Abou Diaby est un sujet qui attriste. A l’avoir vu tant de fois à terre, tant de fois blessé, tant de fois dans les tribunes, on ne peut s’empêcher de se dire que le football a raté quelque chose. C’est d’autant plus frustrant qu’il avait tout pour lui. Retour sur la carrière inachevée d’un joueur foudroyé par son corps.

De la Seine-Saint-Denis à la Wenger Academy

Arsène Wenger avait dit que ne pas avoir eu l’opportunité de voir le potentiel d’Abou Diaby pleinement s’accomplir était l’une des choses des plus douloureuses de sa carrière. « Je suis très triste, ce garçon a un talent énorme et il ne méritait pas ce qui lui est arrivé. C’est un joueur très sérieux. J’espère qu’il sera récompensé plus tard dans sa carrière ». Ses blessures sont effectivement la première chose à laquelle on pense lorsqu’on évoque son parcours et c’est malheureusement sûrement ce que l’on retiendra d’abord de l‘histoire de ce natif d’Aubervilliers : un talent jamais abouti, une carrière pour toujours gâchée à cause d’un physique tyrannique et d’une cheville de verre.

A l’origine pourtant, on a le tiercé gagnant de tout gosse du 93 qui rêve de foot. D’abord, le Red Star va croiser le chemin du jeune Abou alors âgé de 12 ans. Le PSG le remarque ensuite très vite et c’est donc avec Paris qu’il continue ses classes. Enfin, il affûte ses compétences à l’INF -en même temps qu’un certain Ben Arfa (leur promotion fera d’ailleurs l’objet d’un documentaire de la cultissime série « A la Clairefontaine »  de Bruno Sevaistre). Des suites d’un imbroglio contractuel avec le PSG, c’est finalement avec l’AJ Auxerre de Guy Roux qu’il devient professionnel. Peu après, en 2004-2005, il goûte à l’équipe de France en jeune, enfilant le maillot des U19 puis des Espoirs. Tout est alors réuni pour le voir exploser.

Les émissaires d’Arsenal se mettent logiquement à lorgner sur le joueur. Diaby coche en effet toutes les cases de tonton Arsène qui le recrute à l’hiver 2006 malgré déjà quelques pépins physiques. Jeune, assez physique pour le championnat anglais et excellent joueur de ballon, il est capable de se fondre dans un collectif hyper technique. Le mariage entre les Gunners et Abou apparaît comme l’évidence et l’on se réjouit déjà d’assister à la lune de miel. Mais la suite, on la connaît. En mai 2006, lors d’un match contre les Black Cats de Sunderland, le défenseur Dan Smith brise les chevilles de Diaby et lui impose huit mois de blessure. Conséquence, il loupera ainsi la finale de Ligue des Champions que les siens perdront.

Un talent d’or dans un corps de verre

Là débute une des séries de blessures les plus noires du football moderne. Ligaments croisés, cheville droite, jambe gauche, dos, cuisses … Tout y passe. L’acharnement du sort sur son fragile physique va virer à la cruauté. Courageux, il se bat et se remet. Puis rechute. Puis se remet. Pour rechuter. Ce cercle vicieux se mêle à la peur de la blessure qui s’insinue en lui. Tant et si bien qu’il n’arrivera à jouer une cinquantaine de matchs lors d’une seule saison en carrière. Son dernier match officiel date de 2016 au terme d’un passage anecdotique à l’OM après neuf ans chez les Gunners. Presque 900 jours sont passés depuis ce dernier match et il essaie encore de revenir. Opiniâtre et combattant, il se bat encore quand un paquet de joueurs auraient abandonné.

Douze ans après la blessure de Sunderland, Paul Pogba évoquait encore Diaby comme une inspiration au milieu de terrain au même titre que des joueurs du standing d’Iniesta, de Modric ou de De Bruyne. « Regardez quand il était à Arsenal, il était exceptionnel. C’est un milieu de terrain box-to-box…exceptionnel. On l’a oublié, mais moi je le respecte beaucoup. J’ai beaucoup appris de lui ». Lors de la petite décennie qu’il a passée à Londres, il a côtoyé des joueurs exceptionnels de Ljunberg à Wilshere en passant par Fabregas, Song Rosicky, Arteta ou Nasri. La légende veut que c’était toujours son nom que Wenger inscrivait en premier sur la feuille de match les rares fois où il était en état.

A mi-chemin entre Pat’ Vieira et Yaya Touré, il emprunte au premier sa qualité de passe et de défense et au second sa technique balle au pied et son QI foot. Au milieu, il semblait savoir tout faire. Eliminer ? Pas de problème, sa vitesse et son équilibre l’aidait. Jouer dos au but et se retourner ? Check, sa grande carcasse et ses longs compas protégeaient le ballon et son sens du jeu faisait le reste. Très apprécié en France, il était devenu indispensable pré- et post-Knysna, période pendant laquelle l’équipe de France était plongée dans une chaotique reconstruction, hantée par les fantômes de la génération 1998-2000. Il ne se contente malgré cela que de 16 petites sélections, soit une de plus que Marvin Martin.

Alors, les plus cyniques ont dû se marrer en lisant l’interview dans laquelle Abou Diaby affirmait vouloir revenir en 2019. Les romantiques, eux, ont certainement repensé à ce joueur aussi courageux que talentueux avec, au cœur, une douloureuse petite pointe qui leur dit que Diaby aurait certainement pu être aujourd’hui encore, l’un des meilleurs joueurs de sa génération. Foutu Dan Smith…

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De toute façon, le GOAT, c'est soit Muhammad Ali, soit Bouna Sarr