Beaucoup de personnes semblent croire qu’il est très facile pour un attaquant de marquer quand il est seul face au but. Avec une seule touche de balle à faire. Pourtant, ce n’est pas du tout le cas. Car seul face au gardien, l’attaquant est comme dans un autre monde. Récit à la deuxième personne du singulier.

T’es planté là, tout seul

Ton équipe construit son attaque, et puis tout à coup, tu reçois le ballon. T’es comme un idiot, planté tout seul devant le gardien, dans ton rôle de numéro neuf. Vous êtes plus que deux sur terre. Enfin trois plus exactement : toi, lui et le ballon. Le reste, il faut en faire abstraction. Car il n’y a plus qu’une seule règle. Qu’une seule instruction. La mettre au fond. Pousser cette satanée balle au fond du but, pour que le temps se remette à tourner. C’est pas compliqué. Deux hommes, face à face. Qui se regardent, qui se dévisagent, qui sont prêt à en découdre. Et entre les deux, un ballon. Le seul instant où le temps se remettra à tourner, c’est quand tu auras poussé la balle au fond. Mais en attendant, il te reste à accomplir ton destin, planté face au portier.

Pour lui aussi c’est un calvaire, mais tu ne le sais pas. Dans les deux têtes, y a les mêmes tremblements. Car lui aussi il se sent seul. Il doit arrêter la balle. Il ne sait pas où tu vas frapper. Alors il essaye de deviner. A droite ? A gauche ? Ou bien dans l’axe ? Il guette les mimiques sur ton visage. Ses mains et ses jambes s’agitent, mais seul toi sait où le ballon va aller. Ou plus exactement, seul toi peut décider où le ballon va aller. Deux écoles de gardien s’affrontent. D’abord ceux qui regardent dans les yeux pour une demi-seconde te déstabiliser. Et ceux qui ne se focalisent que sur le ballon et ton corps qui va le frapper, seul lien entre vous deux. Peu importe, à vrai dire. Car la situation reste la même.

L’obsession

Dans ce duel réside une double obsession. Celle pour le gardien de garder sa cage inviolée, ou au moins de ne pas en prendre un autre dans la musette. Et celle pour l’attaquant de la mettre au fond. Et après un quart de seconde d’observation entre les deux, voilà que vous devez prendre une décision. Lui, il doit décider si il reste sur place ou pas, où est ce qu’il va tenter de réaliser la parade. Et toi, comment tu vas frapper cette satanée balle. Et vous êtes tous seuls, pas un de vos coéquipiers ne peut vous aider. Il faut faire le vide dans sa tête. Il ne faut plus penser à rien. Et mettre toute l’énergie, toute la volonté que l’on a. Envoyer la puissance, détendre les muscles, rassembler son corps en une petite boule d’énergie pour se développer.

Et puis enfin arrive le moment où le ballon décolle du pied. Où la tête part smasher ou taper le ballon. Ou ce face à face en une touche de balle connaît son apogée. Certains crient, certains ferment les yeux, certains se taisent, certains veulent mourir à cet instant. La pression est immense pour l’attaquant, qui sera hué s’il rate le but. Et de même pour le gardien dont tout le monde attend l’exploit. Cet exploit, il est tout seul à pouvoir le faire. Ça y est, la trajectoire s’enveloppe… le ballon est prêt à aller au fond des filets. Le gardien est sur le point de l’arrêter. La tension est au paroxysme. Et la solution de l’équation entre les deux hommes va être déterminée. Le temps repart. La joie est grande dans un camp, la déception énorme dans l’autre. C’est pour ça qu’on aime le football.

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« Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde, on le peut reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui ». (Jonathan Swift, 1667-1745)