Après s’être intéressé au génie tactique d’Arrigo Sacchi, c’est un autre entraîneur italien que nous allons présenter aujourd’hui. Vittorio Pozzo est l’un des plus grands entraîneurs de l’histoire du football. Il mena la sélection italienne à la gloire dans les années 1930. Surnommé « le vieux maître », il est le seul entraîneur à avoir remporté la Coupe du Monde à deux reprises. Retour sur le premier coach de l’histoire de la sélection Italienne.

Une expertise du football rarement vu à l’époque

Vittorio Pozzo est né le 2 mars 1886 à Turin, en Italie. Sa famille lui enseigne l’éthique du travail et la discipline. Ils rêvent de voir leur fils faire de grandes études. Vittorio se passionne ainsi pour les langues, mais également pour le football. A la fin du XIXe siècle, les premiers clubs Italiens voient le jour. Gênes en 1893, puis Udinese (1896), la Juventus (1897) et l’AC Milan (1899) ont suivi.

Pozzo commence des études de langues, et part en voyage à Manchester. Lors de ce voyage il rencontre Charlie Roberts, joueur de Manchester United, et Steve Bloomer, joueur de Derby County. Nous entrons dans le vingtième siècle, et ces deux personnes ont changé le destin de Vittorio Pozzo. Après de nombreuses discussions, l’Italien en apprend plus sur le football, dans le pays qui a vu naître ce sport. Il développe de grandes connaissances dans le football tel qu’on le connaissait à l’époque. Les Anglais sont à l’époque les maîtres de cette discipline. Ils sont les premiers à développer des modules tactiques et à faire du football une activité professionnelle.

A partir de ce moment, Vittorio Pozzo décide de lier ses études de langue avec sa passion pour le football. Il s’envole pour Zurich et s’engage avec le Grasshoppers en tant que joueur. Après une saison passée au club, il rentre à Turin. En effet, en 1906, le bruit court qu’un nouveau club pourrait voir le jour à Turin : le Torino FC. Pozzo rejoint le club dès sa création et y reste durant cinq saisons, jusqu’en 1911.

Une reconversion et une ascension rapide

S’il prend sa retraite de joueur à seulement vingt-cinq ans, Pozzo reste bien dans le monde du football. Son expertise du football commence à se faire savoir en Italie, et le Torino l’engage en tant que directeur sportif en 1912. Toutefois, il est contraint d’exercer un autre travail à côté, car le football n’est pas encore professionnel en Italie. Il est donc parallèlement responsable du bureau de propagande de Pirelli.

En 1912, « Le Vieux Maître » est appelé à la tête de la sélection Italienne afin de disputer les Jeux Olympiques à Stockholm. L’Italie est malheureusement éliminée dès le premier par la Finlande après prolongation. Pozzo quitte son poste et reprend sa double casquette au Torino et chez Pirelli.

Une restructuration totale du football Italien après la première guerre mondiale

En 1916, les compétitions de football s’arrêtent à cause de la première guerre mondiale. Les joueurs sont sur le front, Vittorio Pozzo doit également prendre les armes. Il est engagé en tant que lieutenant dans les troupes alpines. Durant cette période, Pozzo renforce son sens du patriotisme.

Après la première guerre mondiale, l’Italie entame une restructuration totale de ses ligues. Cependant, en 1921, des tensions émergent entre les grosses écuries italiennes et les clubs plus modestes. L’Association du Football Italien le charge d’apaiser ces tensions. Le fait est qu’il y a un trop grand nombres d’équipes pour faire un championnat. Les petites équipes refusent d’être traitées différemment des grosses et d’être ainsi placés en seconde division, par peur d’être amenée à disparaître.

Pozzo échoue dans son rôle de médiateur et on assiste ainsi à la scission de la Fédération Italienne de Football. Cela entraîne la création de la CCI : la Confederazione Calcistica Italiana, qui créa donc son propre championnat. Cela ne durera qu’une saison avant que la Fédération Italienne de Football ne s’unisse à nouveau. Pour l’anecdote, c’est le club de Pro Vercelli qui remporta ce championnat unique, en 1922. Lors de cette même année, Pozzo démissionne de son poste au Torino qu’il occupait depuis dix ans.

Une nouvelle période difficile

En 1924, Vittorio Pozzo est une nouvelle fois appelé à la tête de la sélection Italienne afin de disputer les Jeux Olympique de 1924 à Paris. « Le Vieux Maitre » fait mieux que la première fois et parvient à atteindre les quarts de finale, chutant contre la Suisse. Il démissionne à la fin de la compétition avant de quitter également son emploi chez Pirelli. Sa femme étant gravement malade, il quitte Turin pour Milan dans l’espoir que quelqu’un puisse la soigner. Malheureusement, cela ne suffira pas, Vittorio Pozzo, endeuillé, décide de ne pas retourner à Turin. Il est nommé à la tête de l’AC Milan en 1924. Il finit huitième lors de sa première saison. La seconde saison est catastrophique. Pozzo est renvoyé après cinq matchs, après avoir concédé quatre défaites dont un cinglant 5-0 contre la Juventus de Turin.

La révolution tactique de Pozzo

En 1928, c’est sans Pozzo que l’Italie remporte la médaille de bronze aux Jeux Olympiques d’Amsterdam. Il est cependant une nouvelle fois nommé à la tête de la sélection un an plus tard. L’Italie est dominé par le régime fasciste de Benito Mussolini, et les ambitions sont beaucoup plus élevées que lors des précédents passages du vieux maître. L’Italie doit rayonner et montrer au monde entier sa puissance.

