Environ 4% de la population mondiale serait sujette à l’homosexualité, sans doute plus en comptant les personnes qui ne l’ont pas encore reconnus. Il y aurait ainsi environ 300 millions de personnes qui avouent leur homosexualité. De plus, désormais de nombreux Etats ont autorisé le mariage gay, phénomène initié par les Pays-Bas dès 2001. Tous les grands pays européens le reconnaissent.
Mais comment expliquer alors que si peu de footballeurs se reconnaissent homosexuels ? Selon Anthony Mette, psychologue du sport, il y aurait entre 0 à 2% de footballeurs homosexuels. Nous traiterons de ce problème en en expliquant les causes. Mais nous verrons aussi les avancées auxquelles contribuent les joueurs et les organisations.
« Je pense que ce n’est pas habituel parce que nous faisons les durs et les forts »
Ces propos d’Antoine Griezmann recueillis par le magazine « Icon » soulignent le problème majeur. Le football ne serait pas fait pour les « chochottes », les « tapettes », images auxquelles les homosexuels sont souvent rattachés. Alors deux raisonnements doivent être traités. Expliquer pourquoi les homosexuels ne sont pas des chochottes. Mais aussi se demander pourquoi les footballeurs seraient nécessairement associés à la force. Nous ne traiterons ici que du volet footballistique.
Le football n’est pas un sport pour les homosexuels
Messieurs les homosexuels, rentrez chez vous. Le football est rugueux. Le football est un sport de contact, pas pour les « mauviettes ». « Muscle ton jeu » quémandait Aimé Jacquet à Robert Pirès, montrant le caractère physique de ce sport. Dans le même sens, le football amateur est peuplé de son lot de « bouchers », de « casseurs ». PAS DE PLACE POUR LES FAIBLES. Un tacle de De Jong et c’est la paralysie pour des gens pas adaptés. Non, non, non pas de bêtises. Un nombre d’allégations suffisant a désormais été soutenu pour montrer très clairement que leur place n’est pas au football.
S’il s’agit de citer un exemple de cliché traversant les générations, on ne peut trouver mieux. La réponse du camp adverse n’est pour autant pas compliquée : tout homme a ses faiblesses, ses fragilités, ses émotions, et ainsi tout footballeur ne peut pas être simplement « un être de force », qui se servirait de sa puissance autant que de sa technique. Le football et le footballeur est grand, est historique, car il apporte sa patte, car il développe un amour au près des supporters qui n’est pas seulement l’image d’un homme fort qui se bat sur le terrain.
Les footballeurs ne sont pas que des machines de guerre, des personnifications d’une force qui ne leur correspond pas.
L’homophobie a une place intégrante dans le football
Mais l’homosexualité est-elle réellement tabou ? Est-elle vraiment un phénomène dont on ose parler ? En effet, la réalité est qu’il n’y a pas d’exemples de joueurs dénonçant ou glorifiant l’homosexualité. Ce n’est pas un sujet sur lequel les joueurs de football s’étendent trop, et cela sûrement car peu d’entre eux se reconnaissent comme gay, ce que nous verrons plus tard.
Mais en fait, ce sont les supporters qui participent à une culture homophobe, et peut-être ainsi à cette image du football comme un sport d’hommes, de vrais. Comment agissent les supporters ? Les nombreux chants des supporters de club de football reprennent de nombreuses références négatives à l’homosexualité, ce qui en fait en réalité des paroles homophobes. En général, les termes de « PD », ou « enculé » sont utilisés pour insulter, critiquer fortement l’équipe adverse ou une équipe concurrente. Cette tentative de dégrader l’adversaire par des propos homophobes montre bien une réalité : l’homosexualité n’est pas chose normale dans le football. Plus encore, elle est incomprise par un grand nombre d’amateurs.
Mais la nouvelle interrogation que nous pouvons avoir est de savoir si les paroles de ces chansons sont réellement assimilées, comprises comme homophobes par les supporters qui les entonnent dans le stade ? Est-elle considérée comme une insulte « quelconque », presque « habituelle » comme elle peut parfois l’être – et cela restant un important problème – dans la société ? Sur des cas très concrets, la réalité est que pour beaucoup ces chants ne résonnent pas comme des chants homophobes : ils sont devenus tellement anodins en société qu’ils seraient une insulte comme une autre, à laquelle on ne prête pas attention. Mais ce qui anime justement l’homophobie est cette banalisation et normalisation des mots, qui ont un vrai sens.
