Le Brésil a formé nombre de grands joueurs. Si le football des années 50 et 60 fut peut-être celui ou le Brésil a été le plus fort, cela est dû à l’influence de certains joueurs bien avant eux. Car Garrincha, Didi et autre Gilmar ont été inspirés par des prédécesseurs. Et parmi eux, il y a un certain Arthur Friedenreich. Son nom a consonance allemande ne l’empêche pas de faire partie des plus grands footballeurs de l’histoire. Retour sur la carrière de l’attaquant brésilien.

Noir Désir

Brésil, 1884. Un jeune commerçant allemand, Oscar Friedenreich, arrive pour faire fortune dans le pays de toutes les opportunités. Faisant affaires, il s’installe à São Paulo. Là, il tombe amoureux d’une jeune lavandière noire, Mathilde. Non rebuté par les préjugés racistes, il décide de lui donner un fils. Ce fils, ce sera Arthur Friedenreich. Celui-ci naît dans la ville pauliste le 18 juillet 1892.

Alors que le football vient à peine de commencer à se populariser, le jeune Arthur Friedenreich a déjà des qualités balle au pied. Sur des terrains de foot improvisés, entre quelques marins anglais et fils d’immigrés allemands, il taquine le cuir. Son père reconnaît son talent, immédiatement. Et, faisant fi du fait que son fils soit métis, il se décide à le présenter au Germania, le club des immigrés allemands. A l’âge de 17 ans, il commence à évoluer dans le championnat amateur du Brésil – le football n’était pas encore professionnel à l’époque.

Sous le régime des Coronels, le jeune brésilien brille sur les terrains. Victime de racisme, il se teint la peau de farine de riz pour se blanchir le teint. Mais surtout, son habileté à marquer des buts impressionne. Capable de scorer dans toutes les positions, les dirigeants du Germania se rendent compte qu’ils n’ont pas fait une mauvaise affaire. Et ce malgré la réticence de certains cadres de l’équipe, désopilés de voir un « nègre » rentrer dans l’équipe. Et encore plus quand celui-ci prend leur place.

Lieutenant Friedenreich

Friedenreich s'est également engagé comme soldat lors de la révolution constitutionnelle de 1932
Friedenreich s’est également engagé comme soldat lors de la révolution constitutionnelle de 1932

Mais Arthur Friedenreich a beau exceller sur les terrains de football, il reste un jeune homme de 18 ans. Et l’heure d’effectuer son service militaire arrive. En 1910, il effectue ainsi son service militaire. Affecté à la conduite des camions, le jeune homme devient très vite populaire. Souvent aperçu cigarette au bec – quoi de mieux pour entretenir la forme ! -, au volant d’un de ces gros engins, sa bonne humeur est contagieuse. Rapidement promu lieutenant, du fait de son éducation soignée, il arrive de justesse à échapper à la première guerre mondiale, au cours de laquelle le Brésil, pourtant neutre au départ, déclare la guerre à la Triplice.

Cela ne l’empêche pas dans le même temps de continuer à jouer au football. Entre 1910 et 1915, il évolue alternativement à Ypiranga (1910, 1913-1915), au SC Germania (1911) et au Mackenzie College (1912). Son premier « gros club » correspond à sa signature en 1916 au Paulistano. Mais entre temps, le jeune attaquant brésilien s’est fait repérer par cette équipe qui se réunit de temps en temps que l’on appelle « Sélection Nationale ». En 1914, avec l’équipe qui deviendra près d’un demi-siècle plus tard championne du monde, il remporte la Copa Roca. C’est le premier titre de sa carrière.

Après un cours retour à Ypiranga en 1917, il évolue de 1918 à 1929 au Paulistano. Cela sera le club de presque tous ses succès. Là-bas, il connaîtra la gloire en club, avec cinq titres de champion Pauliste, et une palanquée de titres de meilleur buteur. Mais aussi la gloire en sélection, avec les victoires en Copa América 1919 – dont il sera le meilleur buteur et le meilleur joueur – et 1922.

« Friedenreich ? Non, on ne veut pas de pauliste »

C’est à peu près en ces termes que la fédération Uruguayenne, en 1930, rejette la proposition d’équipe du Brésil pour la première coupe du monde de l’histoire. Officiellement, l’attaquant brésilien se blesse quelques jours avant la compétition. Officieusement, il est victime du fait qu’il joue dans le championnat pauliste. Et non dans le championnat carioca. Une histoire de conflits internes qui vient ruiner un des plus gros talents de l’histoire du football. Triste époque. Après cette année 1930, il prend d’ailleurs sa retraite internationale.

Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir brillé en club. Transféré en 1929 aux Santos, il finit meilleur buteur et champion Pauliste. Puis, entre 1930 et 1933, alors qu’il porte le maillot du São Paulo FC, il remporte à nouveau le titre de champion. Brillant sur les terrains, il invente de nouveaux dribbles, comme le dribble court. De même, il fait partie des premiers joueurs à frapper ses ballons avec beaucoup d’effets. Demi avancé, le roi des rois montre son talent au monde entier, comme lors des tournées de ses équipes face à des sélections européennes. Décidément le premier roi du football, bien avant Pelé.

Le Tigre fatigué

Après l’année 1933, sa carrière est en déclin. Il effectue des piges à l’Atletico Mineiro en 1933, puis retourne à São Paulo, avant de repartir en 1934. Cette année-là, il effectue quelques matchs avec l’équipe de Santos, avant, en 1935, de quitter le club qui verra naître Pelé pour signer à Flamengo. Mais aucune de ces équipes ne lui offrira un titre de champion ou même de meilleur buteur. Physiquement diminué, celui qui a déjà 43 ans décide de prendre sa retraite.

Selon lui, sa carrière s’arrête sur des statistiques de plus de 1200 buts, avec une moyenne de 0,98 buts par matchs. Selon l’IFFHS, il n’a pas dépassé la barre des 500 buts. Et pour la RSSSF, il atteint la barre des 552 buts en 562 matchs. Toutes ces querelles ne l’empêchent pas d’être élu cinquième meilleur joueur brésilien du siècle, et treizième meilleur sud-américain.

Sa carrière dans le football s’arrête ainsi, sans qu’il n’ai jamais quitté le Brésil, ni exercé le métier d’entraîneur. S’étant retiré, il vivra une fin de vie plutôt paisible, à l’écart des tentations et de la luxure. Le 6 septembre 1969, il décède à São Paulo, à l’âge de 77 ans. Il est érigé aujourd’hui comme modèle de la lutte contre le racisme, tant il a réussi à faire abstraction des critiques qui émanaient à son encontre. Et, comme d’habitude, le meilleur moyen de répondre aux critiques sur sa couleur de peau est de réussir des prestations de grande envergure sur le terrain. Pour qu’après cela, le joueur abhorré devienne joueur adoré.

A propos NSOL 835 Articles
« Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde, on le peut reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui ». (Jonathan Swift, 1667-1745)