n’abandonnent jamais et parviennent à inscrire trois buts au retour des vestiaires, signés Sarosi, Zsengeller et Lazar. L’Italie prend un coup de massue et le but de Meazza en toute fin de rencontre ne changera rien, les hongrois s’imposent et se qualifient dans le dernier carré.

L’Equipe de France, prête à écrire son histoire face à l’Uruguay. (Crédit Photo : FFF)

Enfin, dernière affiche, celle opposant nos bleus à l’Uruguay. La France démarre parfaitement la rencontre avec l’ouverture du score d’Edmond Delfour au quart d’heure de jeu. Les Uruguayens poussent mais ne parviennent pas à concrétiser. Toutefois, le tournant du match a lieu à dix minutes de la fin du match. Le gardien de l’Olympique Lillois Julien Darui sort prendre le ballon sur Schubert Gambetta ce dernier le percute de plein fouet, et le portier s’écroule sur la pelouse du Maracana. Tous le monde l’a vu, tous, même l’arbitre, qui sort le joueur – à défaut d’un carton rouge, qui n’existe pas encore – en toute logique lors d’un choc d’une telle puissance. Il faudrait être incompétent (ou corrompu) pour ne pas sanctionner cette faute.

Toutefois, Julien Darui perd connaissance et ne peut reprendre le match. Nous sommes en 1942, les changements sont interdits. Pas le choix, c’est François Bourbotte, défenseur au SC Fives qui garde les cages pour les dix dernières minutes. Malheureusement, les uruguayens font pleuvoir les frappes et Lorenzo Fernandez parvient à égaliser dans le temps additionnel. Les Bleus s’inclinent aux tirs-au-but. C’est cruel, mais sans gardien de but, les français ne pouvaient rien faire. Dire qu’il faudra attendre vingt-quatre ans de plus pour pouvoir autoriser les changements…

Demi-finale

Nous avons donc nos quatre demi-finalistes pour cette Coupe du Monde 1942 ! Le Brésil, pays hôte est toujours en lice, tout comme deux autres pays sudaméricains : l’Argentine et l’Uruguay. La Hongrie est le seul représentant européen.

Ainsi, cette demi-finale oppose toujours les groupes A au groupe B et le C au groupe D. Le Brésil affronte donc l’Argentine pour un choc au sommet tandis que la Hongrie tentera de se défaire de l’Uruguay.

Brésil – Argentine, le choc des rivaux éternels. Deux sélections cherchant leur première étoile. Les Brésiliens sont confiants, ils ont dominé cette Coupe du Monde. C’est leur édition. Leonidas ouvre le score peu avant la pause, et est sur le point d’entrer dans l’histoire du pays. Toutefois, les argentins n’ont pas dit leur dernier mot. Le jeune et rapide Mario Evaristo dribble la défense de la Selecao et parvient à égaliser. L’Albiceleste est plus que jamais dans la partie. Alors qu’on se dirige vers les prolongations, Herminio Masantonio surgit de nulle part et vient placer une tête qui vient foudroyer tout un stade, tout un pays. Le meilleur buteur de l’histoire d’Huracan a frappé. Le Brésil est à terre, l’Albiceleste est aux cieux. L’Argentine crée l’exploit et se qualifie en finale.

Leonidas s’envole, le Brésil est à terre. (Crédit Photo : Clarin)

L’Uruguay a donc la possibilité d’affronter sa voisine, l’Argentine, un choc entre Celeste en finale de Coupe du Monde. Pour cela, il faut réussir à prendre le dessus sur la Hongrie. Les Hongrois, des vrais guerriers, ne lâchent rien, sous aucun prétexte. Et l’Uruguay va en faire les frais. Sans Schubert Gambetta, leur défenseur principal, la Celeste sombre. Zsengeller, Szalay et Lazar donnent un avantage de trois buts déjà à la Mi-Temps ! L’Uruguay ne reviendra jamais, pire encore, Gyorgy Sarosi y va de son doublé et inflige un 5-0 à l’Uruguay en demi-finale de Coupe du Monde, c’est une leçon de football. Les hongrois ont vengé les faucheurs de sélections européennes. Les magyars sont de nouveau en finale de Coupe du Monde.

La finale

Nous sommes le 15 Juillet 1942, le Maracana est bouillant et plein pour cette finale de Coupe du Monde. L’ensemble des brésiliens présents soutiennent évidemment les Hongrois. Auteurs d’une compétition sensationnelle, les magyars rêvent de l’étoile, tous comme les Argentins. Cette édition 1942 récompensera forcément une nouvelle équipe, puisque l’Italie et l’Uruguay sont tombés.

Les deux équipes livrent jeu égal à la pause, mais c’est l’Argentine qui ouvre rapidement le score au retour des vestiaires. C’est à nouveau le sauveur des demi-finales, Herminio Masantonio qui permet de délivrer tout un peuple. Cependant, la Hongrie n’a pas dit son dernier mot et les magyars égalisent dans la foulée grâce à Zsengeller, qui devient meilleur buteur du tournoi devant Leonidas. Les deux équipes sont de nouveau dos à dos. Plus pour longtemps, à l’issue d’un raid solitaire, le capitaine Gyorgy Sarosi décroche une frappe somptueuse, qui vient heurter le poteau. Gyula Lazar avait merveilleusement bien suivit et, d’une demi-volée qui restera dans l’histoire, donne l’avantage à son équipe à dix minutes de la fin.

Les argentins poussent, la pression se ressent, mais les trois coups de sifflets finaux retentissent dans le Maracana. La Hongrie l’a fait. Ils ont remporté la Coupe du Monde et ont accomplit un exploit exceptionnel. Grâce à un sens du collectif incroyable, les hongrois ont déjoués tous les pièges et prennent leur revanche sur 1938.

Gyula Zsengeller, meilleur buteur de la compétition, porté en liesse après la victoire finale (Crédit : The Guardian)

Ces Magyars sont magiques, une génération incroyable qui semble jeter les prémices d’une période d’or. La clé de la victoire des Hongrois réside peut-être dans le fait qu’ils évoluaient dans un WM légèrement moins rigide que celui des autres équipes. Ce qui est sûr, c’est que l’entraîneur adjoint des magyars, un certain Gustav Sebes, était parfois beaucoup plus actif que l’entraîneur principal ! A se demander si ce n’était pas lui l’entraîneur. Peut-être le successeur de Karoly Dietz… ?

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