A l’approche du derby Saint Etienne – Lyon,  Bernard Lacombe, a évoqué quelques souvenirs. Le conseiller de Jean-Michel Aulas se confie dans un entretien de 3 pages avec le bi-hebdomadaire France Football. En voici quelques extraits.

(Via francefootball.fr et à lire en intégralité dans le France Football du 31 janvier 2017)

 

Lacombe : « Il n’y avait pas toute cette violence autour »

Quel souvenir du derby ?

« D’abord, celui de l’amitié. Quand je suis arrivé à l’OL, j’étais cadets 2 et j’avais un double surclassement. En juniors, on a disputé deux finales de Gambardella contre Saint-Étienne. Nous, c’est-à-dire Serge Chiesa, Raymond Domenech et moi, nous étions au Bataillon de Joinville, à Fontainebleau. Là-bas, il y avait aussi tous les gars verts de notre époque, les Merchadier, Synaeghel, Lopez, Santini, Patrick Revelli, Sarramagna… On prenait le Mistral le lundi, eux arrivaient de Châteaucreux-Saint-Étienne, toujours dans le troisième wagon de queue. On se retrouvait, tous. Tu avais Raymond qui avait allumé Sarramagna le samedi ou le dimanche. Au départ, les retrouvailles étaient un peu froides et puis après, c’était reparti! »

Le derby à son époque

« À Lyon, au début de la semaine, on te parlait déjà du match contre Saint-Étienne. Il y avait beaucoup d’agressivité sur le terrain mais il n’y avait pas toute cette violence autour. Aujourd’hui, les règles te pénalisent beaucoup plus si tu files des coups sur le terrain. […] A l’époque, quand tu avais Baeza, Mihajlovic et Domenech, il pouvait tout se passer ! En huitièmes de finale de Coupe de France (1971), Jeannot Baeza, après le match aller où on avait perdu 2-0, avait attrapé Salif Keita au retour aux vestiaires: “Si je ne te casse pas la jambe au prochain coup, je ne m’appelle plus Baeza!” Au retour, Salif avait mis des protections devant, derrière, du coton partout mais il a été moins percutant qu’il aurait dû l’être. Fleury a mis trois buts ce soir-là et on s’est qualifiés. Mais des derbys, en Coupe comme en Championnat, on n’en gagnait pas beaucoup. »

Lacombe joueur violent sur sur le terrain.

« Oui, oui, même si tu en avais quelques-uns en face, comme Pierre Repellini, qui prenait toujours Serge Chiesa en individuelle. Ils étaient les meilleurs amis du monde, amis du Bataillon, ils jouaient même ensemble côté gauche en équipe de France juniors du temps de monsieur Boulogne. Mais, le jour du match… Cela dit, il fallait voir chez nous! Pourtant, les Lyon-Saint Étienne, ça n’était pas les matches les plus violents. Contre Marseille, il y a eu des expulsions. […] C’était surtout une question de suprématie régionale, peut-être plus qu’aujourd’hui. Quand tu es lyonnais ou stéphanois, les derbys, tu les commences en cadets, en juniors, en CFA et puis avec les pros. Tu as les familles, c’est parfois limite, limite. »

Lacombe : « L’arbitre disait: “Attention au prochain coup ! »

Un souvenir

« C’était à Gerland, en Championnat. Patrick (Revelli) l’avait allumé, je crois, au match aller. Ils venaient de jouer en Coupe d’Europe. Patrick a morflé. (Lacombe se lève et décrit la scène.) Il était du côté de Jean-Bouin, pas loin de la ligne de touche, il pousse la balle de l’extérieur du pied, plusieurs fois, et Luba (Mihajlovic) est arrivé ; il lui a mis le pied comme ça, tchraaaaaack! Patrick, je te jure, il est parti en tonneaux. Si tu lui demandes quel était le joueur lyonnais le plus méchant, tu connais sa réponse. C’était un attentat. L’arbitre ne l’a même pas expulsé, rien. »

L’abritrage avant/maintenant

« Les mecs arrivaient par-derrière et te découpaient. Tu repartais avec ta jambe dans le sac et l’arbitre disait: “Attention au prochain coup !’’ Il n’y avait pas la télé, pas de ralenti, peu de médias pour en parler. On s’est permis des choses qui, aujourd’hui, ne te feraient pas rester un quart d’heure sur le terrain. »

Luba Mihaijlovic

« Il était yougoslave, mais il était méchant. Quel grand joueur! Mais si dur… Les trois plus durs, c’était Luba, Jeannot (Baeza) et Raymond (Domenech).Mais Raymond était plus dangereux avec Bordeaux qu’avec nous. Il avait dix ans d’expérience. À Lyon, il était généreux, fougueux. Un jour, au retour d’un match à Bergame avec l’équipe de France Espoirs, nous allons atterrir à Lyon-Bron. Dans la Caravelle, je suis près du hublot, Sarramagna, joueur immense, au milieu, et Raymond, côté couloir. Le week-end, il y avait le derby. Raymond lui dit: “Dimanche, je te le dis tout de suite, je vais te choper!’’ Ça n’a pas loupé. Sous la pendule, près de la lice et de la piste d’athlétisme, Raymond est arrivé, le pied en avant, Sarra l’a évité mais sa cheville a tourné. »

Lacombe :  « Pas la peine d’exciter tout ce qui se passe à l’extérieur. »

Les joueur aujourd’hui et le derby.

« Dans notre équipe actuelle, je pense que beaucoup de joueurs en ont disputé en U15, U17, U19. Tous ceux du centre de formation, Tolisso, Gonalons, Lacazette, Fekir…À Saint-Étienne, tu en as beaucoup moins. Parce qu’il y a moins de joueurs de souche stéphanoise. Eux apprennent  la dimension du derby en arrivant. La plupart de nos Brésiliens dans les années 2000, les Edmilson, Caçapa, Cris, ont presque tous débuté avec nous lors d’un derby. Edmilson arrivait de Sao Paulo, il a commencé à Geoffroy-Guichard. Cela dit, un gars comme Cris avait vécu le derby pauliste Corinthians-Palmeiras, ça n’était pas mal non plus. »

 Ville “prolo” contre ville “bourgeoise”?

« Je n’aime pas dire des choses comme ça. Plus tu en diras de cet ordre et plus ça risque de s’envenimer. »

Genesio pour motiver face aux Verts?

« Il doit avoir un petit quelque chose de plus parce qu’il a connu ces derbys dans toutes les catégories. Mais quand tu joues contre Saint-Étienne, tu peux être vilain, tu peux être moyen, le tout, c’est de gagner. Il n’y a que le résultat qui compte. Sur ces matches-là, c’est comme en Italie, l’efficacité avant tout. Tu gagnes 1-0, c’est parfait. Bruno va leur parler, peut-être désamorcer des petites choses qui auraient pu se passer lors du match aller. Pas la peine d’exciter tout ce qui se passe à l’extérieur… Déjà que tu as affaire à des lions, il faut veiller à tout ce qu’on peut dire. »

 Le derby en ville?

« Ah oui! Les joueurs le disent. Des gens qui n’évoquent jamais le prochain match et qui, là, leur causent du derby. Mais peut-être qu’on en parle plus à Saint-Étienne. »

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Comme Ole Gunnar Solskjær en 1999, je suis le joker de luxe de DV. Heureux propriétaire du suffixe -Owski. "Qu’importe : on pourra même me traiter de fou, il n’y a que ces couleurs Parisiennes qui illuminent mon cœur. Et à chaque blessure, il saigne ce cœur-là. Mais il s’enflamme encore." Francis Borelli