Le football. Le « People’s game » par excellence. Présent sur tous les continents, dans tous les pays, même les plus pauvres. Le football est vraiment le sport universel par excellence. C’est en tout cas ce qui saisit l’opinion publique. Mais en réalité, le football n’est pas vraiment le sport de tout le monde. C’est aussi et surtout le sport des riches. Petit retour sur trois idées reçues sur le rapport du football avec les classes sociales.

Un sport né dans les docks

Dans les esprits de chacun, le football est le sport ouvrier. Et c’est vrai. A partir des années 1870, sur les quais de Liverpool, Manchester ou encore Newcastle, les ouvriers se réunissent autour d’équipes de football naissantes pour partager le plaisir du jeu. Surtout, le football fait naître un esprit de groupe. A Londres, on observe non loin du port, là où l’on fabrique les canons, des jeunes gens envieux de se réunir le soir pour se défouler. Quelques années plus tard, l’équipe de l’arsenal, le futur Arsenal Football Club verra le jour. A Liverpool, à côté de la fabrique de caramel, ce sera l’Everton Football Club. Bref, un peu partout dans le royaume de sa majesté, les ouvriers jouent au football.

Mais ce n’est pas vraiment comme ça que le football a vu le jour. Au contraire, même. Aux origines, le football voit le jour dans les collèges où grandissent les enfants de l’élite britannique. Eton, Malborough, Oxford, Cambridge, Rugby… Partout en Angleterre, des jeux de ballon ont la côte. Avec les mains, avec les pieds, parfois avec les deux. Là n’est pas la question : le football n’est pas celui que l’on connaît aujourd’hui, évidemment. Mais c’est l’ancêtre du jeu qui voit ici le jour. Et il voit le jour dans les mains de l’élite, pas dans celles de la plèbe. Et le rugby suit le même chemin. Car football et rugby sont plus que cousins, ils sont aussi frères. Pendant longtemps, on nommait respectivement les deux sports « football association » (pour ce qui est notre football) et « football rugby » (pour ce qui deviendra le rugby).

Les joueurs viennent de banlieue

Les joueurs viennent de banlieue. Cette idée-reçue est couramment répandue. Et c’est vrai : les histoires d’ascension sociale grâce au football sont belles. Mais si c’était le cas dans l’intégralité, le football courrait à sa faillite. En effet, ce qui fait la beauté du football, c’est la diversité sociale qui est en son sein. En effet, sans diversité sociale, le football ne serait que l’ombre de ce qu’il est.

Car si une part non négligeable des grands joueurs sont issus de milieux pas forcément favorisés, ce n’est que, plus ou moins, une reproduction des schémas de la société. En effet, et c’est statistique, 30 % de la population fait partie des classes sociales défavorisés en France ; et 50 % des classes médianes. Ce qui donne uniquement 20 % de la population issue de classe favorisées. Soit deux à quatre joueurs dans une équipe. Et s’il n’y avait pas ces quelques joueurs – qui sont en réalité un tout petit peu moins nombreux, mais qui existent – le football serait d’ores et déjà mort. Car la diversité sociale donne une diversité de pensée à propos du football. Cette diversité est absolument essentielle pour permettre au football de s’enrichir.

Revenons donc à notre idée reçue : les joueurs ne viennent pas tous de banlieue – ou de milieux défavorisés. On a, plus ou moins, la représentation sociale normale dans le football. Simplement, ce sentiment est accentué par les joueurs étrangers, notamment sud-américains, où le salaire médian est sensiblement plus faible qu’en Europe, et qui accentue donc ce sentiment. C’est donc un biais d’analyse que de croire que les joueurs de football professionnel viennent réellement beaucoup plus de milieux défavorisés par rapport au reste de la population.

Le football appartient aux supporters

Cette troisième idée reçue est la plus cruelle de toutes, et la plus cynique. La plus triste, aussi. Mais pourtant, ce n’est que la triste réalité. Pour beaucoup, le football appartient aux supporters, et c’est vrai que l’idée est séduisante. On compte même plusieurs projets comptant vraiment sur les supporters. En Espagne, les socios ont une voix au conseil d’administration des clubs. En Allemagne, la règle des 50+1 vient laisser une part de représentativité au « peuple ». Mais il faut se rendre à l’évidence. Peu de modèles, en réalité, font appartenir réellement le club aux supporters. Ou alors dans les divisions inférieures, comme par exemple le FC United of Manchester.

Non, en réalité le football appartient à l’argent. Car ce ne sont pas les petits porteurs, désunis, qui vont réellement faire pencher la stratégie des clubs. Ce sont les gros actionnaires qui font pencher la balance. Mais cela n’est pas un jugement de valeur, négatif. Au contraire, sans les grands investisseurs, les clubs de football sombrerait dans une mort certaine. Sans grands investisseurs, pas de grands contrats télévisuels, pas de stades flambants neufs, pas de produits dérivés à gogo, pas de grandes stars.

Bien sûr, certains nostalgiques n’hésiterons pas à dire que le football d’antan était plus sympathique. Mais ne nous y trompons pas : depuis longtemps, les clubs sont contrôlés par les grands entrepreneurs régionaux. Et pendant de nombreuses années, avant l’apparition du professionnalisme, il y avait de l’amateurisme marron. Le FC Sochaux-Montbéliard attirait les meilleurs joueurs grâce à des emplois bien rémunérés dans les usines sochaliennes.

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