Le Nottingham Forest de Brian Clough a impressionné le monde du football en 1979 et 1980. Mais ce qu’il a fait, c’est aussi grâce à Peter Taylor. Retour sur la relation entre Clough et Taylor.

Deux hommes

Brian Clough est la main droite du duo. Attaquant, il commence sa carrière en 1955 à Middlesbrough, et la termine à Sunderland en 1964. Au cours de sa carrière, il marque un peu plus de deux-cent buts en deux-cent-soixante-dix matchs. International anglais à deux reprises, sa carrière est malheureusement interrompue par une grave blessure. A Middlesbrough, il se lie d’amitié avec le gardien de but Peter Taylor. Celui-ci, de sept ans son aîné, passe sa carrière entre Coventry et Middlesbrough, avant de terminer par une pige à Burton Albion en tant qu’entraîneur-joueur entre 1962 et 1965.

Alors que les deux hommes auraient pu ne rien avoir à voir, Clough et Taylor vont se revoir quelques jours après la retraite du premier. Brian demande à Peter de venir l’assister à Hartlepool United, où il veut lancer sa carrière d’entraîneur. Peter Taylor accepte, malgré son aura à Burton Albion. Il a en effet remporté avec le club la Coupe de la Ligue du Sud en 1964. Mais il accepte de rejoindre son compère en quatrième division.

De suite, les deux hommes sont très complémentaires. L’encadrement des joueurs est le travail de Brian Clough et Taylor s’occupe pour sa part de dénicher des pépites dans les autres clubs. Quand Brian Clough gère les relations avec les équipes dirigeantes du club, Peter Taylor se charge de négocier les contrats. Mais il ne faut pas croire Brian Clough trop dans les hautes sphères. En effet, il s’occupe également de la pelouse et de l’entretien. Et le duo fait du beau boulot à Hartlepool. En effet, ils parviennent à maintenir le club et l’installer en milieu de tableau de quatrième division en quatre ans alors qu’il luttait jusque là pour le maintien chaque saison, puis le mène aux portes de la troisième division.

Grande gueule

Leurs très bons résultats à la tête d’Hartlepool attirent les regards de plus grosses écuries. C’est Derby County qui finalement parvient à s’attirer les services des deux compères à l’été 1967. Clough et Taylor ont de grandes ambitions. Brian Clough demande à Peter Taylor de lui ramener quelques joueurs talentueux et à bon prix. Trois joueurs vont marquer l’histoire de Derby County : Roy McFarland, Alan Hinton et John O’Hare. A eux trois, ils cumuleront plus de mille apparitions sous le maillot blanc de Derby County. Cependant, Derby termine à la dix-huitième place du classement malgré une demi-finale de coupe de la Ligue contre l’ennemi de Leeds.

Mais Clough et Taylor vont viser la montée la saison suivante. Peter Taylor recrute notamment au début de la saison 1968-1969 John McGovern, qu’ils ont formés tous les deux à Hartlepool. Il s’attire aussi les services du joueur des Spurs Dave Mackay, qu’il fait passer de milieu relayeur à défenseur central. Le milieu de Sheffield United Willie Carlin est également dégoté à bas coût par les deux hommes. La saison des deux hommes à la tête de Derby County est brillante. Derby remporte la seconde division avec seulement deux défaites et deux matchs nuls au compteur. Avec 63 points, il égale le record du club – la victoire valait alors deux points.

La montée en première division est une grande réussite pour le duo. En effet, ils veulent se venger de Leeds, qui leur a infligé une défaite sévère la saison précédente. Leeds remporte d’ailleurs la First Divison à plusieurs reprises ces années-là. Et Clough veut prouver la supériorité de son style de jeu. A l’opposé du kick and rush très à la mode à l’époque, il base son jeu sur de la possession et de la construction. Il s’attire les foudres de certains en imposant une discipline de fer dans les vestiaires : il interdit notamment de fumer à la mi-temps des matchs !

Clough et Taylor : Both Bosses

La relation entre les deux hommes se développe petit à petit. Peter Taylor est calme, quasiment invisible à la télévision. Brian Clough est lui quasiment toutes les semaines sur les plateaux des talk shows sur le football anglais. Il fait la une des journaux à chacune de ses déclarations, et son ego ne laisse pas indifférent. Soit on le déteste, soit on l’adore. Et le duo va très bien fonctionner. En 1972, les deux entraîneurs si différents et si complémentaires vont parvenir à arracher le titre suprême : ils remportent la Premier League, devant les rivaux de Leeds. L’ego de Brian Clough est comblé. Le talent de Peter Taylor est confirmé.

