Les instances dirigeantes du football semblent parfois rechigner à prendre en compte les droits du supporter. L’origine est peut-être plus ancienne. En effet, dans cet article du magazine Football et sports athlétiques du 12 novembre 1910, le supporter est bien décrié. Et il semble vraiment affreux. Retrouvons cet article dans notre épisode d’Archives.

Le Supporter. Ne riez pas, vous en connaissez tous au moins un. Le supporter, le vrai, le vulgaire supporter qui crie, qui gueule le long de la touche est une inconsciente victime de la folie du football. Mais c’est en même temps un être bizarre autant que dangereux, d’abord parce qu’il ne supporte rien… contre son club et que le club aura beau faire, jamais il parviendra à se débarrasser de cette pieuvre qu’on nomme supporter. Pourquoi s’est-il voué à l’Union Sportive de X, plutôt qu’au Sporting Club de la même ville, il ne saurait le dire lui-même.

Pendant la partie, il passe à la fois par toutes les angoisses et par les manifestations de joie les plus débordantes. Il est atterré pendant dix minutes et radieux pendant quinze autres. Les goals marqués contre son équipe sont toujours off-side. L’arbitre est un cochon et les linesmen sont des vendus. Et c’est fourbu, démoli, le visage décomposé qu’il se rend après le match au siège de son club, où il s’affale, plus fatigué que les joueurs eux-mêmes. Là, l’œil terne et brumeux, un ami lui fait bien le récit de ses récentes escapades, mais il ne daigne même pas sourire au passage le plus gai du récit. Mais voilà qu’incidemment l’ami a prononcé le nom de son club. Son œil s’allume, sa main s’énerve, sa bouche, jusqu’alors dédaigneusement close, s’ouvre. Il va parler. Il parle. Et alors, il est magnifique le supporter. Il décrit ses joies, les beautés de son club. Les mots abondent, les métaphores se précipitent, c’est un fleuve d’éloquence qui vous culbute, vous immerge et vous entraîne dans un torrent tumultueux.

N’essayez pas de résister, abandonnez-vous au contraire, car vous êtes sa victime. Il vous tient et ne vous lâchera que quand vous aurez reconnu que son club est le premier, le plus fort et le plus grand de tous les clubs de France.

12/11/1910 – Football & Sports Athlétiques
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« Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde, on le peut reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui ». (Jonathan Swift, 1667-1745)