Dans la vie, pour célébrer un évènement heureux, le Français choisit souvent la picole. Sur le moment, c’est bonheur, excès puis filet de bave sur l’oreiller. Le lendemain, pourtant il faut payer l’addition : bonjour le mal de tête, la nausée et la journée au ralenti. Cette lente agonie du dimanche, c’est ce que vivent les supporters Girondins depuis leur dernier titre en 2008-2009. Et ça commence à faire long, dix ans de gueule de bois.

Une équipe des Girondins à l’envers

2009 : Bordeaux est sacré champion. S’en suit une campagne européenne d’anthologie. Victoires contre la Juve, le Bayern et un quart de Champions : Gourcuff en maestro, Chamakh avec des cheveux en buteur. Ça, c’était les good ol’ days. Depuis, le football de chez Alain Juppé rime avec campagne laborieuse en Europa League, Plasil et Multiligue 1. Huit coaches, toujours classé entre la cinquième et la onzième place, voilà le bilan de la dernière décennie du club au scapulaire. C’est d’autant plus inexcusable que Bordeaux a tout pour être attractif : l’histoire d’un grand de France, un stade magnifique tout neuf, une jolie ville.

A force, un scepticisme général autour de l’institution grandit : ni Baptiste Lecaplain ni Claude Pez ne changeront cela. Les supporters, essorés qu’ils sont par la mollesse de leur club, désertent le stade. En effet, en 2017-2018, le Matmut Atlantique a le quinzième taux de remplissage de Ligue 1 (59%) pour la troisième année consécutive. En interne, on a vraiment l’impression qu’il y a toujours quelque chose qui cloche. Le laconisme déprimant de Gillot, la polémique Sagnol, l’imbroglio Poyet, le vrai faux recrutement d’Henry, Ricardo qui ne peut se lever du banc, Basic pas inscrit sur la liste de l’Europa League pour cette saison… Et même quand on parle de rachat, on parle plus souvent des vignobles alentours que de former un bon milieu de terrain.

Une politique sportive aux abois

Plus grave, cette médiocrité commence à s’inscrire dans les structures du club. D’ailleurs, qui peut dire aujourd’hui quelle est la politique sportive du club ? On a du mal à la comprendre et on commence sérieusement à se demander si l’ambition n’a pas carrément quitté le club. Triaud et De Tavernost ont toujours été frileux pour investir. Le club sous pavillon M6 ne semble plus en mesure de prendre de bonnes décisions. D’institution phare du foot français, Bordeaux est doucement en train de devenir une petite rente capable, les bonnes années, d’aller dégotter quelques droits TV de diffusion d’Europa League. Les finances ne font pas tout et ne sont d’ailleurs pas au plus mal. C’est l’ambition qui commence à manquer.

Peu capable de sortir de bons joueurs de leur centre de formation, la cellule de recrutement n’a elle non plus jamais été développée pour installer un modèle type Monaco ou Porto. Plus éloquente encore est la démarche de revente entreprise à l’été 2018. Le fonds d’investissement américain (terme qui transpire évidemment le football) GACP aurait conclu le principe d’une vente avec M6. Mi-septembre, l’homme d’affaire étatsunien Joe DaGrosa confessait d’ailleurs : « Nous sommes là pour une période relativement courte par rapport à l’existence du club : cinq ou dix ans ». Comment faire admettre aux supporters que leur club n’est plus qu’un investissement espéré rentable pour quelques saisons ?

Un bateau ivre insubmersible ?

Cependant, malgré toutes ces tuiles, Bordeaux réussit assez bien à maquiller cette déliquescence en «phase de transition». S’ils titubent, les Girondins ne sont pas encore par terre. A défaut de pouvoir gagner le titre à court ou moyen terme dans une Ligue 1 qui a beaucoup changé depuis leur titre de 2009, émerge chez eux une véritable culture de la débrouille. Finalement, les Girondins ont réussi à gratter une Coupe de France en 2013 et arrivent toujours à être en course pour l’Europe malgré un effectif régulièrement moyen intrinsèquement mais dont ils parviennent toujours à tirer le meilleur. Conséquence, les Girondins sont tièdes mais parviennent à se maintenir dans le deuxième quart du tableau.

Les fans, inquiets, semblent bien partis pour manger encore ce pain noir pendant un moment. Mais pendant combien de temps encore cette gueule de bois peut durer ? Le foot est de plus en plus compétitif et les « petits » ont la dalle. La dalle de bien figurer en Europe, la dalle de défier les pronostics. Les bordelais doivent le comprendre. Vidéoton en Europe et les Crocos Nîmois le prouvent suffisamment. L’électrocardiogramme de l’institution girondine est de plus en plus plat. A force de se moyenniser, le club finira bien par connaître un accident. D’ici là, François Kamano, Jaroslav Plasil et Jules Koundé essaieront de tenir le gouvernail du mieux qu’ils le pourront… jusqu’à ce que la grandeur girondine se fissure définitivement ?

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De toute façon, le GOAT, c'est soit Muhammad Ali, soit Bouna Sarr