Sur un terrain brûlant et une chaleur de forge, deux équipes s’affrontent. La première est habillée de blanc, la seconde est vêtue de rouge. Le ballon, bleu et un peu abîmé, a été amené par le gardien blanc. Quant au terrain, il parait bien vétuste, mais a l’avantage énorme d’exister.

L’arbitre

Tous les regards se concentrent vers le ballon. Vingt-deux personnes, plus les passants. Pas d’arbitre. Jamais, dans ces matchs qui se disputent sur des terrains en terre rouge. L’arbitre, c’est tout le monde, l’arbitre, c’est personne. Dans cette chaleur étouffante, les cris fusent à défaut du ballon. « Passe, passe ». « Allez allez allez ». Le plus embêté, c’est le gardien blanc. Il porte un maillot du Real Madrid floqué au nom de Ronaldo le brésilien.

Quand l’a-t-il acheté ? A l’époque où le buteur auriverde terrorisait les défenses d’Espagne et d’Europe et où le Real Madrid pouvait compter sur sa complémentarité avec Raul. Ce gardien, il aurait bien aimé être attaquant comme Ronaldo, mais ses pieds en ont voulu autrement. Sous cette chaleur intense, il est bien content de ne pas avoir à courir comme un dératé, comme le font ses défenseurs. Mais en même temps, chacun de ses mouvements est ralenti par la touffeur de l’air ambiant.

Certains plaisantent et se balancent des bouteilles d’eau au moindre arrêt de jeu. D’autres, lentement, reprennent leur respiration, les mains posées sur les hanches. Ils ne devraient pas faire ainsi. Mais personne n’est là pour les reprendre. Pas même ce spectateur attentif qui, assis sur une barrière, une canette de bière à la main, les regarde jouer. Des bières, il n’est pas le seul à en avoir. Dans le sac bleu, là bas, un pack de vingt-quatre attend tranquillement et se réchauffe au grand dam des participants. Après le match, si elles ne sont pas bouillantes, ils les déboucheront et trinqueront à la santé des autres.

Ballon

Le ballon est brûlant, normal vu la chaleur. Et à chaque remise en jeu, les joueurs se demandent s’ils ne feraient pas mieux de verser de l’eau dessus pour le rafraîchir. C’est sûrement une mauvaise idée : le ballon risque de glisser de se salir dans la terre. Sans doute est-ce pour cela qu’ils ne le font jamais. Ou bien par fainéantise, c’est probable.

Les contacts ne sont pas très rugueux. Avec la chaleur, personne n’a envie de se blesser. « Ce n’est pas un temps pour faire du football ». « Mais alors pourquoi est-ce que tu es venu ? ». Les différents camps s’invectivent un petit peu. Mais rien de bien méchant, même pas du trash talking dont sont friands les américains. Tout juste de quoi amuser la galerie. Les défenseurs rouges discutent entre eux. « Et toi, tu préfères la droite ou gauche ? ». Parmi le quatuor, quatre clubs sont représentés. Un maillot de Manchester United, un autre de Liverpool dans l’axe. Sur les côtés, une tenue du Bayern et un kit complet de la Roma.

Sur un ballon anodin, un joueur fait mine de se blesser. En fait, il n’a que des crampes, et n’a pas le courage de continuer. Pas d’arbitre pour siffler la fin de la partie, que des mines à la fois déconfites et à la fois soulagées de ne plus avoir à batailler dans la chaleur, sous le soleil et sans une pointe de vent. Quelques uns s’échangent des transversales en guise de décrassage, tandis que d’autres se précipitent vers le bord du terrain pour se changer. Les mains se tapent, quelques accolades marquent la fin de la partie. C’est dans cette atmosphère, entre chaleur et fatigue, que se termine la partie. Et même la chaleur étouffante n’empêchera pas les joueurs de se retrouver.

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