Le mercato va ouvrir dans les prochains jours. Mais les premiers transferts sont annoncés, ravissant certains supporters, inquiétant d’autres fans. Les « réacs » condamnent le football et son indécence, les millions versés pour des gars courant derrière un ballon. Pourtant, ce n’est pas cela le football.

Notre enfant

Le football, c’est peut-être la Coupe du Monde, les stars courant derrière les ballons, les coachs rugissant de joie aux buts de leurs équipes. Mais c’est surtout les supporters. C’est eux qui sont derrière, dans les tribunes, qui font vivre la balle. Un match à huis-clos est morne comme un match disputé dans le noir entre deux équipes aveuglées par les spots imaginaires. Les supporters donnent au ballon son rythme. La balle court entre les joueurs. Le public hurle dans les stands. Les mains s’agitent et repartent de plus belle en même temps que le ballon poursuit sa course dans les filets. Mais les joueurs continuent, quel que soit le public. Mais le public continue, quel que soit le jeu.

Et sans public, point de football. C’est d’eux que viennent les millions. Les droits télévisés ne sont que le parangon de l’amour que les supporters portent au ballon. Car l’argent qui arrive et l’expression de ce que les supporters veulent que le football soit. La machine à brasser des billets, c’est un vœu de tout fan de football. Regardez les produits dérivés, les maillots, les places au stade, les abonnements à Sky Sports, BeIn, Canal, SFR Sport… Tous ces euros, ces pounds, ces yuans, ils sont inconsciemment donnés par les fans en voulant que leur équipe remporte la mise sur le prochain mercato. Dans son éternel jeu, le football se nourrit de l’amour que les fans portent au jeu sacré du ballon rond. Le jeu sacré, le jeu divin, l’opium du peuple, la leçon que l’on tire. Car c’est une leçon que de regarder un match de ballon rond.

Infinie égalité

Mais le football, c’est aussi une infinie égalité. Malgré les millions, malgré les superstars, malgré les erreurs d’arbitrage. C’est vingt-deux hommes, vingt-deux femmes. Sur un terrain, avec un ballon. Pendant quatre-vingt-dix minutes, parfois un peu plus. Neymar peut toujours céder devant Bahoken, Mbappé peut sombrer devant Bourigeaud. Les meilleurs entraîneurs connaissent la défaite, parfois imméritée, mais la connaissent quand même.

Et puis c’est aussi l’infini. Chaque saison, l’une après l’autre. Comment imaginer que le football disparaisse ? Alors malgré les places sans titres, malgré les déceptions, il y a toujours l’espoir. L’espoir. L’espoir de pouvoir faire quelque chose, de mettre le sourire sur le visage d’un enfant malade. Mais aussi l’espoir de pouvoir offrir un dernier sourire sur le visage d’un vieillard. « Il a vu Lens champion », sans doute un des plus beaux témoignages, d’une mort paisible, d’un grand-père mort le 9 mai 1998. Le sourire aux lèvres, le sang couleur d’or. Seul le football peut l’offrir, ce récit d’une égalité parfaite, mais aussi ce récit d’une vie pour un but, une vie accomplie au dernier moment.

Car la mort nous saisit. Patron, prolétaire, ouvrier, cadre, étudiant, retraité. Et dans la mort comme dans le football, nous sommes tous les mêmes. Nous sommes devant le ballon, égaux, absolument identiques face au jeu égal. Equal Game, dit l’instance dirigeant du football. Oui, le jeu est égal, mais pas comme on le pense. Il est égal parce qu’il met tout le monde à égalité, pas parce que tout le monde est au même niveau sur le terrain. Nous sommes tous avec le même sort devant les performances de notre équipe. Ce n’est pas les rêves qui se réalisent, mais la réalité qui nous fait rêver. Grâce, avec, et à cause du football.

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« Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde, on le peut reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui ». (Jonathan Swift, 1667-1745)