La rigueur imposée par Pozzo à l’entrainement se traduit également par l’arrangement tactique sur le terrain. L’Italien créé en compagnie de son ami et son rival Hugo Meisl (entraineur de l’Autriche depuis vingt cinq ans) un nouveau système tactique qu’il appelle « metodo« . Un système de jeu exploité dans un « WW », en opposition au célèbre « WM ». L’équipe est basée sur un jeu collectif, chaque joueur doit respecter sa position sur le terrain. Pozzo dispose donc son équipe en 2-3-2-3, avec deux défenseurs latéraux offensifs, et un joueur se positionnant entre les défenseurs centraux et les milieux axiaux : un milieu relayeur. Cette position, en soit basique, est une révolution dans l’organisation du football Italien. Le placement haut des défenseurs centraux donne plus de soutien aux latéraux, permettant ainsi un jeu fluide et rapide.

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Pozzo et l’Italie sur le toit du monde

Un an après avoir été nommé à la tête de la sélection italienne, Vittorio Pozzo remporte la Coupe Internationale d’Europe Centrale, éliminant notamment l’Autriche de son rival Meisl et la Hongrie en finale sur le score de 5-0. Cette compétition organisée entre 1927 et 1960 voit s’affronter certaines équipes européennes. Les équipes participantes sont l’Italie, Autriche, Tchécoslovaquie, Hongrie et Suisse. Mais l’Italie est plus ambitieuse, ils veulent la Coupe du Monde.

La sélection Italienne n’est pas invitée à la première édition de la Coupe du Monde en 1930, remportée par le pays hôte : l’Uruguay. Cependant, c’est en Italie que se déroule la seconde édition, en 1934. L’Uruguay ne fait pas le déplacement, notamment à cause des coûts de déplacement. Cela arrange bien l’Italie, qui en profite pour ne pas inviter l’Angleterre, jugée trop forte pour concurrencer les autres nations. C’est finalement après un Mondial très controversé que l’Italie s’impose en finale contre la Tchécoslovaquie (2-1). Un an plus tard, en 1935, l’Italie remporte pour la seconde fois la Coupe Internationale d’Europe Centrale, contre l’Autriche de Meisl après l’avoir perdu en 1932… contre l’Autriche de Meisl.

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Pozzo entre dans l’histoire du football

1938 représente l’année de la confirmation pour les Italiens ainsi que pour Vittorio Pozzo. La troisième Coupe du Monde de l’histoire a lieu en France. L’Italie, tenante du titre, est l’équipe à battre. Au premier tour, l’Italie élimine les Norvégiens. C’est face à la France que l’Italie va exceller, éliminant par trois buts à un le pays hôte. Après avoir éliminer le Brésil en demi finale, c’est face à la Hongrie (4-2) que l’Italie glane son deuxième titre mondiale consécutif. Vittorio Pozzo est entré dans l’histoire. Il est le seul entraîneur à avoir remporté à deux reprises la Coupe du Monde.

Lors de cette coupe du monde, une forte tension se ressent à l’aube de la seconde guerre mondiale. En effet, l’Autriche d’Heinrich Retschury est exclue, de même pour l’Allemagne. L’Espagne, quant à elle, ne participe pas suite à la guerre civile qui ravage le pays.

L’Italie quant à elle, possède le statut d’équipe la plus haïe du tournoi. En effet, le fascisme de Mussolini se fait d’autant plus sentir lorsque l’Italie entre sur le terrain vêtu d’une chemise noire lors de leur première rencontre contre la Norvège. De nombreux réfugiés qui ont fuit le régime fasciste de Mussolini se sont installés en France. Ainsi, lors du premier match de l’Italie, près de trois milles réfugiés étaient présents. Sous les huées du stade lors de l’hymne national, Vittorio Pozzo réalise un salut fasciste en face de la tribune présidentielle qui provoque une bronca encore plus forte. Il ordonne alors à tout ses joueurs de faire le salut fasciste, et les huées s’arrêtèrent, tant cela surprend. Pozzo déclare alors une phrase restée mythique : « Donc, nous avons gagné le jeu de l’intimidation. »

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Une légende du football

La seconde guerre mondiale interrompt toutes compétitions jusqu’en 1948. Cette fois ci, Pozzo ne prend pas les armes et rentre à Turin. En 1948, le football reprend ses droits avec les Jeux Olympique de Londres. Cependant, avant même le début de la compétition, Vittorio Pozzo ne semble plus faire l’unanimité. Mussolini étant mort en 1945, l’Italie n’est plus sous l’emprise du fascisme. L’attachement de Pozzo au fascisme, même si celui-ci le nie, dérange. De plus, le système tactique est jugé obsolète. C’est ainsi dans une ambiance assez morose que débutent les Jeux Olympique. L’Italie est éliminée en quart de finale contre le Danemark (5-3). Pozzo démissionne et met un terme à sa carrière d’entraîneur. En 97 rencontres, « le vieux maitre » a obtenu soixante-quatre victoires, dix-sept nuls et seize défaites.

Après avoir mit un terme à sa carrière d’entraîneur, Vittorio Pozzo devient journaliste pour La Stampa. En 1968, il voit la sélection Italienne remporter la troisième édition de l’Euro, à domicile face à la Yougoslavie. Il s’éteint quelques mois plus tard, le 21 décembre 1968 dans sa ville natale de Turin. Le monde du football se doit d’honorer le talent de Vittorio Pozzo, qui aura révolutionner le football moderne.

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