Le football a tellement besoin de ses supporters que ceux-ci prennent une place hors du commun. Aujourd’hui, ce sont les ultras, supporters parmi les plus décriés, qui passent sur le billard.

Le mouvement ultra : retour sur la création d’un public particulier

Une origine controversée

Le berceau de la création du mouvement ultra est controversé. En effet, les deux continents où sont implanté de manière forte la culture footballistique, à savoir l’Europe ainsi que l’Amérique Latine, se disputent l’origine de cette culture désormais connue de tous.

Cependant, il est important de faire la différence entre les « fan bases » implanté dans les stades depuis les années 1900, période où le football populaire se démocratise sur les deux continents, et les supporters plus virulent des années 1960.

En revanche, on note la présence de groupes de supporters se rapprochant au plus près du mouvement ultra en Hongrie dans les années 1890 et au Brésil dans les années 1930. Bien qu’ils soient sous forme de groupe, tout comme les fan bases classiques et habituelles présentes dans les stades, ils se différencient par un regroupement semblable à une association.

Et un ancrage ancien

Cependant c’est bel et bien dans les années 1950, en Europe, et plus précisément en Yougoslavie que le mouvement ultra est créé. Mais c’est en Italie que le mouvement prendra son essor suite au crash d’un avion comportant les joueurs du club du Torino. En effet, les dirigeants expriment leur volonté de réunifier les supporters de leur équipe. Et ce sous le nom des désormais célèbres tifosis afin que cette communauté de supporters puissent suivre et défendre les couleurs du club. Par exemple en organisant des déplacements à travers le pays. Suite à cela, d’autres dirigeants italiens prendront la décision de copier cette initiative.

A travers les années 1960, le désir des jeunes de s’émanciper devient de plus en plus fort, et notamment dans les stades puisque ce sont eux qui démocratiseront le mouvement ultra.

C’est dans ces années-là que ce le terme « ultra » prend tout son sens. Ce terme vient originellement des ultraroyalistes dont leurs idées sont retransmises par la violence. Un parallèle que l’on peut retrouver encore aujourd’hui dans certains groupes de supporters dit « ultras ».

C’est dans les années 1970 que le mouvement se popularisera en Europe. D’abord en Espagne puis au Portugal, mais aussi en France dans les années 1980, puis en Allemagne dans les années 1990.

En revanche les pays anglo-saxons sont beaucoup moins réceptifs à ce mode de supporteurisme. Se développera alors l’hooliganisme, beaucoup plus violent que le mouvement ultra.

Le monde ultra : une association des plus banales

Aussi étonnant que cela puisse paraître, le mouvement ultra est soumis à la loi. Et plus spécialement à la loi 1901, concernant la liberté d’association. En effet l’article 1 de la loi stipule « l’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices… » On retrouve dans cette loi certains éléments qui sont essentiels à la vie du groupe, en l’occurrence l’article 6 de cette même loi : « Toute association régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisation spéciale, ester en justice, recevoir des dons manuels ainsi que des dons d’établissements d’utilité publique, acquérir à titre onéreux, posséder et administrer, en dehors des subventions de l’Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics :

  • 1° Les cotisations de ses membres ;
  • 2° Le local destiné à l’administration de l’association et à la réunion de ses membres. »

De par ce point fondamental, l’association est par exemple tenue d’organiser une assemblée générale. Elle a lieu en présence de ses membres, une fois par an, afin de faire le bilan sur l’organisation de l’association.

Comme pour toute association, il y a un organigramme des postes pourvu. Et ce afin de faire fonctionner le mieux possible l’association. Ainsi, la hiérarchie comprend président, trésorier, responsable de la relation avec le club et autorités.

Une économie, une indépendance et des relations

Être crédible

Si sur le point juridique, les associations sont soumises à la loi, intérieurement les règles sont toutes autres. Bien loin des startups, ils sont cependant doté d’une grande puissance financière.

Leur caractère autonome et indépendant permet de maintenir une crédibilité. Et permet d’assurer le bon fonctionnement du rôle qu’incarne les ultras. En effet, l’économie permettant la réalisation des projets de l’association se font par les revenus générés par les adhésions. Mais aussi par la vente de produits dérivés (stickers, vêtements et accessoires en tout genre). On peut alors parler d’autofinancement.

Cependant cette économie n’est pas très viable, puisqu’un nombre conséquent de paramètre en dépendent. Il se peut que d’une année à l’autre, plus d’argent sorte des caisses de l’association qu’il n’en rentre. Ceci peut avoir des conséquences sur l’investissement des ultras. Car l’argent apporté sert à financer les nombreux projets tout au long de l’année. Notamment tifos et déplacements.

Être fidèle

Bien qu’ils soient détachés du club, puisque les associations ne sont pas propriété des clubs, ils entretiennent des relations avec les dirigeants, le staff et les joueurs du club qu’ils supportent. C’est important puisque les ultras mettent un point d’honneur à avoir leur indépendance. Et donc à ne pas subir la loi du club. Puisque les ultras peuvent par exemple avoir un avis politique ou des discours divergents de l’opinion des dirigeants du club. De ce fait ils conservent une liberté d’expression. Une liberté dont ils peuvent se servir lorsque cela leur semble nécessaire. Mais une liberté qui peut parfois aller à l’encontre même du club. Ce par exemple en ne prônant pas le même discours. Cela peut souvent ne pas encourager les liens, parfois difficiles, entre ultras et dirigeants.

