Successeur d’Arsène Wenger et de ses vingt-deux années d’héritage, Unai Emery avait autant de pression que de pain sur la planche pour constituer un nouvel Arsenal. Lui qui voulait se relancer d’un échec relatif à Paris s’est confronté à un défi de choix. Un peu plus de six mois se sont écoulés, de quels premiers résultats peut-on relater ?

Dogmatique ?

La direction voulait du changement, elle est servie. Là où son illustre prédécesseur avait une approche plus spontanée reposant sur la libre expression des individualités, Unai Emery opte pour une philosophie beaucoup plus structurée. De Lorca à Arsenal en passant par Valence, Séville et Paris, un principe reste indéboulonnable : le pressing très haut acculant l’adversaire sur les ailes. Du reste, le tacticien basque fait preuve d’une grande flexibilité.

Structuré mais pas dogmatique, Emery est un homme de détail. Il ne se borne pas à une approche ou un dispositif spécifique mais est un fervent défenseur du travail en amont et par extension de l’adaptabilité. Ses six formations différentes utilisées en sont l’illustration. Arsenal a tantôt aligné une défense à trois ou deux axiaux, tantôt une attaque à une ou deux pointes. Et n’y voyez surtout pas de l’indécision…

Il est amusant de constater que cette capacité à s’adapter est assez nouvelle chez lui. Par exemple, on ne l’observait pas ou très peu à Paris et à Séville. Comme si elle avait été instiguée par le jeu de la Premier League. Quoiqu’il en soit, une telle flexibilité requiert un soutien sans faille de ses joueurs, qui doivent suivre le coach en 4-2-3-1 ligne haute en milieu de semaine puis en 3-4-2-1 le week-end. C’est pourquoi Emery éprouverait peut-être plus de difficulté à remonter une éventuelle pente due à une piteuse série ou une mauvaise cohésion de groupe qu’un autre entraîneur.

4-2-3-1

Toutefois, le 4-2-3-1 reste la formation favorite d’Unai Emery. C’est du moins celle qui revient le plus souvent tout au long de sa carrière, et Arsenal ne fait pas exception. À la manière de ce qu’il faisait à Séville lorsqu’il remporte les trois Europa League consécutives, ce 4-2-3-1 tend assez logiquement à se transformer en 2-4-3-1 dans le compartiment offensif. Cela est dû à la forte participation offensive des latéraux qui n’hésitent pas à monter très haut. Emery affiche néanmoins une particularité dans le positionnement de ses ailiers. Ceux-ci ont en effet pour consigne de se replier vers l’intérieur. Ainsi, les options de passes sont multipliées et les consignes défensives adverses sont rendues obsolètes.

En effet, les ailiers se retrouvant dans les intervalles verticaux et horizontaux, causent un véritable dilemme à la défense. Les latéraux doivent-ils suivre les ailiers dans l’intérieur et alors libérer l’espace à Monreal et Bellerin ? Doivent-ils étirer leur ligne et laisser de la place aux ailiers dans l’intérieur ? En outre, ce positionnement audacieux offre plus d’options à la relance pour le défenseur central, qui a désormais le choix entre le milieu relayeur, le latéral, et l’ailier dans l’intervalle. Le « cassage de ligne » que l’on demande au défenseur relanceur moderne est donc ici particulièrement favorisé.

Arsenal glass cannon ?

Les reproches les plus souvent adressés à Arsenal, peut-être influencés par les saisons précédentes, concernent des lacunes défensives. Le total de buts encaissés n’est pourtant pas alarmant et les Gunners sont la sixième défense de Premier League. Le positionnement légèrement en retrait de Toreira et de son compère (au choix, Guendouzi ou Xhaka) est un pansement aux plaies des contre-attaques contre lesquelles Arsenal était si friable les saisons passées.

Pour continuer la comparaison, la ligne défensive sauce Emery est aussi plus haute et plus active que ne l’était celle de Wenger. Cela a l’avantage de rendre l’espace de jeu exploitable plus étroit pour l’adversaire. Attention cependant aux risques qui s’accompagnent d’un bloc haut. Le piège du hors-jeu ne trouve pas toujours poisson à son filet et les axiaux d’Arsenal ne sont pas les plus rapides. Mais Bernd Leno, plus vif et agressif que Petr Čech, limite la casse quand la défense est prise dans son dos.

Un arsenal varié

En réaction à la saison en berne de Özil et à la situation de Ramsey qui ne prolongera pas au club (bien que son comportement reste exemplaire), le technicien basque a aussi eu recours à une double pointe. Cela passe généralement par le 442 à plat. Dans les faits, le système énoncé précédemment ne subit pas beaucoup de changements. Emery profite simplement de l’avantage non négligeable de pouvoir aligner la paire Aubameyang-Lacazette. Ce dernier excellant dans la remise et le jeu dos au but, il substitue parfaitement le meneur de jeu. Par conséquent, l’animation n’est donc pas particulièrement altérée.

De Wenger à Emery, la transition ne fut pas des plus douces. Elle ne s’est pas non plus révélée fructueuse du jour au lendemain, en témoignent les deux défaites d’entrée en août. Il y avait (et il y a toujours, dans une moindre mesure) des problèmes de pertes de balles trop nombreuses et de coordination défensive nécessaire à la mise en place d’un bloc haut. Néanmoins, une longue période d’invincibilité de dix-huit matchs s’en est suivi, manifestation d’un certain progrès.

Aussi bien offensivement que défensivement, Emery a fait d’Arsenal une équipe mieux organisée et plus flexible. Une amélioration qui s’observe également d’un point de vue comptable. Arsenal est en course pour les quatre places qualificatives en Ligue des Champions et file vers des quarts de finales compliqués en Europa League…

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