18 mai 2009. Sunderland traverse le pays pour affronter Portsmouth dans un match décisif pour le maintien. Alors qu’il ne reste plus que deux rencontres, la Blue Army n’a besoin que d’un point pour assurer son maintien tandis que les Black Cats ne possèdent que deux longueurs d’avance sur les relégables Hull et Newcastle, le rival éternel. Grâce à deux buts de John Utaka et Armand Traoré, les locaux s’imposent et assurent leur maintien. Dix ans plus tard, les deux monuments du football anglais luttent pour remonter en seconde division, et s’affronteront dimanche pour le compte de la finale de l’EFL Trophy, à Wembley… De quoi se remémorer l’histoire de deux clubs particulièrement populaire outre manche, et dont on n’attend que leur remontée.

Portsmouth, club mythique au destin tragique

Des débuts poussifs

Le 5 avril 1898, un club de football est créé dans la ville côtière de Portsmouth par sept amis tout juste retraités de la Marine. Dès la saison qui suivit, Fratton Park, mythique enceinte que le club ne semble pas prêt à quitter est construite. C’est à cette époque qu’apparaît le célèbre logo de Portsmouth, constitué d’un croissant de lune et d’une étoile. Il fait son apparition lors de la saison 1913-1914. Ce motif tire ses origines des armoiries de la ville et remonte à l’époque de Richard Cœur de Lion. En 1927, le club passe enfin professionnel et intègre la Première Division anglaise.

Le premier âge d’or du club se tient dans les années 30, lorsque Portsmouth remporte son premier trophée. Après avoir été finaliste de la FA Cup en 1929 et 1934, perdant respectivement contre Bolton et Manchester City, Pompey parvient enfin à s’emparer du fameux trophée cinq ans plus tard, des suite d’une belle victoire contre Wolverhampton (4-1). Indirectement, Portsmouth est le plus long détenteur de la FA Cup, puisque les pensionnaires de Fratton Park l’ont gardé six ans. La guerre avait en effet provoquée l’annulation de la coupe jusqu’en 1945. La période après-guerre est encore plus fructueuse pour Portsmouth qui remporte la Premier Division deux années de suite, en 1949 et 1950. Malheureusement, ils étaient loin de se douter qu’un long passage à vide se préparait…

Obsolescence programmée

Comme un avant goût de ce que le club subit depuis 2010, Portsmouth est alors en proie à d’énormes difficultés financières entre les années 60 et 80. Le club est relégué sportivement en seconde division à l’aube des années 1960. L’objectif est de remonter au plus vite ; alors que le club régnait sur le football anglais seulement une décennie plus tôt. Cependant, c’est davantage avec la troisième division que la Blue Army oscille, venant même à s’effondrer jusqu’en quatrième division. Au bord du gouffre, toujours endetté, Portsmouth passe proche de déposer le bilan au début des années 80.

Cependant, un grand club ne meurt jamais, et cette expression est d’autant plus vraie avec Portsmouth. Après avoir enchaîné deux promotions consécutives, Pompey retrouve la seconde division en 1983. Alors que le club alterne entre les positions de playoffs et le ventre mou, il parvient à retrouver l’élite quatorze ans plus tard, dans Fratton Park tout feu tout flamme, rénové après l’interdiction des tribunes debout suite au drame d’Hillsborough. Portsmouth fête donc son centenaire en Premier League, et aborde le XXIe siècle comme une nouvelle chance, avec une gestion financière plus stable. Cette promesse n’aura pas tenu dix ans.

European Dream

Portsmouth vit la plus belle période de son histoire au début des années 2000. Emmené par Peter Crouch et Svetoslav Todorov, puis Sol Campbell, Nwankwo Kanu et autres Jermain Defoe, la Blue Army fait son bout de chemin, et va jusqu’à remporter la FA Cup 2008, validant ainsi une qualification en Europe historique lors de laquelle le petit club côtier accrocha le Grand Milan (2-2).

La saison 2008-2009 fut les prémices de ce qui attendait la Blue Army par la suite : Harry Redknapp, véritable icone au club et présent depuis 2004, principal artisan des plus grands succès du club, s’envole vers Tottenham. Un départ d’entraîneur peut paraître anodin, mais celui ci est l’une des principales raisons pour lesquelles Portsmouth est en troisième division actuellement. Son adjoint Tony Adams le remplace à la tête de l’équipe mais les résultats sont catastrophiques. Lassana Diarra et Jermain Defoe partent respectivement pour le Real Madrid et Tottenham lors du mercato hivernal.

Déjà affaibli, le club est de nouveau en proie à des difficultés financières et doit vendre ses meilleurs éléments. Peter Crouch, Sylvain Distin ou encore Sol Campbell sont bradés, mais cela ne suffit pas. La crise est totale. Sportivement tout d’abord, où Pompey débute la saison par sept défaites consécutives. Puis financièrement, lorsque la Blue Army se voit attribuer une suspension de neuf points en janvier, condamnant le club à la relégation.