Cependant les dirigeants du club gardent quand même la main mise sur ces associations. Ainsi, ils peuvent décider de l’interdiction de stade de ces derniers. Mais aussi négocier les tarifs d’abonnement en faveur des adhérents de l’association. Et aussi participer à la réalisation d’animations dans le stade.

Il est donc important pour les ultras de garder un certain recul. Pour ne pas entrer en conflit avec les plus hauts placés du club, comme pour garder une liberté qui leur est fondamentale.

Un pour tous, tous pour un

Au sein du mouvement ultra, on assiste à une certaine forme de communautarisme. Ce n’est pas l’individu qui importe mais la communauté. C’est pourquoi les membres d’un groupe sont solidaires entre eux. Pour la réflexion, en passant par l’organisation d’un projet, jusqu’à sa réalisation. Pour les déplacements lors des matchs se jouant à l’extérieur. Et même pour des conflits, soit contre des supporters adverses, soit contre les forces policières…

Toujours est-il que sans l’action des membres qui constitue l’association pour former une communauté, l’impact apporté dans le stade de par leurs animations en tribune (chants, tifos) serait moindre. En fait, si le collectif n’est pas constitué, l’organisation ne pourrait se faire convenablement. Et donc pas avoir une ambiance telle qu’elle existe que ce soit pour des petites affiches ou les grosses affiches. On observerait donc un stade vide de sons.

C’est là où l’intérêt d’avoir un collectif prend tout son sens. D’ailleurs, ces collectifs sont souvent qualifiés de « douzième homme » lorsque le collectif pousse son équipe, plus bruyamment que d’habitude. Permettant dans un entrain de dynamisme, de lancer le public du stade à l’unisson et par ce biais réaliser une pression extraordinaire, positive pour l’équipe à domicile mais négative pour l’équipe visiteuse. En témoignent les sifflets de milliers de personnes menant à la déstabilisation d’un joueur particulier ou d’une équipe.

Le collectif réponds donc toujours au nom d’une seule voix. Et ce peu importe les raisons et les conséquences.

Rapport de force : causes, club, autorité, conséquences

Pas toujours des enfants de chœur…

L’engouement des ultras lors d’un match de football est bien connu. Mais chaque affiche possède son échelle d’intensité et de rapport de force. Ainsi un Dijon-Metz ne suscitera pas autant l’attention des ultras qu’un OL-ASSE, qualifié du derby le plus « chaud » de France. Dans cet état d’esprit traditionnel chez les ultras, chaque rencontre considérée comme des matchs « chaud » entraine son lot de dérives. Entre chants vulgaires proliférants lors des matchs précédent l’affiche, banderoles insultantes, tifo a caractère haineux, … C’est une bagarre interposée qui peut parfois aller jusqu’aux mains et a la dégradation de biens (cf. Euro 2016 ou finale de la Coupe de la Ligue 2017 au Groupama Stadium…)

Cette violence inouïe au sein des stades peut avoir des conséquences irréversibles. C’est le cas notamment dans le Parc des Princes, à Paris, ou lors d’un affrontement entre deux collectifs supportant le même club ; la tribune kop Boulogne, qui est investi dès leur création par les skinheads nationalistes d’extrême droite ; et la tribune Auteuil qui se veut, elle, antiraciste, mènera à la mort d’un membre de la tribune kop Boulogne des suites de ses blessures.

Les ultras ne meurent jamais…

La violence de cet affront prendra une grandeur tel que la politique et les politiques ne cesseront de s’empreindre de ce drame. Les conséquences pour ces deux groupes sont simples mais néanmoins efficace pour stopper net leurs activités. Ils sont soumis au plan Leproux. De manière grossière, ce plan a pour but de mélanger de façon aléatoire l’ensemble des supporters et les répartir dans l’intégralité du stade. Par ce biais, la cohésion de groupe des collectifs était impossible. Ce qui a conduit au boycott du stade. Depuis, le retour des groupes d’ultras dans le Parc des Princes se fait petit à petit mais difficilement. Cela impacte très largement l’ambiance générale dans le stade et lors des déplacements puisque la ferveur des ultras parisiens était réputée comme l’une des plus chaude de France. Et donc indispensable au pinacle des spectacles qu’est le football.

Les déplacements : un point essentiel

Autre cas de figure : les déplacements. Les déplacements à l’extérieur, ont de nos jours, tendances à être diabolisé par les autorités. C’est d’abord le préfet de la région qui donne le droit ou non d’autoriser le déplacement de supporter. En cause, la sollicitation de la police pour encadrer le bon déroulement d’un déplacement est de plus en plus forte. L’excuse facile du manque de moyens pour mettre en œuvre ces opérations au profit de l’ancien contexte géopolitique en France, à savoir l’état d’urgence, était souvent motif de non acceptation de ces déplacements.

Les débordements de terrains peuvent être sanctionnés (OL-Besiktas en 2017), ainsi que la présence d’objets pyrotechnique au grand désarroi des ultras, puisque leur utilisations fortement réprimé. Mais leur usage est encore important. Ce qui permet d’offrir des spectacles incroyables et inoffensifs la plupart du temps. Il n’y a qu’à voir les magnifiques tifos agrémentés de fumigène du Legia Varsovie et de sa Żyleta.

Les jets d’objets sur le terrain ainsi que les injures discriminatoires sont par contre condamnables. Elles sont malheureusement encore trop présentes dans les tribunes des stades (notamment en Italie). Et contribuent à la face sombre, raciste, du football.