Mais alors comment lutter contre un tel phénomène par le football ?
Le football peut être le moyen de protestations, de prise de position. Alors que le monde du football a déjà pris part dans de nombreuses campagnes pour lutter contre le racisme, avec le « Say no to racism » dans laquelle les plus grands joueurs de football ont participé, quelle place peut-on accorder à la lutte contre l’homophobie ? L’homosexualité obtient-elle le même appui que le racisme ? Est-ce un phénomène assez ancien et assez important pour en traiter par le football ? Le fait qu’il soit encore un sujet tabou suggère que non.
Pourtant, et malgré le constat actuel que l’on pourrait faire, des acteurs ont participé activement pour faire avancer la cause homosexuelle au sein de la sphère sportive et plus précisément footballistique. Le Paris Foot Gay est une des seules associations footballistiques qui a participé pour l’insertion des homosexuels dans le football. Créée en 2003, l’organisation était parrainé notamment par l’ancien footballeur Vikash Dhorasso ainsi que l’ancien président du PSG Alain Cayzac. Malheureusement, l’association fut dissoute en 2015, en expliquant que « face à l’indifférence notable, la peur des institutionnels à s’engager réellement, la honte pour certains à traiter ce sujet, nous devons nous rendre à l’évidence: nous ne parvenons plus à faire avancer notre combat contre l’homophobie ». Malgré tout, leur participation a été active, notamment avec la création d’une charte contre l’homophobie dans le football en 2007 (que différents clubs professionnels ont signé).
Marquant cette volonté d’évolution et de changement, Frank Lampard déclarait en 2015 : « J’apprécierais énormément que quelqu’un avoue son homosexualité et que tout le monde le traite avec respect. Cette chape de plomb empêche des joueurs de le faire. Ces vieilles habitudes, ce machisme ambiant empêche ces révélations »
Mais alors y a-t-il des joueurs ayant déjà fait leur coming out ?
Différents exemples de joueurs homosexuels dans le football
Le premier exemple d’un joueur de football en activité faisant son coming-out est celui de Justin Fashuanu. Et on ne peut pas dire que son sort puisse pousser à révéler son homosexualité dans le milieu du football. Justin Fashuanu est un footballeur anglais des années 80 et 90. Son début de carrière se passe notamment en Angleterre, où il devient le premier joueur noir à coûter un million de livres, et devient un joueur important de Norwich City et de Notts County. Mais sa carrière et sa vie basculent en 1990, lorsque le joueur dévoile son homosexualité lors d’un entretien à la presse : ses coéquipiers, ses supporters et sa propre famille lui manifestent leur hostilité à cause de son orientation sexuelle. Au début des années 90, il est transféré dans de nombreux clubs hors d’Angleterre, notamment au Canada, en Suède, aux États-Unis et en Nouvelle-Zelande. En 1997, il prend sa retraite.
En 1998, un jeune mineur l’accuse de l’avoir agressé sexuellement, s’ensuit une série d’accusations de la presse qui l’anéantissent : il se suicide cette même-année. Le cas du joueur d’origine nigériane montre bien les difficultés -qui étaient d’autant plus importantes dans les années 90 – d’être homosexuel dans le milieu du football.
Le XXIe siècle s’est placé sous le signe de libérations individuelles et sociétales dont l’homosexualité fait partie intégrante, ce qui ressent aussi dans le milieu footbalistique. En 2013, Robbie Rogers, joueur des Los Angeles Galaxy révèle son homosexualité, geste salué par Barack Obama en personne «Je voudrais souligner ce qu’a fait Robbie Rogers des Galaxy pour de très nombreuses personnes en ouvrant la voie, en étant l’un des premiers joueurs ouvertement gays dans les sports professionnels ».
Au football féminin aussi se libère la parole des femmes, et même des plus grandes joueuses comme Nadine Angerer, gardienne de l’équipe allemande et qui deviendra Ballon d’Or en 2013, qui avait déclaré en 2010 être bisexuelle. Ce qui n’empêche pas nombre de joueuses de se voir insulter de « lesbiennes ».
Quel futur ?
Malgré la place prépondérante que continue de posséder l’homophobie dans le monde du football, et notamment à travers les chants des supporters, l’homosexualité profite du soutien de différents mouvements, organisations et personnalités politiques. pour se répandre et se normaliser.
Le combat pour que les homosexuels ne soient pas discriminés continue mais la route est encore longue.