Une absence interminable

Relégué en Championship, Portsmouth se voit attribuer une nouvelle suspension de dix points que le club ne parviendra jamais à remonter. Deuxième relégation consécutive, puis troisième relégation en quatre ans après une nouvelle saison laborieuse causée notamment par le départ de la quasi totalité des joueurs et le recrutement de joueurs par des contrat d’un mois…

Le club est donc reparti sur de toute nouvelles bases depuis 2013, créant notamment le Pompey Supporters Trust (PST) afin que les supporters aient leur mot à dire dans les décisions prise par le club. En 2017, le club est champion de quatrième division à la dernière journée grâce aux résultats défavorable de son rival Plymouth et de Doncaster. Le club est désormais troisième en League One, juste devant Sunderland. La Blue Army veut retrouver sa gloire d’antan et vise la montée cette saison, pour redonner le sourire à des supporters fidèles et qui souffrent depuis de longues années.

Le célèbre Fratton End de Portsmouth lors du match pour le titre de League Two, en 2017 (crédit photo : Tifosy)

Sunderland, monument en péril

Si Portsmouth est incontestablement un des nombreux clubs mythiques que compte l’Angleterre, l’histoire de Sunderland reste plus glorieuse, plus mythique, mais pas moins tragique.

Sunderland AFC fut fondé en 1879 et adopta le statut professionnel plus rapidement que Portsmouth, seulement sept ans après sa création. Les Black Cats s’imposent rapidement comme un club majeur de première division anglaise, remportant trois titres de champion entre 1892 et 1895. Sunderland continue de jouer les premiers rôles en Premier League jusqu’aux années 1950, remportant un dernier titre de champion en 1936.

Un ascenseur permanent

C’est dans les années 1950 que Sunderland connaît un premier déclin. En 1957, le club doit faire face à un scandale financier qui prend peu à peu une ampleur nationale. Les Black Cats sont reconnus coupable d’avoir versé à plusieurs de ses joueurs un salaire au delà du maximum autorisé à l’époque, permettant ainsi d’attirer de meilleurs joueurs. En conséquence, Ils furent condamnés à une amende de 118 000 £ et Jimmy Hill, président du club ainsi que trois administrateurs furent suspendus. L’enfer ne s’arrêta pas là pour Sunderland, qui sera relégué l’année suivante, pour la première fois de leur histoire. De retour dans l’élite en 1965, la gloire d’antan a totalement disparu et le passage n’est qu’éphémère, avant de replonger en seconde division en 1970.

Succès éphémères

Les joueurs de Sunderland, Jim Montgomery au premier plan, célébrant avec les supporters la victoire en FA Cup 1973 (Crédit photo : Getty)

C’est d’ailleurs en deuxième division que Sunderland va remporter le dernier trophée majeur de son histoire : la mythique FA Cup. En 1973, emmené par son gardien de légende Jim Montgomery, Leeds ne peut pas rivaliser en finale, et laisse Sunderland profiter de son premier moment de gloire depuis plusieurs décennies. Contrairement à Portsmouth, Sunderland n’a jamais eu la chance de connaître les belles soirées européennes. Leur seule campagne fut suite au titre de FA Cup 1973. Qualifié pour la Coupe des Vainqueurs de Coupe, l’épopée ne dure que quatre matchs, et ce n’est pas face à un cador que les Black Cats tombèrent. Après avoir éliminé les Hongrois de Vasas, c’est le Sporting Lisbonne qui vient mettre un terme aux espoirs anglais.

Depuis les années 1970, Sunderland alterne entre première et deuxième division, ne parvenant à se stabiliser qu’en 2007, lorsque des garanties financières furent enfin établies. Toutefois, rattrapée par son passée, les Black Cats dirent à nouveau au revoir à la Premier League à la fin d’une saison 2016-2017 cauchemardesque, sous l’égide de David Moyes.

C’est quand le bonheur ?

Après sa relégation en seconde division, le monde – même Netflix – s’attendait à les voir remonter aussi vite, à l’image d’un Newcastle. Que nenni. Faute d’un effectif non renouvelé après les nombreux départs, faute d’une gestion et d’un coaching désastreux, faute de courage et d’honnêteté, Sunderland finit une nouvelle fois dernier et s’écroule, en troisième division, passant en l’espace de trois ans de jouer contre Manchester City à Plymouth.

A l’image de Portsmouth, les Black Cats ont changé leur politique afin de ne pas refaire les mêmes erreurs. Ainsi, l’accent est désormais mis sur la formation ainsi que le recrutement de joueurs expérimentés à moindre coût. Aiden McGeady et Bryan Oviedo ont ainsi rallié le nord de l’Angleterre pour apporter toutes leurs connaissances. De plus, qui dit club historique dit joueurs historiques. Lee Cattermole, présent au club depuis 2009 n’a pas souhaité quitter le club malgré plusieurs propositions, démontrant ainsi son amour et son implication pour un club qui n’est pas à sa place.

Un monument à terre (Crédit Photo : Reddit)

Sunderland – Portsmouth, c’est ainsi notre Auxerre-Sochaux, voir notre Sedan-Le Mans. Ces clubs qui ont façonné l’histoire de notre championnat et qu’il nous est difficile de ne pas apprécier. Ces clubs qui, on l’espère, renaîtront de leurs cendres, pour la beauté du football. Dimanche, l’Angleterre sera en fête alors que Wembley a indiqué que la rencontre se jouerait à guichets fermés.

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