« Brian Clough avait un égo absolument incroyable. Heureusement qu’il était très fort. Je me souviens de cette fois où Muhammad Ali, qui n’est pas n’importe qui, avait entendu parler de Clough, et avait été énervé que l’on compare Clough à Ali. Deux grandes gueules !

– Un proche de Brian Clough

Mais l’histoire vacille quand Peter Taylor est victime d’une petite crise cardiaque quelques mois plus tard. En même temps, Brian Clough rentre en conflit avec le président du club, Sam Longson. Ils sont virés du club où ils ont tout construit. Alors pour se relancer, et pour faire goûter l’air marin à Taylor, ils prennent les rênes de Brighton, au troisième échelon du football anglais. Le duo ne change pas, même si moins médiatique. Taylor peut user de son réseau pour dégoter des pépites et Clough se sert de son expérience et de son talent d’orateur pour impressionner et motiver ses joueurs.

Trop beau

Mais l’histoire va s’interrompre quand Leeds vient se mêler au jeu. Le club propose au duo un engagement pour remplacer Don Revie, l’entraîneur emblématique du club. Taylor refuse, par attachement à Brighton et par honneur. Clough, malgré le désamour qu’il a pour l’équipe de Revie, accepte. Mais il ne restera que quarante-quatre jours à la tête de Leeds United. Son ego ne fait pas mouche, ses méthodes de jeu et son antipathie pour Revie sont autant d’éléments qui le font détester par ses propres joueurs. Il quitte Leeds avec cent-mille livres dans la poche, mais avec son honneur et ses chances d’entraîner l’équipe d’Angleterre au fond du trou.

« Je suis sûr que les responsables de la fédération anglaise se sont dit que s’ils me confiaient la sélection nationale, je voudrais tout contrôler. Ça prouve qu’ils étaient plutôt malins, parce que c’est exactement ce que j’aurais fait »

– Brian Clough

Alors Clough revient là où il aurait dû rester. Il va retrouver ce bon vieux Peter Taylor sur la côte sud de l’Angleterre, et revient dans les tréfonds de la troisième division anglaise. En fait, il n’est pas officiellement l’entraîneur, et n’est que le conseil de son ami. Après une année dans ce rôle, il veut reprendre son rôle d’entraîneur principal.

Consécration

Clough et Taylor trouvent un défi à leur hauteur : Nottingham Forrest. Ils prennent le club en deuxième division, le font remonter dans l’élite. Là, il séduisent le public par leur beau jeu. Surtout, ils remportent le titre très rapidement, et se qualifient pour la Coupe d’Europe pour la première fois de leur histoire. Ils éliminent Liverpool, tenant du titre, et poursuivent peu à peu leur marche triomphale. Avec John McGovern au milieu de terrain et d’autres talents made in Peter Taylor’s factory, ils se qualifient en demi-finale, puis atteignent la finale de la compétition. Là, le miracle se produit, et Nottingham remporte le titre. L’exploit se poursuivra la saison suivante, avec une seconde victoire en Ligue des Champions pour Forrest.

Après ces deux saisons en apothéose, Clough se fâche avec Taylor en 1982. Sans son acolyte, il stabilise Forrest en première division anglaise avant de connaître la relégation. Taylor, à l’issue de cela, redeviendra le coach de Derby County pour deux dernières saisons. Les deux hommes ne se serreront plus la main, pas même dans le protocole. Malgré leur dissensions, Clough est présent à l’enterrement de Peter Taylor après le décès de celui-ci en 1990.

« To Peter. Still miss you badly. You once said: ‘When you get shot of me there won’t be as much laughter in your life ».

Alcoolique, Clough décédera le 20 septembre 2004 à soixante-neuf ans, après une greffe du foie qui lui fera dire : « J’espère qu’ils ne m’ont pas donné celui de George Best ». Si la fin de vie des deux hommes fut une des périodes les plus compliquées de leur histoire personnelle, on retiendra davantage la fantastique collaboration entre ces deux visionnaires que leurs disputes de clocher. Aujourd’hui, Clough est considéré comme le plus grand entraîneur anglais de l’histoire. Ironiquement, il n’a jamais entraîné l’Angleterre. Mais Peter Taylor mériterait aussi cet hommage.

« Si Dieu avait voulu qu’on joue dans les nuages, il aurait mis de la pelouse là-haut. »

– Brian Clough

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